« Métier passion d’accord, mais il faut que ça fasse bouillir la marmite ! »
TNC le 26/04/2022 à 10:53
Très investi dans la filière bovin, Thomas Samyn a fait un choix de raison plus que de passion : arrêter l’élevage de Charolaises. En cause, le coût de la main-d’œuvre et le poids des charges fixes sur un troupeau de 60 vaches.
Installé depuis 2017 sur une exploitation de polyculture-élevage, Thomas Samyn a décidé d’arrêter l’élevage. Malgré son investissement dans la filière, en tant que président de l’association des jeunes éleveurs de Charolais, et après avoir contribué à la reprise de l’abattoir de Rethel par un collectif d’agriculteurs en 2016, la faible rentabilité de l’élevage l’a poussé à arrêter : « La passion était là, mais ça n’est pas la passion qui fait bouillir la marmite », résume l’agriculteur.
Le salarié à 35 h gagnait plus que mon père qui en aurait fait 50.
Thomas Samyn avait rejoint son père sur l’exploitation en 2014 avec pour objectif de développer la vente directe via le groupe Sacrés Fermiers, un point de vente collectif de 300 m² à proximité de Reims. À travers la vente directe, il cherchait à introduire un nouvel atelier sur la ferme pour pouvoir s’installer avec son père, mais rapidement, les aléas de la vie ont fait qu’il s’est retrouvé seul sur l’exploitation. « J’ai embauché sur la ferme pendant que je m’occupais du magasin, mais en fonctionnant avec de la main-d’œuvre salariée et pas familiale, je ne gagnais rien. Le salarié à 35 h était mieux rémunéré que mon père qui en aurait fait 50. J’habitais à 40 minutes du magasin, ça faisait beaucoup de route, sans compter les allers-retours dans la journée pour des vêlages ou des problèmes sur l’exploitation… »
Le jeune agriculteur le concède, « ça aura été un choix difficile à faire, je m’étais installé pour l’élevage et j’avais un engagement assez fort dans la filière », nous explique-t-il en se remémorant le dernier salon, en 2020, où il a animé le grand ring tout en ayant l’arrêt de l’élevage dans un coin de sa tête : « Je n’étais pas à l’aise, que ce soit un métier passion, d’accord, mais il faut qu’on puisse en vivre ! »
Mais il dénonce avant tout l’ambivalence des politiques : « on veut installer des jeunes en élevage, mais quand on voit la prise de risques qu’on leur demande avec les perspectives de rémunération, ça n’est pas étonnant qu’il y ait un problème de renouvellement des générations. Si c’est un choix politique d’importer notre viande, mieux vaut l’assumer que d’envoyer des jeunes dans le mur. »
La vente directe, une solution en demi-teinte
L’éleveur écoulait une bête par semaine via le point de vente, 15 femelles issues de son exploitation ainsi qu’une quarantaine de bovins achetés pour l’engraissement. « L’équilibre aurait été à deux bêtes par semaine. La limite du local, même si on saute des intermédiaires, c’est qu’il faut amortir d’importantes charges fixes sur quelques animaux. Pour une bête, on a forcément des coûts de transport ou d’abattage beaucoup plus importants. C’est la même chose pour la gestion des invendus, on proposait des bocaux, mais le bocal en lui-même représente déjà une belle partie du prix de vente ! »
Si l’atelier vente directe avait été plus rentable, Thomas Samyn aurait embauché pour préserver l’élevage, mais il ne voulait pas continuer à proposer de la viande qui ne lui rapportait rien, simplement par passion. « Quand j’ai commencé à me plonger dans les chiffres, je me suis rendu compte que j’aurais un meilleur résultat net sans l’élevage. » Avec 60 vêlages, l’exploitation avait d’importantes charges de structure, alors c’est avec pragmatisme que l’éleveur a fait le choix d’arrêter.
Engagement politique, grande culture et méthanisation en vue
« J’ai pu changer l’orientation de mon exploitation parce que je suis dans une région céréalière. En m’associant avec un voisin, j’ai réussi à rationnaliser mon équipement par rapport au parcellaire pour écraser les charges en grande culture. » L’exploitation dispose de 120 ha de cultures et de 50 ha de pâtures. Thomas Samyn prend maintenant des vaches ou chevaux en pension pour valoriser ses prairies, et il constate amèrement que « dans les deux cas, ça rapporte plus à l’hectare que de se lever la nuit pour faire un vêlage. »
L’ancien éleveur ne manque cependant pas d’occupations. Il est désormais maire du village d’Arnicourt dans les Ardennes (08), et s’est engagé dans Agricyclage, un projet de méthanisation basé sur l’utilisation de biodéchets (de l’industrie ou de la restauration), qui permettra à terme de faire fonctionner un méthaniseur sans mettre en concurrence alimentation humaine, animale et méthanisation.