« Vendre à prix moyen, un gage de sécurité et de sérénité »
TNC le 12/12/2019 à 16:24
Après avoir été actif sur les marchés à terme, Pascal Van de Weghe, agriculteur à Angivillers dans l’Oise, a choisi de tout arrêter pour vendre ses céréales au prix moyen, à sa coopérative. « On a toujours voulu jouer la carte de la sécurité », explique-t-il. Pour lui, le prix moyen n'a que des avantages : un gain de temps considérable, de nombreux problèmes en moins, la sécurisation de son prix, ainsi que le fait d'avoir de la trésorerie à disposition rapidement.
TN : Comment commercialisez-vous vos céréales ?
Pascal Van de Weghe : Je vends l’intégralité de ma récolte à ma coopérative, au prix moyen. Mais ça n’a pas toujours été le cas. Lorsque j’ai commencé mon activité, j’avais une installation de stockage à plat, où je stockais 90 % de ma récolte. Je vendais ma production au coup par coup, tout au long de l’année, à des négoces et des coopératives. Je me renseignais sur les prix auprès de plusieurs organismes et je vendais ma production au plus offrant. Mais tout n’a pas été rose tout le temps, et c’est ce qui m’a conduit aujourd’hui à faire le contraire de ce que je faisais au début.
Ma commercialisation actuelle présente de nombreux avantages. Je vends tout à ma coopérative, dont je suis très satisfait. Son prix moyen de campagne est assez bon chaque année. Certes, il n’est pas aussi élevé que ce qu’on pourrait avoir en vente au cours du jour, mais au moins je suis sécurisé. Nous avons développé une vraie relation de confiance et j’ai accès à des services de qualité. Je reçois un acompte dès septembre, ce qui permet d’avoir un apport de trésorerie rapidement. La coopérative verse ensuite des compléments au cours de l’année, et si on s’engage tôt (en décembre) sur la prochaine campagne, elle nous rajoute 10 €/ha.
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Autre avantage : on s’engage sur une surface et non pas des volumes, ce qui est moins risqué. En cas de mauvais rendement, on ne risque pas d’avoir de problème. D’autre part, je dispose d’un compte adhérent au sein de ma coopérative, sur lequel je peux laisser les paiements issus de la vente de mes céréales, si je n’ai pas de besoin de trésorerie immédiat. Il est actuellement rémunéré à 1,5 % par quinzaine et m’offre une petite rémunération supplémentaire.
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L’exploitation de Pascal Van de Weghe en chiffres :
Pascal s’est installé en 1992 et exploite 120 ha en polyculture, constitué d’environ 50 ha de blé, 9 ha d’escourgeon, 12 ha d’orge de printemps, 20 ha de betterave, 6 ha de lin, 9 ha de pois, et 10 ha de colza. Il a cherché à diversifier au maximum, pour aider dans la rotation des cultures et pour limiter l’usage des intrants. Depuis une dizaine d’années, l’agriculteur est d’ailleurs engagé dans le dispositif MAEC (mesures agro-environnementales et climatiques) qui vise à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires.
Les aides par hectare sont proportionnelles à la difficulté du contrat choisi, et le sien prévoit un niveau de 50 % de baisse pour les produits hors herbicides et 40 % pour les herbicides. L’État lui verse aux alentours de 200 €/ha. Alors même si son rendement baisse un peu, il estime ne pas être si pénalisé. Il fait également partie des fermes Dephy, un réseau national de fermes innovantes en matière de réduction de produits phytosanitaires.
TN : Pourquoi vous êtes-vous intéressé aux marchés et qu’est-ce que ça vous a apporté ?
Pascal : Je fais partie d’un Ceta (Centre d’études techniques agricoles), et j’ai eu l’occasion de suivre une formation sur les marchés à terme. J’ai trouvé cela très intéressant et je me suis dit que plutôt que de continuer à vendre au coup par coup, j’allais prendre un compte marché à terme pour sécuriser mon prix par l’achat d’options. Avoir mon propre compte me permettait de séparer les ventes physiques du marché à terme. Je ne voulais pas dépendre d’un négociant pour l’achat de call ou de put, je voulais être indépendant.
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TN : Pourquoi avoir arrêté ?
Pascal : Pendant plusieurs années, j’ai fait quelques bonnes affaires, quand la volatilité des cours était encore assez élevée. Mais ces derniers temps, elle a nettement baissé. Dès lors, je n’ai plus autant utilisé mon compte marché à terme. En revanche, la banque continuait de me prélever des frais bancaires tous les mois, en plus des nombreuses formalités administratives. Ainsi, plusieurs années sans réel intérêt du compte, de fortes contraintes administratives et beaucoup de frais, m’ont conduit à clôturer mon compte.
Par ailleurs, un jour, j’ai eu un problème avec une vente. Mon installation de stockage n’était pas très performante et le refroidissement s’est fait de façon hétérogène. J’ai eu un camion refusé pour présence d’insectes. J’ai dû payer des frais supplémentaires de transport et de traitement insecticide, ce qui m’a valu de ne rien gagner sur la vente de mon blé. Ça a été le déclic. Quelqu’un qui a une bonne installation de stockage peut refroidir son grain correctement et être en sécurité. Mais ça coûte cher !
Alors couplé à l’investissement en termes de temps (pour la commercialisation et la gestion du stockage) et d’argent (frais liés à la tenue du compte marché à terme), j’ai voulu changer ma façon de faire. J’ai fait une comparaison par rapport aux prix moyens donnés par des coopératives, et compte tenu de tous les avantages, j’ai décidé d’arrêter de stocker et tout vendre au prix moyen.
La vente échelonnée est un peu de la spéculation. Le prix peut fluctuer à la baisse, sans forcément remonter avant la fin de la campagne. On peut faire de bons coups, certes, mais aussi de mauvais. Moi, je ne suis pas joueur. Spéculer, il faut pouvoir se le permettre.
TN : Combien de temps consacrez-vous à la commercialisation de vos céréales ?
Pascal : Aujourd’hui je continue de m’informer sur l’évolution des marchés. Je suis curieux par nature et j’aime bien être au courant de ce qui se passe. Mais j’y consacre beaucoup moins de temps qu’avant, environ 30 min par semaine. Je suis beaucoup moins stressé, plus serein, plus tranquille.