« Pour la première fois, la filière bovine touche du doigt le coût de production »
TNC le 17/02/2025 à 04:51
Les 12 et 13 février s’est déroulé le congrès de la FNB à La Rochelle, l’occasion pour le syndicat d’interpeller les pouvoirs publics afin de pérenniser l’embellie que connaissent les éleveurs allaitant. Car si les prix ont progressé, le volet sanitaire et la perspective de nouveaux accords de libre-échange pèsent sur la filière.
Après des années de lutte pour le maintien des prix de la viande bovine, Patrick Bénézit, président de la Fédération nationale bovine (FNB) a pour la première fois « le sentiment de toucher du doigt le coût de production ». Certaines catégories d’animaux dépassent même les indicateurs de prix de revient fixés par l’interprofession. C’est le cas du broutard, ainsi que du jeune bovin dont le coût de production intégrant la rémunération de l’éleveur talonne le prix de vente. La vache de réforme, bien qu’en progression, reste encore à la traîne.
Mais au lendemain de son congrès, la Fédération nationale bovine peine à esquisser un franc sourire. « Le plus grand des regrets est que cela aboutisse après la perte de 600 000 vaches allaitantes », rappelle le président de la section bovine de la FNSEA. Si la hausse des prix résulte en partie d’un rééquilibrage du marché, Patrick Bénézit y voit également l’œuvre d’Egalim. « Nous avons fourni aux éleveurs des indicateurs qui leur ont permis d’être revendicatifs sur leurs prix de vente. Le fait que toutes les semaines, on rabâche ces chiffres a fait naître quelque chose au sein de la filière ».
Le rapport de force est en train de changer
Aujourd’hui, le rapport de force s’inverse peu à peu. « En 2022, les marchands de bestiaux avaient manifesté pendant notre congrès. Ils ne voulaient pas qu’on leur impose notre coût de production. Aujourd’hui, on n’imagine plus ce genre de manifestation ».
L’enjeu est maintenant d’inscrire ces prix sur la durée. « Nous ne lâcherons rien sur ce sujet », insiste l’élu. « Les indicateurs de coût de production doivent maintenant devenir une borne de prix minimum ». Car si la filière sort la tête de l’eau, elle n’en demeure pas moins fragile et certains postes de charges sont toujours à la hausse sur les exploitations. « Quand vous n’avez pas grand-chose, vous êtes content d’avoir un petit peu plus, mais l’on reste loin de la moyenne nationale des revenus agricoles ».
Des politiques publiques toujours ambiguës envers l’élevage
La FNB espère bénéficier du soutien des pouvoirs publics pour pérenniser cette embellie. « Nous voyons toujours une ambiguïté vis-à-vis de l’élevage dans les politiques publiques, et ce n’est pas acceptable », lance Patrick Bénézit. L’annonce d’Ursula von der Leyen au sujet de la mise en place de l’accord commercial entre l’Europe et le Mercosur ne passe pas. « Il y a d’un côté le rouleau compresseur de normes européennes, et de l’autre côté, des négociations commerciales tous azimuts pour faire venir des produits qui ne respectent pas nos standards de production », s’agace l’éleveur de Charolaises. Les sujets sont nombreux à l’échelle européenne : le syndicat n’a toujours pas digéré la réduction de l’enveloppe Pac allouée aux éleveurs allaitant à l’occasion de la dernière réforme.
Lancement du congrès @EleveursBovins à #LaRochelle sur le thème de "Rendre sa grandeur à l'Elevage". Déjà une matinée riche en échanges et débats avec un bilan de l'année 2024 🐂 pic.twitter.com/FHurnXTgKO
— FNB (@EleveursBovins) February 12, 2025
Un contexte sanitaire lourd
D’autant que l’embellie commerciale reste entachée d’un contexte sanitaire difficile. La FNB déplore le brouillon des politiques sanitaires françaises et européennes. « On peut saluer le maintien de la fluidité des échanges dans un contexte difficile, mais pour le reste, la situation n’est pas ce qu’elle devrait être ». Indemnisation des pertes, vaccination… Pour les éleveurs, le compte n’y est pas. « Nous avons des gros problèmes de disponibilité sur les vaccins pour les sérotypes qui sont présents en France, sans même parler des autres sérotypes qui nous menacent à terme et pour lesquels il n’y a pas d’anticipation ».
Dans un contexte de décapitalisation bovine, la progression des épizooties sonne comme une double peine en réduisant encore un peu le potentiel de production français. « Il faut que l’État continue de nous aider. Même si les prix sont là, il y a des trous dans les cheptels du fait de la FCO. S’il n’y a pas de politique incitative, on va encore se retrouver avec des éleveurs qui vendent des vaches pour retrouver de la trésorerie, et on sait tous très bien que les vaches vendues reviennent rarement sur les fermes ».
Des avancées syndicales malgré tout
Le syndicat a tout de même obtenu quelques victoires, notamment portées par les manifestations de l’hiver dernier. Parmi elles, la mise en place d’une provision à hauteur de 15 000 € pour permettre d’accompagner la montée en valeur des cheptels bovins via l’agrandissement. À cela s’ajoutent les mesures sur le GNR ou encore le déplafonnement du micro-BA. Du côté de la Pac, l’étau s’est desserré autour des BCAE 1 et 9, ainsi que sur la gestion des zones humides. Mais pour le syndicat, les signaux forts manquent : « le thème du congrès était de redonner de la grandeur à l’élevage, on ne peut pas le faire sans politiques publiques et tous les engagements pris l’hiver dernier n’ont pas été tenus ».