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Renégociations commerciales

À force de tensions, des risques de rupture d’approvisionnement


AFP le 20/07/2022 à 09:14

Les renégociations commerciales traînent en longueur depuis mars et « le niveau de tensions atteint actuellement » entre fournisseurs et distributeurs « rend plausibles les ruptures de rayons », souligne le Sénat dans un rapport publié mardi soir.

« D’après les représentants des fournisseurs, plusieurs d’entre eux refuseront purement et simplement de produire et d’approvisionner les distributeurs si les hausses de tarif demandées ne sont pas acceptées, car la situation actuelle les rendrait quotidiennement déficitaires », souligne le groupe de suivi de l’application de la loi Alimentation (ou « Egalim ») dans un rapport approuvé mardi par la commission des Affaires économiques du Sénat. 

Depuis mars et à la demande du gouvernement, industriels et distributeurs négocient à nouveau les prix de vente de certains produits alimentaires, dont les coûts de production subissent une forte inflation depuis la fin de l’année 2021, encore aggravée par la guerre en Ukraine.

Les premiers reprochent aux seconds de refuser de payer plus cher des denrées qui coûtent beaucoup plus à produire; d’accepter les hausses liées aux matières premières agricoles mais de refuser de débourser plus pour l’emballage ou le transport par exemple; d’augmenter les prix dans les rayons alors même qu’ils ont refusé de payer plus pour ces produits; ou encore de « gagner du temps » pour continuer de bénéficier des prix antérieurs à la guerre en Ukraine.

Les distributeurs quant à eux reprochent aux industriels de demander des hausses de prix injustifiées, ou différentes d’un industriel à l’autre, et de manquer de transparence.

Dans ces querelles commerciales qui perdurent depuis plusieurs mois, le Sénat tranche plutôt en faveur des industriels, puisque « les travaux du groupe de suivi Egalim, notamment ceux conduits auprès des pouvoirs publics, n’ont pas permis d’observer, au-delà de ces cas particuliers, un phénomène généralisé de hausses abusives ».

Selon les données issues du comité de suivi des négociations du 7 juillet, 40 % des renégociations pour les marques nationales (comme Danone, Nestlé, Coca-Cola) auraient été conclues, et 90 % pour les marques distributeurs (par exemple Marque repère ou Monoprix).

Illustration en rayon, selon l’Institut de liaisons des entreprises de consommation, la hausse des prix des marques distributeurs « est deux fois supérieure à celle des marques nationales : + 7,4 % contre + 4,2 % ».

Gouvernement désintéressé

L’état d’avancement de ces renégociations est cependant « très hétérogène selon les distributeurs », juge le Sénat. Du côté de la grande distribution, il y a les bons et les mauvais élèves, qui ne sont jamais nommés : certaines centrales d’achat « auraient refusé totalement la hausse de tarif demandée dans plus d’un tiers des cas, et ne l’aurait acceptée entièrement que dans moins de 10% des cas ».

Face à une situation qui semble stagner, le Sénat pointe également du doigt le comportement d’un « gouvernement qui semble désintéressé de la situation », écrivent les rapporteurs.

Alors que représentants agricoles, agro-industriels et distributeurs se réunissent tous les jeudis pour suivre l’avancée des négociations commerciales entre les acteurs privés, « selon plusieurs professionnels entendus », l’utilité du comité de suivi des renégociations commerciales « est loin d’être évidente puisque aucune décision n’y est actée », rapportent les sénateurs.

Les négociations qui ont lieu entre industriels et distributeurs étant privées, le Sénat recommande notamment d’établir un tableau de suivi permettant de savoir quelles hausses ont été passées, reprenant une proposition de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania).

Selon « certains pouvoirs publics entendus » par le Sénat, les clauses de révision automatique des prix entre industriels et distributeurs prévues par la loi Egalim 2 sont également questionnées tant les conditions de déclenchement sont « à des niveaux inatteignables ».

Un transformateur doit par exemple justifier de 30 % de hausse sur une matière première pour pouvoir renégocier un tarif et la clause de révision ne s’applique que pour une seule matière, explique le Sénat.

Des distributeurs ont pu profiter de cette clause « pour demander un grand nombre d’informations très précises sur la composition du tarif » et « dans certains cas, la signature de la clause était conditionnée à cette transparence accrue, voire « exagérée » ».