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Un contexte de marché « très compliqué » pour les céréales bio françaises


TNC le 19/07/2024 à 04:56
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Entre moisson difficile, prix en décrue et débouchés timides, les perspectives sont moroses pour les céréales bio. (© Pixabay)

Entre une collecte qui prend de l’ampleur et des débouchés en berne, les prix des céréales biologiques françaises s’affaissent ces dernières années. En parallèle, les conversions s’essoufflent et la mauvaise moisson 2024 risque aussi d’influer sur ce mouvement.

La récolte 2024 s’annonce particulièrement décevante pour les céréales biologiques françaises. « Les experts des marchés bio estiment que la collecte pourrait diminuer de 10 à 20 % », avec des baisses de rendement allant jusqu’à – 6 %, explique Emna Troudi, chargée d’études économiques sur les grandes cultures bio, lors d’un point presse organisé le 11 juillet par le conseil spécialisé grandes cultures de FranceAgriMer.

« Selon les retours des professionnels, la qualité est dégradée, avec une grande hétérogénéité, des problèmes de salissement, de fertilisation et de maladies », précise-t-elle. Ce qui « impactera directement le taux d’engagement dans les prochaines campagnes et favorisera les déconversions structurelles ».

Cette mauvaise récolte annoncée intervient de fait dans un contexte de marché « très compliqué » pour les céréales bio françaises, selon les mots du président du conseil spécialisé, Benoît Piètrement.

La tendance est à la baisse généralisée des prix pour toutes les cultures, avec quelques variantes. L’orge bio française a ainsi connu un regain de ses cours courant 2024, car « plus compétitive que ses voisins », note Emna Troudi.

Mais les prix de marché du blé tendre bio connaissent « une forte dépréciation, particulièrement sur début 2024 ». D’après les cotations de FranceAgriMer, ils ont diminué de façon continue pendant trois ans, « affichant un écart d’environ 150 €/t » entre avril 2021 et mai 2024, qui s’explique par « la difficulté de trouver des nouveaux marchés », adossée à la hausse continue de la collecte.

Les prix de marché du blé tendre bio ont diminué de 150 €/t entre avril 2021 et mai 2024. (© FranceAgriMer)

La part de la collecte en conversion est tombée à 6 %

Le blé tendre bio, qui représente environ la moitié de la collecte totale de céréales bio en France, voit sa collecte grimper depuis plusieurs campagnes, passant d’un peu plus de 100 000 t en 2018 à plus de 400 000 t en 2023.

D’après les bilans présentés par FranceAgriMer, établis par un groupe de travail interprofessionnel Intercéréales/Terres Univia, la collecte bio aurait augmenté entre 2022/23 et 2023/24 de 5 % pour le blé tendre (à 403 500 t), de 20 % pour le maïs (à 146 400 t), de 47 % pour l’orge (à 90 500 t) et de 51 % pour le triticale (à 73 500 t). Toutes céréales certifiées bio confondues, la collecte française reste stable depuis trois campagnes, à plus de 800 000 t.

La part de la collecte en conversion ne cesse en revanche de diminuer, passant de 33 % de la collecte bio globale sur 2019/20 à seulement 6 % sur 2023/24. Pour la campagne 2023/24, la France a ainsi récolté moitié moins de blé tendre, de maïs et d’orge en deuxième année de conversion que pour la campagne précédente.

Cet essoufflement des conversions se traduit aussi dans les chiffres de l’Agence bio : les surfaces céréalières en conversion ont diminué de 40,9 % en 2023 par rapport à 2022. Si le nombre de céréaliers engagés a légèrement augmenté, passant de 20 443 à 20 460, le nombre d’exploitations céréalières en bio a baissé de 2,2 %.

Les exports de blé tendre bio ont chuté de 15 %

Alors que l’on assistait depuis 2021 à un bond des exportations de blé tendre bio, le soufflé est vite retombé : le bilan prévisionnel de FranceAgriMer table sur 60 000 t exportées sur 2023/24, contre 70 815 t sur 2022/23.

Les exports de maïs bio ont de leur côté été plutôt stables, à 35 000 t, ceux de triticale sont passés de 4 000 t à 3 000 t, et ceux d’orge ont plus que doublé d’une campagne sur l’autre, pour atteindre 25 000 t sur 2023/24.

Côté débouchés toujours, certaines utilisations domestiques sont elles aussi annoncées en retrait pour les quatre principales céréales bio : – 9 % pour la fabrication d’aliments du bétail (à 252 000 t), – 2 % pour la meunerie (à 185 000 t) et – 8 % pour la malterie (à 16 500 t) sur 2023/24.

La demande n’étant globalement pas au rendez-vous face à la collecte en hausse, les experts sollicités par FranceAgriMer évaluent en très forte augmentation les déclassements de céréales bio sur la campagne 2023/24 : 55 000 t pour le blé tendre et 16 500 t pour l’orge notamment, contre respectivement 20 000 t et 2 200 sur 2022/23.