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Environnement

Les changements du climat, plus forts en montagne qu’ailleurs


TNC le 18/10/2023 à 05:00
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Les exploitations de montagne, plus concernées que les autres par les évolutions du climat. (© TNC)

Le Sidam travaille sur l’adaptation des pratiques culturales au changement climatique. A l’occasion du Sommet de l’élevage, il a montré que les zones de montagne sont plus concernées que les autres par les modifications du climat, qui y sont plus fortes et plus rapides.

Anticiper les changements climatiques pour moins les subir. Organisme inter-établissement regroupant les chambres d’agriculture du Massif central et de Bourgogne, le Sidam a pour fonction d’être un observatoire des évolutions de l’agriculture de montagne. Parmi ses programmes actuels, le projet « AP3C » (Adaptation des Pratiques Culturales au Changement Climatique) a été présenté pendant le Sommet de l’élevage.

Lancé en septembre 2015, AP3C collecte des informations permettant une analyse des impacts du changement climatique. La finalité est de donner aux agriculteurs les moyens d’adapter leurs systèmes de production.

Des projections à l’échelle de la parcelle

Expert en climatologie et chargé de mission à la chambre d’agriculture de la Creuse, Vincent Caillez est un des acteurs de ce projet. Il a analysé les données climatiques recueillies quotidiennement entre 1980 et 2015 sur la totalité du Massif central et du Morvan. Il les a ensuite transformées en indicateurs d’évolutions pour les 25 prochaines années. 10 000 projections ont ainsi été réalisées, avec une précision à 500 mètres. « Les agriculteurs ont besoin de connaître le climat sur leur ferme, il faut donc un maillage très fin », expose-t-il.

L’évolution probable des événements climatiques a ainsi pu être modélisée en fonction des endroits : évolution des gels de printemps, des séquences de stress hydrique, des séquences favorables au foin ou à l’ensilage… En tout, ce sont 30 indicateurs relatifs à la gestion des cultures, de l’herbe ou de la vigne, qui ont été étudiés.

Un impact plus fort en altitude

Les résultats montrent que plus l’altitude est élevée, plus la précocité devrait s’accélérer. La date moyenne de reprise de la végétation en zone montagneuse pourrait, par exemple, avoir avancé de trois à quatre semaines en 2050 par rapport aux années 2000. Un bouleversement pour les exploitations d’altitude ou étagées.

C’est en hiver que les variations de températures pourraient être les plus importantes. Des pics de chaleur pourraient entraîner une dégradation rapide du manteau neigeux, et donc, une perte des réserves d’eau constituées par la neige.

Les précipitations pourraient évoluer à la hausse de manière significative, ce qui n’entraînerait pas pour autant un bilan hydrique positif. D’une part parce que leur répartition devrait changer : avec des pluies plus rares et plus abondantes, l’eau s’infiltre moins dans les sols. En outre, l’augmentation de l’évapotranspiration serait plus importante que celle des précipitations. « Il est très probable que le déficit hydrique se creuse », commente Vincent Caillez. La répartition géographique des pluies pourrait aussi être modifiée : augmentation à certains endroits et baisse dans d’autres.

« Depuis 2010, il y a une accélération du changement climatique de 50 à 100 % par rapport aux prévisions qui avaient été faites par le GIEC », prévient Vincent Caillez.

Carte de l’évolution de la date de reprise de la végétation entre 2000 et 2050 sur le Massif central. Les chiffres de la légende indiquent le nombre de jours d’avancée. (© Vincent Caillez / Sidam)

Faire évoluer tout le système

Le Sidam et l’Idele se sont associés pour construire des leviers d’adaptation à ces changements. Ils ont avant tout constaté que des modifications isolées ne sont pas suffisantes car elles entraînent une hausse des charges et/ou une baisse de production. Il faut donc une adaptation globale, tant à l’échelle de l’exploitation que de la filière. Cela signifie modifier les systèmes pour les rendre plus résilients et préserver non seulement la production mais aussi l’EBE. Pour ce faire, des cas-types ont été étudiés, issus des productions du dispositif Inosys-Réseaux d’élevage Auvergne-Loire-Rhône et Limousin.

Exemple de cas type : une exploitation située à Saint-Gènes-Champanelle (Puy-de-Dôme), à 850 mètres d’altitude. Un système spécialisé lait tout herbe avec 55 VL prim’Holstein, 81 UGB et un chargement d’une UGB par hectare de SFP. Le niveau d’étable est de 6 900 l, avec une consommation de concentré de 244 g/l. 80 hectares d’herbe constituent la seule ressource fourragère, avec une conservation en foin et en ensilage.

L’évolution du climat sur cette exploitation devrait entraîner un maintien des précipitations annuelles (750 mm) et une augmentation d’environ 20 % de l’évapotranspiration. De + 100 mm par an en 2000, le bilan hydrique deviendrait négatif en 2050 : — 40 mm/an. Une dégradation qui serait surtout marquée en fin d’hiver et au début du printemps. Il en résulterait une baisse de rendements en herbe et un déficit de 46 tonnes de matière sèche par an.

Atténuer la baisse de l’EBE

Dans ce scénario, les axes d’adaptation visent soit à baisser les besoins du troupeau, par exemple en diminuant le nombre d’animaux ou en avançant l’âge du premier vêlage, soit à augmenter la production, en augmentant la SFP, en irriguant ou en achetant des fourrages à l’extérieur. Les chiffrages font apparaître une meilleure réponse du système en combinant toutes ces solutions. Mais malgré tout, le scénario le plus favorable ferait baisser l’EBE de cette exploitation de 76 000 € aujourd’hui à 55 000 € en 2050. L’impact économique est donc atténué par les scénarios proposés mais pas neutralisé, et de loin. Il reste encore du travail pour parvenir à une adaptation qui préserve le revenu des agriculteurs.