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La pomme « zéro pesticide » de demain, fruit d’une recherche tous azimuts


AFP le 21/01/2025 à 10:37

Elle ressemble à la pomme de Blanche-Neige, mais sans le poison : dans ses vergers expérimentaux de Beaucouzé, près d'Angers, l'Institut de recherche agronomique Inrae invente les fruits de demain, résistants aux maladies et qui grandiront sans pesticides ou presque.

C’est sur ce campus du Maine-et-Loire qu’est née Story, une pomme d’un rouge profond, croquante, très sucrée, à l’issue de 20 ans de recherches.

Cette pomme de conte de fée « possède un gène de résistance à la tavelure », ce qui permet de réduire de 30 à 40 % les traitements pesticides contre cette maladie causée par un champignon, explique le chercheur de l’Inrae François Laurens, qui a dirigé l’équipe ayant conçu Story.

Avec l’oïdium, la tavelure est la principale affection fongique du pommier et c’est contre elle que s’effectuent plus de la moitié des nombreux traitements phytosanitaires annuels, 35 en moyenne. Le fruit préféré des Français, fragile, reste l’un des plus traités.

La maladie cause des lésions brunes sur les feuilles altérant la photosynthèse, et donc la capacité des plantes à se nourrir, et des taches sur les fruits les rendant impossibles à commercialiser.

« Cap Zéro Phyto »

C’est notamment contre cette menace majeure pour la pomme – dont 1,5 million de tonnes sont produites chaque année en France, troisième producteur européen derrière la Pologne et l’Italie – que l’Institut de recherche en horticulture et semences (IRHS), sous la tutelle de l’Inrae, de l’institut Agro Rennes-Angers et de l’université d’Angers, ont lancé un vaste programme de recherche : le projet « Cap Zéro Phyto ».

« Dans nos serres et vergers, nous pouvons expérimenter : cela nous permet d’assumer une prise de risques que ne peuvent se permettre les agriculteurs », explique Emmanuelle Chevassus-Lozza, présidente du centre Inrae des Pays de la Loire.

Zéro pesticide, ou presque, c’est faire mieux que pour la pomme Story. « Il n’y aura pas de solution unique, nous travaillons dans plusieurs directions en même temps », souligne-t-elle.

« Cinq leviers »

De la sélection des plants à l’arbre greffé, le projet « Cap Zéro Phyto » propose des « combinaisons de cinq leviers principaux destinés à augmenter l’immunité du pommier contre ses bioagresseurs », indique la chercheuse Marie-Noëlle Brisset, traversant les serres qui abritent des milliers de plantules vert tendre.

Parmi ces leviers, détaille-t-elle, figurent « la génétique », au travers de la sélection variétale conventionnelle, des produits « stimulateurs de défense des plantes », des « flashs d’UV-C », un rayonnement spécifique d’UV qui stimule les défenses naturelles des plantes, notamment utilisé sur la vigne contre le mildiou.

Elle évoque aussi « les restrictions en azote » et « les plantes de service », qui peuvent par exemple avoir un effet répulsif sur les insectes nuisibles, comme la menthe, ou favoriser la fixation de l’azote, comme la féverole.

Dans un premier temps, ces différentes solutions sont expérimentées sur de très jeunes plants de pommiers élevés par milliers sous serre. Puis les solutions les plus prometteuses sont testées sur des arbres dans de grands pots.

100 000 pépins et 20 ans pour une nouvelle pomme

Vient enfin l’épreuve du champ, où de jeunes arbres ont été plantés dans plusieurs vergers dédiés à l’étude de chaque levier ou des leviers en combinaisons.

Cette recherche de la pomme de demain passe par la création de nouvelles variétés : la candidate idéale est « facile à produire avec un rendement élevé et régulier », « se conserve bien » et « répond au goût des consommateurs, qui finalement ont le dernier mot », rappelle François Laurens.

Pour parvenir à ce résultat pour la variété Story, le chercheur a travaillé avec des biologistes et généticiens de l’Inrae mais aussi avec la société Novadi, regroupant notamment des pépiniéristes, qui s’est chargée de l’hybridation et d’une partie de la sélection : « Cela a permis de gagner au moins cinq ans », selon lui.

Or le temps est un facteur-clé quand le dérèglement climatique favorise champignons et bactéries qui attaquent sans relâche les défenses des plantes.

« Le pommier est né il y a 10 000 ans dans une région qui correspond au Kazakhstan actuel : il est arrivé avec son cortège de bioagresseurs », mais pas toujours avec leurs prédateurs, rappelle Arnaud Lemarquand, directeur Inrae de l’unité expérimentale horticole, soulignant l’importance de la recherche quand il faut en moyenne 100 000 pépins et 20 ans pour voir arriver une nouvelle pomme sur les étals.