« Le plan de relance ne se fera pas si les Chambres ne sont pas au rendez-vous »
TNC le 08/09/2020 à 11:40
Alors que le gouvernement vient d’annoncer un plan de relance de l’agriculture doté d’un milliard d’euros, les chambres d’agriculture rappellent leur rôle central dans l’accompagnement des transitions, d’autant plus après une année qui a concentré les crises et les difficultés.
Pendant le confinement, l’APCA n’a pas cessé d’être aux côtés des agriculteurs, bien au contraire, a rappelé son président Sébastien Windsor, le 8 septembre. Entre réorientation des marchés, accompagnement pour permettre aux agriculteurs de toucher les aides et déclarations Pac remplies à distance, « ce qu’ont fait les chambres d’agricultures pendant le Covid a eu une véritable utilité pour les agriculteurs », souligne-t-il. « On s’était doté d’un plan stratégique que l’on a continué à dérouler », ajoute-t-il.
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Dans les zones à faible potentiel, « 15 % des agriculteurs ne passeront pas l’année »
Cet accompagnement sera d’autant plus essentiel que les agriculteurs ont également connu une année difficile : « il s’agit de l’année la plus sèche depuis 1959 » rappelle Christophe Hillairet, secrétaire général de l’APCA. Combiné à un hiver très doux, les conséquences sur les cultures sont catastrophiques. En blé, les rendements baissent de – 25 % par rapport à l’année précédente, autour de 68 q/ha, indique-t-il, soulignant la très forte hétérogénéité entre les territoires. « En colza, c’est quasiment pire, avec – 36 % de rendement par rapport à la moyenne quinquennale, ce qui interroge par rapport aux outils industriels », poursuit Christophe Hillairet. Et en betterave, les conséquences de l’hiver doux combiné à l’interdiction des néonicotinoïdes sont désormais bien connues.
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« Dans les zones à faible potentiel agronomique, la crise conjoncturelle arrive pour la troisième ou quatrième année de suite, ce qui fait que le problème devient structurel », déplore Sébastien Windsor. Dans ces zones-là, si on n’a pas de mesures rapides, on aura 15 % des agriculteurs qui ne passeront pas l’année, c’est un phénomène sans précédent ! », s’inquiète le président de l’APCA, s’appuyant sur les premiers chiffres qui remontent des chambres d’agriculture les plus concernées. Il en appelle à « une mobilisation collective un peu hors normes » pour permettre aux agriculteurs de se projeter de nouveau dans l’avenir.
Dans l’urgence, il faudrait avant tout des aides assurantielles, soutien économique, la mobilisation des banques pour des prêts de trésorerie avec garanties de l’État. « Il faudra des prêts à court terme pour passer le cap, et des prêts pour accompagner la transformation », ajoute Sébastien Windsor.
S’appuyer sur les chambres pour accompagner la relance
À la lueur de la crise, l’APCA a d’ailleurs élaboré deux séries de mesures, l’une pour parer à l’urgence avec un projet stratégique à court terme, l’autre à moyen terme pour favoriser les transitions de l’agriculture vers davantage de local et de durable, en lien avec les attentes sociétales.
Des mesures qui passent notamment par le renforcement de l’étiquetage des produits agricoles, une modification des règles de la commande publique pour permettre aux producteurs d’accéder plus facilement aux marchés de la restauration hors foyer, ou encore des investissements dans la reterritorialisation de l’agriculture et les petites filières.
Et ces mesures s’inscrivent parfaitement, estime l’APCA, dans la ligne du plan de relance présenté le 3 septembre par le ministre de l’agriculture.
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Cependant, « ce plan de relance ne se fera pas si les chambres ne sont pas au rendez-vous », assure Sébastien Windsor, qui cite plusieurs exemple de la nécessaire complémentarité entre les chambres d’agriculture et le projet du gouvernement.
Ainsi, les bilans carbone proposés aux jeunes agriculteurs sont « une très bonne idée ». « Il va bien falloir que quelqu’un les fasse, or il n’y a pas grand monde, en dehors des chambres, à avoir les compétences nécessaires », indique le président de l’APCA. L’accompagnement des chambres sera également crucial pour la relocalisation de l’alimentation, via les projets alimentaires territoriaux, tout comme le développement de la biodiversité autour des cultures. « Qui, à part les chambres, fait des diagnostics bocagers en France ? » interroge Sébastien Windsor.
« Les chambres d’agriculture sont une organisation très singulière, parce que nous avons une vision et la proximité pour accompagner les agriculteurs dans cette transformation. Donc si dans le projet de loi de finances, il y a une attaque budgétaire sur les chambres, je ne comprendrais plus. Ce sera incohérent de mettre un milliard sur l’agriculture, et de supprimer un ou deux millions sur les chambres d’agriculture, mettant en danger ce plan de relance parce qu’on n’aurait plus les moyens de l’accompagner », prévient ainsi le président de l’APCA, alors qu’une baisse du budget des chambres d’agriculture avait été évité de justesse dans le PLF 2020.