Imbroglio sur un recours démesuré à une aide à la production de coriandre bio
AFP le 13/09/2024 à 10:15
Une aide généreuse à la production de coriandre bio a conduit des agriculteurs occitans, principalement dans le Gers, à en semer à foison, mais cet excès a poussé l'Etat à plafonner l'enveloppe financière dédiée, plongeant la profession dans l'embarras.
En un an, la coriandre bio a connu une croissance aussi exceptionnelle qu’inattendue dans la première région agricole bio de France : « une multiplication par sept des surfaces », dit à l’AFP Olivier Rousset, chef de la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF).
Au total, ce sont donc quelque 11 800 hectares contre environ 1 800 l’an passé, dans le Gers (environ 7 500), en Haute-Garonne (2 500) et dans le Tarn-et-Garonne (près de 1 700).
En surplomb d’une parcelle en coteau semée cette année, Xavier Duffau, agriculteur à Monlezun (Gers), explique comment on en est arrivé là.
C’est « en raison des problèmes économiques qu’on rencontre depuis deux ans sur le bio » : des « marchés en forte baisse », des « aléas climatiques plus impactants » pour ce mode de culture, ajoutés à la hausse des charges.
« Sécuriser » les trésoreries
Dans cette « très mauvaise passe », « par défaut et par dépit, on s’est dit : autant aller chercher une bouffée d’oxygène économique avec cette subvention », dit M. Duffau, également vice-président local des Jeunes Agriculteurs (JA), en regardant ses 15 ha de coriandre aux reflets bruns sous un ciel plombé. L’« oxygène », c’est donc une aide publique Pac de 900 euros à l’hectare en cas de conversion en coriandre bio.
Une ressource vue comme un moyen de « sécuriser » des trésoreries en difficulté, rapidement au cœur d’un « bouche à oreille » entre professionnels, explique M. Duffau, alors que les agriculteurs d’Occitanie « comptent parmi les plus pauvres de France », rappelle Nicolas Ates, secrétaire général de la chambre d’agriculture de Haute-Garonne.
Au vu du phénomène, certains acteurs ont dénoncé un « détournement » de fonds publics, comme la fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB).
« Cultiver la coriandre dans ces conditions, sans intention de la commercialiser, s’éloigne d’une démarche de production de valeur ajoutée pour la filière et constitue un détournement des aides », explique-t-elle.
L’accusation fait bondir les professionnels visés. « Qu’on arrête de faire passer les agriculteurs pour des voyous, il y a un règlement, quelqu’un l’a élaboré », affirme à l’AFP Bernard Malabirade, président de la chambre d’agriculture du Gers.
« Voie sans issue »
L’ampleur des aides demandées a en tout cas conduit le préfet de région à plafonner drastiquement le montant potentiellement accordé dans un arrêté daté du 19 août, avec pour effet des trous conséquents à prévoir dans les budgets calculés par les exploitants.
« C’est l’Etat qui faillit à sa parole, qui remet la règle en cause en cours de campagne, c’est inadmissible », tempête M. Malabirade.
Mais du côté de la DRAAF, M. Rousset souligne : « les aides à la conversion bio, ce sont deux éléments : un montant à l’hectare par culture et un mécanisme de plafonnement ». « Quand on regarde toutes les demandes d’aide de conversion, on observe si on est dans l’enveloppe ou pas: si on n’y est pas, on plafonne », explique-t-il. Et ce plafonnement était bien prévu dans un précédent arrêté, dès le mois de mars, fait-il valoir.
« Une mesure de conversion à l’agriculture biologique ne peut être la solution pour la trésorerie des exploitations de ce territoire qui sont, oui, réellement en difficulté », dit-il, qualifiant la démarche de « « voie sans issue ».
Alors que les syndicats continuent de réclamer le paiement effectif des aides et que les chambres envisagent des recours en justice contre l’arrêté d’août, M. Rousset n’évoque la possibilité que d’ « adaptations mineures ». « Cela ne pourra être que très limité du fait de la contrainte budgétaire », prévient-il.
Le 18 septembre, représentants agricoles et responsables préfectoraux doivent se retrouver comme ils le font tous les deux mois depuis le mouvement de colère paysanne du début d’année.
Le menu des discussions aura assurément cette fois, reconnaît chacune des parties prenantes, le parfum de l’épice qui s’est soudainement mise à pousser dans la région.