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« Bassines » : plusieurs années d’escalade sur le terrain et en justice


AFP le 14/07/2024 à 10:05

Après des années d'opposition pacifique aux projets de réserves d'irrigation dans le Poitou, la mobilisation « anti-bassines » s'est durcie depuis deux ans avec de violents affrontements à Sainte-Soline (Deux-Sèvres).

Chaîne humaine en 2017, « campement de résistance » en 2019, manifestation en 2020, lâcher de moutons en 2021 sur le chantier d’une réserve… D’abord pacifique, la mobilisation se crispe au fil des rassemblements.

En novembre 2021, des incidents éclatent aux abords de la réserve de Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres), la première construite parmi 16 prévues dans le bassin de la Sèvre niortaise. Les gendarmes, qui déplorent deux blessés, font usage de gaz lacrymogènes.

Idem en mars 2022 lors du « Printemps maraîchin » à La Rochénard où, lors d’une manifestation interdite, des heurts sporadiques éclatent avec les forces de l’ordre, sans faire de blessés.

Le 29 octobre 2022, 4 000 à 7 000 personnes bravent une nouvelle interdiction pour protester contre le lancement d’un deuxième chantier à Sainte-Soline. Des heurts éclatent : plusieurs dizaines de blessés de chaque côté mais une poignée seulement d’hospitalisations.

Basculement à Sainte-Soline

Le basculement intervient le 25 mars 2023 à Sainte-Soline, où des affrontements violents surviennent quand les manifestants (6 à 8 000 selon la préfecture, 30 000 selon les organisateurs) abordent le chantier de la réserve d’eau ceinturée par les gendarmes.

Les forces de l’ordre tirent environ 5 000 grenades lacrymogènes en seulement 1h20. La Ligue des droits de l’Homme dénonce « un usage immodéré et indiscriminé de la force ».

Selon les autorités, 47 gendarmes sont blessés, dont deux hospitalisés deux jours ; les organisateurs déplorent 200 manifestants blessés, dont 40 graves, notamment deux hommes restés un temps dans le coma.

Le parquet à compétence militaire de Rennes, qui a ouvert des investigations pénales pour « violence par personne dépositaire de l’autorité publique » et « non-assistance à personne en danger », pourrait décider des suites à donner « d’ici la fin de l’été ».

Dissolution annulée

En pleine polémique, Gérald Darmanin engage fin mars 2023 une procédure de dissolution du groupe « Les Soulèvements de la terre », co-organisateur de la manifestation interdite, qu’il rend responsable des affrontements.

Mais le Conseil d’État annule cette dissolution en novembre, jugeant qu’« aucune provocation à la violence contre les personnes ne peut être imputée » au collectif.

En septembre 2023, neuf militants « anti-bassines » sont renvoyés devant le tribunal correctionnel de Niort pour organisation de manifestations interdites, notamment à Sainte-Soline.

L’audience, houleuse, tourne à la controverse sur le partage de l’eau et ces réserves d’irrigation.

En janvier 2024, trois des prévenus sont condamnés à des peines de prison avec sursis, dont Julien Le Guet, porte-parole du collectif « Bassines non merci » (BNM), qui fait appel.

Des recours en cascade

Les opposants mènent aussi la lutte sur le front juridique, contestant les autorisations de construction des réserves ou les décisions de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne.

En octobre 2023, ils ont ainsi fait suspendre le permis d’aménager d’une « bassine » à Priaires (Deux-Sèvres) pour conflit d’intérêts, gelant les travaux, avant qu’une nouvelle autorisation municipale ne permette leur reprise.

Le 9 juillet, le tribunal administratif de Poitiers, saisi par une association de défense de l’environnement, a jugé une nouvelle fois que les prélèvements d’eau autorisés pour l’irrigation agricole dans le Marais poitevin étaient « excessifs », notamment en raison de la création des « mégabassines », en les réduisant d’un quart à titre provisoire.

Ce même tribunal examinera, mardi, une requête en référé contre le permis d’aménager une nouvelle réserve à Saint-Sauvant (Vienne), là où les opposants doivent manifester vendredi.