« La farine et les pâtes : une réelle plus-value au produit de base, notre blé »
TNC le 08/11/2024 à 18:09
« Je ne me voyais pas agriculteur, seul, dans mon coin. » Adrien Doret s’est installé sur l’exploitation familiale, dans le Loiret, avec pour projet de transformer une partie des céréales en farine et pâtes. Le jeune homme avait « besoin de contact », avec les clients. « L’objectif était de valoriser notre production », met-il en avant. Sur ces deux points, la transformation à la ferme et les circuits courts sont intéressants, mais la charge de travail importante. Alors il essaie d’automatiser davantage le process tout en restant à taille humaine.
« Nous avons toujours vendu les céréales à des moulins privés, jusqu’à ce qu’ils soient rachetés par de grands groupes, et que beaucoup ferment. » De là est née l’idée de se lancer dans la transformation céréalière à la ferme, avec la fabrication de farine et de pâtes, et la vente encircuits courts. « Le but était de valoriser notre production et de traiter en direct avec les clients », explique Adrien Doret.
Une diversification agricole qui lui a permis de s’installer sur l’exploitation familiale àHuisseau-sur-Mauves, avec ses parents, et de « se sortir un salaire ». « Il n’y avait pas de place pour trois », argumente-t-il. Par ailleurs, le jeune homme ne voulait pas « passer ses journées sur le tracteur ». « Je ne me voyais pas agriculteur, seul, dans mon coin. J’avais besoin de contacts, de voir du monde : des fournisseurs, des clients… »
« La chance de reprendre un atelier voisin »
Pourquoi la farine et les pâtes ? « Les céréales représentent 75 % de la SAU, avec 25 ha de blé dur », rétorque le jeune agriculteur, qui a eu « la chance de ne pas partir de zéro » puisqu’il a eu « l’opportunité de reprendre l’activité transformation d’une ferme voisine », à moins de 30 km, dans le Loir-et-Cher, au départ en retraite des exploitants. « Généralement, les producteurs choisissent l’un ou l’autre pour des questions de coût, parce qu’il faut s’équiper d’outils différents. J’aime bien la farine car c’est un produit brut. Ma mère préfère les pâtes, un peu moins technique et physique en termes de manutention », ajoute-t-il.
Le projet a démarré début 2018, avec la visite des installations en janvier et la décision validée dès le mois suivant. « Les cédants sont restés trois mois avec nous pour nous montrer les processus de fabrication, le fonctionnement des outils, faire le tour de leurs clients », met en avant Adrien. Aménager un local, démonter, transporter et remonter les divers équipements, par ses propres moyens au maximum… les premiers grains de céréales sont transformés, juste après la moisson, en septembre.
Niveau variétés, six de blé tendre et deux de blé dur, conduites en conventionnel (sauf pour les fongicides dont 80 % sont autorisés en bio), sont utilisées, en mélange, car toutes ne sont pas résistantes aux mêmes maladies, certaines donnent de la farine blanche et d’autres plus colorée, la force et la richesse en protéines étant deux critères importants.
Nouveau bâtiment, moulin et machine à pâtes
Un an plus tard, le bâtiment est agrandi avec l’acquisition d’une nouvelle machine à pâtes, plus grosse, moins bruyante, plus performante. « Puis la pandémie de Covid est passée par là, on a développé la vente directe et ouvert une boutique à la ferme. Pendant cinq mois, la demande a explosé, en farine surtout, et le moulin tournait jour et nuit. »
Un bâtiment est donc construit en 2023 pour héberger un deuxième moulin, en fonctionnement depuis mai dernier, et une machine à pâtes plus automatisée et ergonomique, afin d’améliorer les conditions de travail. L’ancien moulin est alors dédié exclusivement à la farine de blé dur. Un investissement de 300 000 €, en comptant les panneaux photovoltaïques sur la toiture (100 kW en autoconsommation).
À l’été 2022, la climatisation est installée car sinon, la chaleur de la meule génère une telle condensation que la farine colle dans les tuyaux et provoque des bourrages. « Machines, qualité de la farine et main-d’œuvre sont ainsi préservées. » Les installations tournent du lundi matin au samedi midi, de 8 à 19 h. Une présence est toujours nécessaire pour la surveillance et parce que beaucoup de tâches, comme le chargement des grains, l’acheminement des matières d’une machine à l’autre, le remplissage des sachets pour la vente, sont manuelles.
Des débouchés diversifiés
Les produits sont commercialisés, autour de Tours et Blois (zone de commercialisation des cédants), en épiceries fines, auprès des restaurateurs, dans la restauration collective, en Ehpad, grandes surfaces, magasins de producteurs, boulangeries, pizzerias, et sur quelques foires et marchés à certaines périodes de l’année. « Mais de moins en moins depuis la création de la boutique, je préfère accueillir les gens sur l’exploitation, précise Adrien. Je pense garder deux-trois foires par an et les marchés de Noël. »
Le jeune homme apprécie de voir ses produits mis en valeur par les restaurateurs. Ce qui n’est pas toujours le cas dans la restauration collective et les Ehpad : beaucoup d’établissements préfèrent les aliments déjà préparés à réchauffer, et travailler avec de grandes marques. Déplorant la perte de qualité et les impayés, il privilégie les petites structures employant un vrai cuisinier.
Passionnant mais chronophage
Depuis le début, la clientèle augmente, surtout dans la grande distribution. « Les GMS apportent du volume et la possibilité de participer à des animations dans les points de vente. Mais il y a beaucoup de turn-over, les interlocuteurs changent souvent, et la demande est très fluctuante », nuance-t-il. « En termes de développement, l’objectif est de saturer l’outil actuel (20 à 25 ha/an de céréales sont pour le moment transformés, la quantité par semaine étant assez variable) et de trouver davantage de débouchés de proximité, aux environs d’Orléans. »
« La place occupée dans les magasins m’intéresse plus que le nombre de clients, l’impact sur les ventes est plus visible. » Adrien veut que le Moulin Laurentais reste à taille humaine, familiale, et ne souhaite pas embaucher de salarié. Il préfère automatiser pour faciliter et alléger le travail. Une diversification, « intéressante intellectuellement » et financièrement, du fait notamment de « l’absence d’intermédiaires » et « des interactions avec le client final ». Mais rapportée au temps passé justement, « derrière chaque sachet » ?
« La conduite des cultures, du semis à la récolte, le stockage, le triage, la transformation, l’ensachage, la gestion des commandes et des clients, la livraison… Beaucoup de manutention, de palettissage, de cartonnage, de livraisons ! C’est assez chronophage et génère des coûts. » Puisqu’il livre de petits volumes justement, il regroupe le plus possible pour que ce soit rentable, et y consacre deux matinées par semaine en moyenne. Adrien Doret reste cependant très satisfait et fier de cette activité. « Nous apportons une réelle plus-value à notre produit de base, le blé. On a une image derrière qui est superbe. », conclut-il.