« Un retour de valeur aux producteurs autour de 11 €/1 000 l », estime la FNPL
TNC le 28/11/2019 à 06:00
Alors que, avec leurs tracteurs, les agriculteurs des réseaux FNSEA et Jeunes agriculteurs manifestent à Paris et dans d’autres villes, la FNPL a dressé un premier bilan chiffré des mesures de la loi Égalim. Selon le syndicat, le retour de rémunération aux producteurs de lait a été en moyenne de 11 €/1 000 l sur les 9 premiers mois de 2019. Un chiffre moyen tenant compte du mix-produit des industriels qui cache une réalité très hétérogène selon les entreprises. C’est « presque la moitié de l’objectif initial », mais surtout « en-deça des objectifs de couverture des coûts de production ».
Pendant que plus d’un millier d’agriculteurs manifestaient mercredi 27 novembre sur leur tracteur à l’arrêt sur le périphérique parisien, face aux forces de l’ordre à proximité de l’avenue des Champs-Elysées, ou ailleurs en France, la FNPL, la branche laitière de la FNSEA, a dressé en détail son bilan chiffré des effets de la loi Égalim dans la filière laitière.
« On suit les effets de la loi comme le lait sur le feu », a d’abord commenté André Bonnard, secrétaire général du syndicat. Ce qui était valable fin juin ne l’est plus forcément à fin septembre ».
À fin septembre 2019 donc, la FNPL estime que, en moyenne, et en tenant compte du mix-produit variable des entreprises, la loi a eu un effet positif (sur le prix de base 38/42, ndlr) d’environ 11 €/1 000 l pour les producteurs de lait.
Retrouvez aussi : La conjoncture laitière d’octobre 2019
Pour mesurer les effets de la loi, censée faire revenir de la valeur ajoutée – et donc une meilleure rémunération – aux agriculteurs en général et aux producteurs de lait en particulier, la FNPL s’est tenue à deux méthodes de calcul.
À fin septembre, l’évolution du marché extérieur quasiment sans impact sur le prix payé au producteur
Dans une première approche macro-économique du prix payé aux producteurs, le syndicat a d’abord isolé le marché beurre-poudre et celui des produits de grande consommation à l’export (PCG export). Pour rappel, ces deux marchés ne sont pas concernés par la loi, seuls les produits commercialisés en France le sont.
Sur le marché beurre-poudre, le rééquilibrage de valorisation entre les deux a été bénéfique pour les producteurs à hauteur de 3,77 €/1 000 l selon le syndicat. Mais avec un prix du lait en Allemagne en forte baisse, le marché des PGC à l’export s’est, à l’inverse, dégradé. L’impact pour le producteur serait de l’ordre de – 2,84 €/1 000 l. Au final, pour 50 % du mix produit national moyen – 25 % de beurre-poudre et 25 % de PGC export – l’impact de la conjoncture a été quasi-nul pour les éleveurs : seulement 0,92 €/1 000 l.
Par déduction et au regard du prix du lait payé aux producteurs de septembre 2018 à septembre 2019 (+ 10,27 € en un an), l’augmentation des produits de grande consommation en France (PGC France) serait de 9,35 €/1 000 l, soit « 18,70 € sous l’hypothèse de PGC France représentant 50 % du mix produit des entreprises ».
Selon cette méthode de calcul, les résultats sont très variables d’un industriel à l’autre : « pour une PME valorisant 80 % de ses produits en France, l’effet positif serait de 26,61 € sur les 12 mois glissants à fin septembre. À l’inverse, chez Sodiaal, dont le mix produit n’est tourné qu’à 40 % vers le marché intérieur, l’effet ne serait que de 12,88 €. »
Les effets des EGA en fonction du mix-produit des industriels :
Bel anticipe, Danone « dernier de la classe »
Dans sa seconde méthode, la FNPL a relevé l’évolution des prix de vente aux consommateurs et celle des prix de vente des industriels. Les premiers auraient augmenté de 1,83 % sur les 9 premiers mois de l’année 2019, quand les seconds ont progressé de 2,1 %, « générant chez les industriels un chiffres d’affaires sortie d’usine de 22,1 Mds€ ». Selon le syndicat, cela aurait eu un effet positif de 33,15 €/1 000 l.
« Entre un minimum de 18,90 € et un maximum de 33,15 €/1 000 l, la réalité doit être entre les deux » assure André Bonnard.
En surveillant ce qui a été observé sur la période (12 mois glissants à fin septembre 2019) entreprise par entreprise, la FNPL pointe les bons et les mauvais élèves. « Bel est l’entreprise qui paie le mieux, mais cela n’a pas bougé car le groupe a davantage anticipé la loi. Chez Lactalis, légèrement au-dessus des 11 €/1 000 l de hausse, les effets de conjoncture et la dégradation de certains marchés les mois à venir devrait faire baisser l’effet positif à + 9 €. » La FNPL pointe surtout du doigt Danone, qui « n’a pas appliqué les EGA ». Un comble pour le syndicat, qui rappelle que François Eyraud, directeur général des Produits frais Danone « était le co-président du fameux groupe 5 des États généraux de l’alimentation », celui qui a travaillé sur la manière de « rendre les prix d’achat des produits agricoles plus rémunérateurs pour les agriculteurs ».
Niveau de prix payé au producteur et évolution sous l’effet de la loi Egalim, chez les industriels de l’Ouest de la France :
Quoi qu’il en soit, « les prix obtenus restent en-deça des objectifs de couverture des coûts de production. Il aurait fallu que le marché intérieur augmente de 50 €, assure Thierry Roquefeuil. On a fait que la moitié du chemin. »
Le syndicat s’inquiète désormais de la suite. « Les opérateurs avaient dit que cela se ferait en deux temps. La première partie n’est pas entièrement faite. Et certains disent qu’ils ont fait le job quand d’autres veulent déjà revoir les règles instaurées par la loi, déplore Thierry Roquefeuil. C’est hors de question. La dynamique ne doit pas s’arrêter là. »
À lire également : Lait français VS importations : où en est-on ?