Trouver la bonne combinaison de leviers pour une protection fongicide ajustée
TNC le 23/12/2024 à 05:30
Polyculteur-éleveur laitier dans l’Yonne, Boris Lorne combine les leviers disponibles pour adapter la protection fongicide de ses céréales à paille et optimiser son temps.
« Entre la mise à l’herbe du troupeau, les épandages d’engrais, les ensilages d’herbe, la préparation et les semis de maïs, ainsi que les désherbages et la surveillance des corbeaux… tout s’enchaîne au printemps ! », fait remarquer Boris Lorne, associé avec son frère sur une exploitation laitière de Soumaintrain, dans l’Yonne.
Et sur les deux dernières campagnes, la météo n’a pas été particulièrement favorable à ce marathon ! C’est l’un des points qui a motivé les deux agriculteurs à adopter l’outil d’aide à la décision OptiProtect proposé par les Chambres d’agriculture. « Sur la période de risque maladies, il faudrait aller surveiller les parcelles de céréales à paille au moins tous les 2-3 jours. L’outil me permet d’être alerté rapidement si les maladies arrivent plus tôt qu’on ne le pense et d’optimiser son temps, explique Boris Lorne. Surtout que notre parcellaire est assez morcelé. » En 2024, les 50 ha de blé tendre étaient répartis en 15 îlots.
Adapter la protection en fonction du risque
En moyenne, les chambres d’agriculture mettent en avant un gain de rendement de + 2 q/ha et une réduction d’IFT de 0,15 avec OptiProtect (sur 7 ans, d’après les résultats d’essais Arvalis). Boris Lorne ne constate, pour le moment, pas de réduction d’IFT. Il faut dire aussi que ses deux premières années d’utilisation de l’outil coïncident avec « des printemps plutôt propices aux maladies ».
« L’OAD ne remplacera jamais l’observation, mais il permet d’ajuster la protection fongicide en cours de campagne. C’est un moyen de prioriser la surveillance des parcelles », précise aussi Elodie Joudelat, conseillère en productions végétales à la Chambre d’agriculture de l’Yonne. « Notre message est centré sur une protection fongicide pivot au stade dernière feuille étalée. Le T1 et le T3 ne sont pas systématiques et restent à adapter en fonction du contexte pédoclimatique de l’année. »
Sur l’exploitation de Boris Lorne, « on ne fait jamais de T3, on laboure systématiquement et on considère que le traitement contre la fusariose n’est pas rentable sur la moyenne pluriannuelle, explique-t-il. Il y a certaines années où on ne fait pas, non plus, de T1. Ce n’est pas gênant de garder des produits en stock, tout va dépendre du risque et du climat de l’année. C’est le même raisonnement pour moduler les doses fongicides, on prévoit d’appliquer la dose Arvalis, mais celle-ci peut être réduite de 10 à 25 % selon le contexte ».
Le choix variétal reste le levier n°1
« On peut se le permettre aussi parce qu’on utilise des variétés tolérantes aux maladies, c’est d’ailleurs le principal levier dans la gestion des maladies ». « Pour un choix variétal optimal, je regarde le tableau des notes et je conserve les variétés avec une note d’au moins 6,5-7 pour la septoriose, ainsi qu’une note correcte en rouille brune, au moins 6. Ce sont les deux maladies les plus préjudiciables dans notre contexte pédoclimatique. Ensuite, j’étudie les résultats d’essais Arvalis pour surveiller si les variétés retenues se tiennent bien également au niveau du rendement. »
« J’essaye ainsi de travailler chaque année avec deux variétés déjà connues dans l’assolement et d’en essayer deux autres. » Pour cette campagne, le producteur reprend notamment Chevignon et Intensity, et teste RGT Lookeo. « Je ne veux pas choisir de variété hybride, on y est déjà contraint en maïs et tournesol : c’est suffisant ! Et pour une question de simplicité, je privilégie les variétés pures », ajoute Boris Lorne.
« Le mélange variétal fait néanmoins partie des leviers pour une protection intégrée, il faut juste s’assurer du débouché et que les précocités soient relativement proches, rappelle Elodie Joudelat. Seul inconvénient : étant donné la multitude de combinaisons possibles, les mélanges ne sont pas pris en compte dans les outils d’aide à la décision. » Parmi les autres leviers, Boris Lorne prend soin de « ne pas semer trop tôt, ni trop dense. On fractionne aussi l’azote en 4 apports pour éviter de favoriser un tallage trop précoce ».
En 2024, l’agriculteur a appliqué 2 traitements, un T1 et un T2, aux doses prévues face à la rouille brune et à la septoriose, compte-tenu de la pression maladies. « Seules 2 parcelles avec un potentiel plus limité à cause des excès d’eau ont reçu un traitement. Les rendements dans la vallée de l’Armance ont été particulièrement affectés par les conditions météo de la campagne, avec un rendement moyen en blé tendre à 41 q/ha (de 21 à 60 q/ha), contre une moyenne olympique à 79 q/ha », précise Boris Lorne.
Pour la construction du programme fongicide, il essaye d’alterner les familles de matières actives. « En orge d’hiver, on prévoit Unix Max (cyprodinil) + Joao (prothioconazole) en T1 et Comet 200 (pyraclostrobine)-Librax (metconazole + fluxapyroxade) ou Revystar XL (fluxapyroxade + méfentrifluconazole) en T2. Et en blé tendre, c’est plus compliqué, on utilise deux triazoles : le tébuconazole en T1 et Revystar XL en T2. La tolérance variétale est donc d’autant plus importante ! », insiste Boris Lorne.