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Changement climatique

Les paiements pour services environnementaux plébiscités


TNC le 08/10/2020 à 10:59
fiches_paysagePixabay

Acteurs et victimes du changement climatique, les agriculteurs n’ont pas attendu les injonctions sociétales pour prendre conscience des enjeux environnementaux. Néanmoins, le contexte économique actuel ne favorise pas la prise de risque et l’investissement nécessaire à la mise en place de nouvelles pratiques, parfois plus coûteuses. À l’occasion de son assemblée générale, le 29 septembre, le think tank Agr’idées a soulevé la question des leviers pour améliorer la résilience de l’entreprise agricole face au changement climatique.

Si le débat sociétal actuel est fort autour des pratiques agricoles au regard du changement climatique, les agriculteurs disposent déjà d’un certain nombre de solutions, en place parfois depuis plus de vingt ans. C’est le cas, par exemple, de l’agriculture de conservation des sols. « Pour les systèmes les plus aboutis, on augmente de 500 à une tonne par an le stockage de carbone », explique François Mandin, président de l’Apad.

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Cependant, la transition nécessite une prise de risque « difficile à prendre aujourd’hui, moi je l’ai faite il y a 25 ans », ajoute-t-il. Pour Henri Biès-Péré, vice-président de la FNSEA, « les pionniers l’ont fait effectivement à une époque où il y avait des moyens, ce qui permettait aux agriculteurs de prendre des risques sans mettre en danger toute leur exploitation. Mais aujourd’hui l’accompagnement, qui n’a pas été pensé par le passé, reste à construire », explique-t-il.

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Or, il faudrait, aujourd’hui plus qu’avant, « un climat des affaires pour rassurer l’agriculteur » qui se lance dans de nouvelles pratiques, indique-t-il. La méthanisation en est un bon exemple. « Il faut laisser le temps à la filière de s’organiser, témoigne Emilie Bondoerffer, agricultrice méthaniseur en Alsace. On est sur la valorisation de déchets, une matière finie qui est amenée à diminuer, on doit laisser le temps aux acteurs dans un territoire de mettre en place les flux, sans se tirer dans les pattes ». Une condition d’autant plus indispensable que les tarifs de rachat viennent d’éviter de justesse une baisse qui aurait mis à mal le développement de la filière en milieu agricole.

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Accompagnement financier : la Pac comme levier

Pour l’économiste Christian de Perthuis, « il serait plus motivant de dire aux citoyens et agriculteurs : vous faites face à des impacts, il faut mener des politiques de renforcement de la résilience ». L’un des principaux enjeux de la réforme de la Pac pourrait ainsi être « celui des paiements des services environnementaux ».

D’autant plus que, comme le souligne Ricard Ramon, chef d’unité adjoint à la DG Agriculture et développement rural de la Commission européenne, 40 % de la prochaine Pac sera directement ou indirectement liée au climat. « On va avoir une partie des soutiens directs attribués à des pratiques vertueuses qui vont au-delà de ce qui est demandé, des paiements complémentaires aux paiements directs de la Pac », venant par exemple rémunérer des rotations plus ambitieuses, explique-t-il.

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Une orientation que soutient également l’ancien ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll, qui a conclu les échanges à distance. Remarquant, non sans une certaine ironie, que la nécessité d’aller vers l’agro-écologie ne faisait désormais plus débat au sein du monde agricole, l’ancien ministre de l’agriculture en a rappelé le principe : « maximiser ce que peut nous offrir la nature, pour diminuer la partie capitalistique ». La Pac doit amplifier le verdissement, et « travailler sur des objectifs, et non pas des moyens », estime-t-il, évoquant la couverture des sols, le stockage de carbone ou encore la diminution des IFT.

Attractivité et acceptabilité sociétale

Pour l’ancien ministre, « il ne faut pas déconnecter les questions sociales et environnementales des itinéraires et pratiques agricoles ». Tout l’enjeu étant de trouver les leviers pour développer ces pratiques à grande échelle, ce qui l’avait d’ailleurs poussé à mettre en place les groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE).

Amener le plus d’agriculteurs possible à changer ses pratiques, c’est également un des objectifs de la démarche Bleu Blanc Cœur : « dans certaines filières, on pèse jusqu’à 10 %, ce qui n’est pas rien », explique Nathalie Kerhoas, la directrice de l’association. Pour rendre accessibles à tous les cahiers des charges, « on travaille sur des paiements pour services environnementaux », ajoute-t-elle, alors que la suppression de tous les tourteaux de soja d’importation est parfois très difficile pour les éleveurs. « Il faut faire en sorte que ce ne soit pas le producteur qui finance le delta coût », insiste-t-elle.

Car il en va aussi de la pérennité du métier, dans un contexte sociétal qui n’est pas toujours bienveillant, rappelle également François Mandin. « L’attractivité, on l’aura si on arrive à projeter un chemin d’acceptabilité. Est-ce qu’on fait confiance aux agriculteurs, ou est-ce que ce sont les autres qui doivent prouver que ce que les agriculteurs font est mal ? Il faut savoir reconnaître qu’on est dans un mouvement d’amélioration », souligne l’agriculteur, qui demande aussi aux scientifiques d’être aux côtés des agriculteurs.  

François Mandin, Emilie Bondoerffer et Paul Luu lors de la conférence organisée par le think tank Agr’iDées, le 29 septembre. (©TNC)

Une situation résumée par Paul Luu, secrétaire général de l’initiative 4 pour 1000 : « le monde agricole n’attend pas forcément que les scientifiques lui montrent la voie à prendre, mais les politiques ont du mal à s’emparer de ces solutions quand elles ne viennent pas du monde scientifique. Redonnons à chacun sa place autour de la table pour que les politiques soient faites avec et non pas contre les agriculteurs ».