Accepter que le repreneur fasse différemment de soi
TNC le 29/09/2021 à 05:49
Les jeunes agriculteurs de demain ne ressembleront pas forcément aux exploitants qui s’apprêtent à prendre leur retraite. Pour relever le défi du renouvellement des générations, les cédants doivent en avoir conscience et accepter de voir leur ferme évoluer, comme Daniel Conan, éleveur dans les Côtes-d'Armor.
La recherche d’un repreneur pour son exploitation agricole, Daniel Conan l’a connue il y a deux ans. Après avoir été pendant 40 ans éleveur dans les Côtes d’Armor, Daniel Conan a vu l’heure de la retraite arriver et s’est demandé à qui transmettre sa ferme, qu’il avait toujours modernisée, bien qu’aucun de ses enfants ne soit intéressé par le métier.
Je vois ma ferme continuer de vivre.
« J’ai travaillé pendant de nombreuses années avec le même salarié. J’ai pensé qu’il prendrait ma suite mais s’installer ne correspondait pas à son projet personnel. J’ai donc cherché un repreneur, retrace le jeune retraité. Mon groupement m’a mis en relation avec deux jeunes. Pour choisir, je n’ai pas regardé le mieux disant financièrement mais celui avec qui le courant passait le mieux, celui avec lequel je pensais pouvoir bien m’entendre pour lui donner un coup de main. » Et bien lui en a pris. « Mon successeur s’est installé le 1er avril 2020, en plein confinement. Il s’est retrouvé bloqué dans ses travaux. Je l’ai aidé avec plaisir. »
Diversité de profils, diversité de projets
Les jeunes cherchent des systèmes d’exploitation différents de ceux à transmettre.
Si Daniel Conan a trouvé repreneur avec qui il a de bons rapports, l’ancien agriculteur a dû accepter qu’il fasse des choix différents des siens. « Je ne regrette pas ma décision. J’ai de bonnes relations avec lui et, surtout, je vois mon exploitation continuer de vivre. »
Cette différence entre le projet du successeur et la façon de faire du cédant est souvent encore plus marquée que ce que connaît Daniel Conan. Il y a de plus en plus de décalage entre les exploitations à reprendre et les attentes des jeunes qui veulent s’installer. « Au RDI(1) Bretagne, 40 % des offres concernent l’élevage laitier alors qu’il n’y a que 20 % de recherches pour cette production, cite en exemple Annette Hurault, conseillère transmission à la chambre d’agriculture de Bretagne. Il y a de plus en plus de jeunes non issus du milieu agricole intéressés par le maraîchage, les circuits courts. Des modèles d’exploitation qu’on ne retrouve pas beaucoup dans celles qui sont à transmettre ».
(1) Gérés par les chambres d’agriculture, les répertoires départ installation (RDI) recensent les offres et demandes de reprise d’exploitation, et accompagnent cédants et repreneurs pour une transmission réussie.
Jusqu’à revoir sa stratégie de transmission
Pour une installation en agriculture réussie, le futur cédant doit admettre que celui ou celle qui lui succédera ait un profil et/ou des projets qui ne soient pas les mêmes que les siens, voire même une autre conception du métier d’agriculteur. Cela peut conduire à complétement revoir ce que l’on avait envisager pour la transmission de sa ferme. « Beaucoup de jeunes ont un fort intérêt pour les circuits courts, témoigne Annette Hurault. Ils ne veulent pas beaucoup de foncier, seulement une trentaine ou quarantaine d’hectares. »
Ce qui ne correspond pas aux structures à céder qui sont souvent plus grandes. « Une piste peut être de transmettre à plusieurs jeunes même s’ils ne travaillent pas ensemble », poursuit la spécialiste de l’installation agricole. Les bâtiments et une partie des terres peuvent permettre de s’installer avec une activité de transformation, les autres parcelles pouvant être utilisées pour un autre projet ou de la confortation.
Transmettre à plusieurs jeunes, sans forcément qu’ils travaillent ensemble.
« Les salariés, premier vivier de repreneurs »
D’ici 10 ans, la moitié des agriculteurs prendra sa retraite. Or, si pour un certain nombre d’entre eux, la succession se fait au sein de leur famille, ce n’est pas le cas pour d’autres qui devront trouver un repreneur. Et comme les exploitations à transmettre ne sont pas toujours en adéquation avec les profils et projets des jeunes, ce n’est pas chose facile. Alors pour entrer en contact avec des porteurs de projet d’installation, le bouche à oreille et les réseaux professionnels sont une bonne piste.
Votre salarié, celui d’un voisin, de la Cuma peuvent souhaiter s’installer. Le salariat est en effet souvent un premier pas vers l’installation, notamment pour les jeunes non issus du milieu agricole. « Les salariés d’exploitation agricole sont le premier vivier de repreneurs, confirme Jean-Yves Deslandes, référent installation de la coopérative Eureden. Comme les anciens stagiaires, qu’il ne faut pas hésiter à recontacter quand votre projet de transmission se précise ». L’important étant d’accepter que celui des futurs installés diffèrent de ce vous avez prévu, c’est ainsi que les cédants participent à l’évolution permanente de l’agriculture.