Communiquer et valoriser les efforts en faveur de la réduction des phytos
TNC le 03/02/2021 à 14:25
Lors de son colloque national du 2 février 2021, le réseau Dephy grandes cultures/polyculture-élevage a affirmé : « la réduction des phytos est possible partout avec des systèmes robustes ». La communication et une rémunération supplémentaire constituent les clés pour entraîner de plus en plus d'agriculteurs dans cette transition et répondre aux objectifs du plan Ecophyto II+.
Dans le cadre de son colloque national 2021, le réseau Dephy1 grandes cultures/polyculture-élevage a présenté ses résultats d’études : « les exploitations engagées enregistrent une baisse des IFT de 18 % sur 635 systèmes de cultures étudiés, entre l’état initial et la moyenne 2017/2018/2019 : – 11 % pour les usages herbicides et – 26 % pour les usages hors herbicides », indique Philippe Tresh, expert filière polyculture-élevage Dephy/Idele. « La baisse des IFT hors herbicides a été possible grâce à la mise en place de leviers annuels, la plupart des exploitations y ont accès facilement, souligne-t-il. Pour réduire les IFT herbicides de manière significative, les leviers annuels doivent, par contre, être combinés avec des leviers plus contraignants (désherbage mécanique, évolution de la rotation…), ce qui explique une baisse moindre des IFT herbicides à ce jour ».
Réduire les phytos « sans affecter la marge économique »
Le réseau a ainsi pu démontrer que « la réduction des phytos est possible partout avec des systèmes robustes et sans affecter la marge économique », poursuit Virginie Brun, cheffe de projet Dephy. Les analyses technico-économiques réalisées sur 324 systèmes de cultures Dephy révèlent, en effet, que « les systèmes qui baissent leurs usages de produits phytos ont tendance à réduire leurs charges (- 4 % des charges totales) ».
Avancer grâce au collectif
Selon Xavier Reboud, directeur de recherche Inrae, l’enjeu aujourd’hui est de « transférer », « massifier » et « inspirer », afin d’embarquer le plus d’agriculteurs possibles dans la réduction des produits phytos. Il faut notamment « travailler sur les freins psychologiques, indique Virginie Brun. S’engager dans une telle transition n’est pas simple et pour cela, le collectif (via le réseau Dephy notamment) constitue un réel soutien ». En témoigne Philippe Pierron, polyculteur-éleveur dans la Creuse : « j’ai choisi d’intégrer le réseau Dephy, car je me sentais seul dans mon coin à vouloir réduire l’usage des phytos. Le partage d’expériences (les réussites, comme les échecs) permet d’avancer plus vite ». Le réseau Dephy a un rôle très important à jouer dans ce transfert de connaissances via les groupes d’agriculteurs, les journées portes ouvertes, les fiches pratiques mises en œuvre, etc.
« Faire reconnaître ce différentiel de production »
Pour favoriser cette transition, Xavier Reboud note également la nécessité de « faire reconnaître ce différentiel de production », citant les exemples de l’agriculture biologique, ou d’autres initiatives comme Lu’Harmony, la filière CRC… La question de valorisation économique supplémentaire est d’autant plus importante, avec le développement de la certification environnementale (HVE) en grandes cultures. Il faut également que « la prise de risque soit partagée entre tous les maillons de la chaîne et que tous travaillent main dans la main », détaille Marie Stankowiak de l’Isa Lille. Certains distributeurs jouent le jeu, comme Carrefour, qui met en place, via sa F ilière qualité, une rémunération supplémentaire (jusque + 15 % pour les pommes de terre par exemple).
Et les consommateurs ont, bien sûr, un vrai pouvoir d’agir, ajoute Xavier Reboud. On constate souvent une ambivalence entre les attentes sociétales et les comportements d’achats. Ces derniers, « confrontés à une grande diversités de labels, peuvent parfois être perdus », selon Julien Fosse de France Stratégie. Il cite notamment l’exemple de la HVE, en déficit de notoriété. La communication constitue alors une réelle clé pour avancer.
Retrouvez le documentaire complet et les tables rondes de ce colloque national 2021 :
Le réseau Dephy fermes grandes cultures/polyculture-élevage regroupe aujourd’hui 128 groupes, soit 1 450 producteurs engagés pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. À côté, le réseau Dephy Expé a été créé pour expérimenter des systèmes de cultures innovants, que les agriculteurs ne pourraient pas se permettre de tester sur leur exploitation (13 projets d’expérimentation en France pour la filière grandes cultures/polyculture-élevage). Les produits phytos y sont utilisés seulement en ultime recours.
1 : Démonstration, Expérimentation et Production de références sur les systèmes économes en phytosanitaires