Jaunisse de la betterave : des pistes de solutions se profilent
TNC le 11/12/2020 à 12:08
Après une année particulièrement catastrophique pour les betteraviers qui ont subi les aléas de marchés liés à la crise sanitaire, mais surtout une chute record des rendements liée à la prolifération de pucerons vecteurs de la jaunisse de la betterave, la CGB se réjouit de la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes, mais se projette déjà sur les alternatives pour 2023.
Si l’année 2020 restera à coup sûr dans les annales en raison de la crise sanitaire, elle marquera également la filière betteravière, touchée de plein fouet par la jaunisse de la betterave contre laquelle les moyens de lutte les plus efficaces, les néonicotinoïdes, ne sont plus autorisés depuis 2018. « Cette année aurait dû être placée sous le signe de la reprise des marchés », a rappelé Franck Sander, président de la CGB, lors de l’assemblée générale du syndicat, organisée en visioconférence le 10 décembre. Au lieu de cela, les rendements ont chuté de façon spectaculaire, passant de 47 Mt de betteraves produites en 2017 à moins de 27 Mt cette année.
Néanmoins, le ministre de l’agriculture et la filière se sont mobilisés au cours des derniers mois, permettant le vote d’un projet de loi autorisant l’usage dérogatoire des néonicotinoïdes, pour les betteraves, jusqu’en 2023. Un projet de loi qui a justement reçu l’aval, tant attendu, du Conseil constitutionnel, le jour de l’assemblée générale de la CGB, permettant aux betteraviers de se projeter sur la prochaine campagne avec l’assurance de disposer de semences traitées.
1 000 jours pour trouver les solutions face à la jaunisse : réaliste ?
« Nous avons donc 1 000 jours pour trouver de nouvelles solutions face à la jaunisse de la betterave, alors que le rendement moyen de 2020 atteint péniblement 64 t/ha, contre 85-90 t/ha ces dernières années », rappelle Franck Sander.
Malgré ces résultats alarmants, l’optimisme reste de mise face aux moyens mis en place pour la recherche : 10 M€ par l’Inrae, 4 M€ par l’ITB (institut technique de la betterave), et 7 M€ de fonds publics. Tous les leviers sont mobilisés : la génétique, l’agronomie, le biocontrôle, en recherche de base et terrain. « On n’a jamais fait ça en France », salue Philippe Mauguin, PDG de l’Inrae. D’autant plus qu’une forte mobilisation s’observe également au niveau européen, rappelle Alexandre Quillet, président de l’ITB.
Plusieurs pistes sont aujourd’hui explorées : la sélection génétique, les plantes de services, les auxiliaires, la mosaïque paysagère et le biocontrôle. Sur la résistance, par exemple, le travail avance. Le programme Aker, qui a permis de doubler la diversité génétique de la betterave, donne un potentiel de lignées à cribler sur les critères de la résistance au virus. On va essayer de garder les variétés qui ont les meilleures caractéristiques de rendement et de résistance », explique Philippe Mauguin. Toute la difficulté sera de trouver des variétés résistantes aux trois principaux virus de la jaunisse de la betterave. « Je suis à peu près certain qu’on va trouver des candidats, mais peut-être avec un peu moins de rendement », précise le PDG de l’Inrae.
Du côté des auxiliaires de culture, les hyménoptères parasitoïdes, insectes dévoreurs de pucerons, constituent également une piste très prometteuse, explique Alexandre Quillet, à condition de leur donner le bon gîte. C’est l’objectif de la mosaïque paysagère. « Il y a un lien entre la taille des parcelles, la diversité des cultures, et la présence de bandes enherbées, qui ont un effet régulateur sur les auxiliaires », précise Philippe Mauguin, qui ajoute que 4 ha semble être la taille de parcelle idéale pour favoriser la circulation des auxiliaires.
Pour Sophie Primas, sénatrice (LR) des Yvelines et rapporteure du projet de loi sur la réintroduction des néonicotinoïdes, « la combinaison des différentes solutions (génétique, technique,…) nous laissera dans trois ans des perspectives optimistes. Même si on n’a pas 100 % du rendement dans trois ans, mais 80 ou 90 % ce sera déjà ça de gagné ».
Indemnisation et perspectives
S’il salue l’action de Julien Denormandie sur le dossier betteravier depuis son arrivée au ministère de l’agriculture, Franck Sander attend toujours des réponses sur le mécanisme d’indemnisation des planteurs victimes de la jaunisse.
Présent pour conclure les échanges, le ministre a donné quelques détails sur le dispositif à venir : « une majorité des planteurs sera éligible, les mêmes règles s’appliqueront à tous les bénéficiaires, il sera adapté aux régions de production ayant déjà eu des difficultés les années précédentes, le calcul des indemnisations sera basé sur des données individuelles, et les paramètres retenus seront simples. »
Enfin, bien que le président de la CGB souhaite « se projeter vers l’avenir », dans un contexte de marché qui devrait être porteur en 2021, le Brexit reste une ombre au tableau. Et les prévisions météo à long terme s’annoncent, par ailleurs, extrêmement favorables à la prolifération des pucerons pour la campagne 2020-2021…