Donner toute leur place aux circuits courts
TNC le 15/11/2018 à 06:00
À la maison ou à la cantine, comment donner plus de place aux circuits courts, offrant potentiellement un meilleur retour de la valeur ajoutée aux producteurs ? Avec la loi issue des États généraux promulguée le 1er novembre 2018, les produits issus de circuits courts, avec les produits bios ou sous signe de qualité, devront constituer 50 % de l'approvisionnement en restauration collective à compter de janvier 2022. De quoi booster des initiatives qui, déjà, ne manquent pas.
À l’entendre, le consommateur veut de la proximité, il achète local. Pourtant, les circuits courts n’alimentent que 5 à 10 % de la consommation française. « Les circuits courts ne représentent que 3 Mds€. C’est encore peu », concède Claude Cochonneau, président de l’APCA. À titre de comparaison, le marché de la pizza, à lui seul, draine 5 Mds€.
Mais 20 % des agriculteurs vendent tout ou partie de leur production par des circuits courts. S’il y a une recherche de meilleure valorisation, vendre en direct permet aussi de retisser des liens avec les consommateurs, de redonner de la confiance en montrant nos pratiques, en ouvrant nos portes ».
Même si elle ne pèse pas encore beaucoup dans les paniers, la vente en circuits courts se dessine comme une tendance lourde pour les 25 ans à venir. Elle répond à une réelle attente de certains consommateurs et, côté producteurs, permet de retrouver la main sur la valorisation de ses produits. Dans cette démarche, l’agriculture a la chance de la proximité géographique de ses consommateurs. Certes, les circuits courts n’écouleront pas toute la production agricole mais il serait dommage de ne pas en explorer toutes les possibilités.
Circuits courts 2.0
Derrière la bannière « circuits courts » se cache un marché en pleine évolution. Il y a les traditionnels marchés et la vente directe à la ferme, mais de nouvelles formes émergent : certains producteurs n’hésitent plus à aller à la rencontre des consommateurs en créant des magasins en ville. D’autres saisissent l’opportunité du digital, avec des drives fermiers, qui combinent la vente directe avec la facilité logistique, ou des « market places ».
C’est l’option prise par Nicolas Machard, avec son site « pourdebon.com ». « C’est une place de marché digitale pour rapprocher des producteurs et des artisans des consommateurs », explique son directeur général. Le site recense 200 producteurs pour 6 000 produits, choisis pour leur qualité et leur respect des traditions culinaires.
Grâce aux nouveaux outils logistiques de Chronopost food, qui permettent des envois rapides en respectant la chaîne du froid, les consommateurs peuvent faire leurs courses « en direct » auprès de producteurs de toute la France. « Nous nous chargeons de la logistique, de la mise en valeur des produits, de la communication », explique Nicolas Marchard, dont le site vit grâce aux 25 % de commissions prélevées sur chaque vente.
en restauration collective, de nombreux freins à lever
25 % de la consommation alimentaire ne passe pas par les GMS mais par la restauration hors foyer : restaurants, mais aussi cantines, hôpitaux, maisons de retraite… Chaque année, ce sont 3,7 milliards de repas qui sont pris hors du domicile. À la fois pour ne pas se priver de ce débouché mais aussi pour répondre à la demande des consommateurs, les circuits courts doivent passer par la cantine.
D’ailleurs, la loi « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable », définitivement adoptée le 2 octobre dernier à l’Assemblée nationale et promulguée le 1er octobre 2018, fixe un objectif ambitieux : selon son article 11, la restauration collective publique devra s’approvisionner avec au moins 50 % de produits issus de l’agriculture biologique, locaux ou sous signes de qualité à compter du 1er janvier 2022.
Aujourd’hui, « la part de produits locaux est très variable dans la restauration collective. Cela dépend de la volonté politique, la disponibilité des produits et la logistique », estime Christophe Hébert, président de l’association nationale des responsables de la restauration territoriale.
Les freins pour un approvisionnement local restent nombreux. Il y a d’abord l’éternel problème du coût. Dans un repas à l’hôpital, le budget « matières premières » est de 1,4 €. « Dans une cantine par exemple, pour arriver à l’ambition de 20 % de bio, il faudrait au moins 30 centimes de plus », chiffre Christophe Hébert. Quelles collectivités reverront leurs priorités budgétaires pour y arriver ?
Autre problème, ce mode de restauration travaille de gros volumes. « Nous avons besoin de volumes importants, de planifications à long terme », explique Frédérique Lehoux, directrice générale de Geco food service. Des initiatives voient le jour pour aider les producteurs à se regrouper. Par exemple, la Chambre d’agriculture de Bretagne a créé Breiz’Alim, qui recense tous les producteurs capables d’approvisionner la restauration collective. Régulièrement, des réunions sont organisées pour qu’agriculteurs et gestionnaires apprennent à se connaitre.
Il faut aussi adapter les infrastructures à une relocalisation de la consommation. « Beaucoup de petits abattoirs ont disparu, constate Claude Cochonneau. Il faut retricoter un réseau de transformation et de distribution de proximité ».
Reste le problème des appels d’offre dans lesquels aucun approvisionnement ne doit être favorisé. « Le guide de bonnes pratiques de Stéphane Le Foll n’a rien donné, regrette Frédérique Lehoux,. On ne peut toujours pas faire de « sourcing » dans un appel d’offre ». « Reste à construire des cahiers des charges ensemble pour contourner le problème, encourage Laurent Kerlir. Par exemple, en demandant du lait de pâturage pour privilégier une origine France ». Au-delà des changements législatifs, beaucoup reste à imaginer.