Apport de matériel et main-d’œuvre, échanges, entraide… sans trop investir !
TNC le 20/09/2022 à 15:05
« Les Cuma sont des outils efficaces pour faciliter l'installation en agriculture, en particulier des Nima (non issus du milieu agricole), et accompagner le renouvellement des générations d'exploitants », met notamment en avant leur fédération nationale dans sa campagne de communication, lancée il y a quelques semaines sur les réseaux sociaux entre autres. Concrètement, quels sont les avantages d'adhérer à ces structures quand on s'installe ? La FNCuma donne la parole aux jeunes éleveurs et agriculteurs, les mieux placés pour l'expliquer.
Intitulée « Changez votre point de vue sur les Cuma », cette opération a pour but de « dépoussiérer et améliorer l’image » des coopératives d’utilisation de matériel agricole, en particulier auprès des futurs éleveurs et agriculteurs, indique leur fédération nationale. C’est pourquoi elle vise à déjouer « les fake news », autrement dit les « idées reçues », autour de cinq thématiques : l’économie, l’installation et le renouvellement des générations, la solidarité, l’innovation et les services.
Objectif : promouvoir « les atouts, les principes et les valeurs » de ces coopératives pour attirer de nouveaux membres, notamment des jeunes, « à l’heure où les enjeux économiques et sociaux agricoles n’ont jamais été aussi importants », avec une diminution du nombre d’exploitants et leur départ massif en retraite. Il s’agit de mettre en avant le « faire ensemble, l’essence même des Cuma, qui passe par une réduction des coûts d’utilisation des machines certes, mais aussi par la solidarité, le partage et l’échange d’expériences ».
Un intérêt économique
La FNCuma explique sur le site web dédié à cette campagne de communication (https://campagne-cuma-fr.webnode.fr) : adhérer à une Cuma « limite les investissements en matériel, donc le niveau d’endettement, les charges de mécanisation et les coûts de production », ce qui peut générer « jusqu’à 20 % d’économie ». Ces structures donnent accès à « des équipements récents, dotés des dernières technologies, en bon état, entretenus, performants, diversifiés » que les producteurs, et notamment les jeunes, ne pourraient pas financer seuls. Elles permettent également de « mutualiser » certaines activités telles que la transformation, la méthanisation…
Je n’aurais pas pu financer mon installation, reconnaît Benoît.
Benoît Gautier, 42 ans, éleveur de Limousines (Loire-Atlantique), ne se serait « pas installé sans la Cuma » de l’Arche (50 adhérents). En décidant de changer de race, le jeune producteur, en hors cadre familial depuis 2016, a dû reconstituer tout un cheptel. Alors il ne pouvait pas, en même temps, reprendre ou acquérir du matériel. D’autant qu’en passant en bio, celui-ci s’avérait plus spécifique et souvent plus cher. Ainsi, la Cuma a accompagné sa conversion vers l’agriculture biologique.
Séverine Brun, 32 ans, éleveuse bovine et caprine (Haute-Loire), a préféré investir dans une stabulation plutôt que dans des machines « qui ne servent que quelques jours dans l’année ».
Léo Girard, 31 ans, éleveur (Drôme), n’aurait pas réussi à développer autant sa ferme en préservant la charge de travail. La Cuma, il en fait partie depuis son installation, l’ayant connue par l’intermédiaire de son maître d’apprentissage. « Mon investissement personnel a été complètement capté par l’achat des troupeaux, la construction des bâtiments et des laboratoires de découpe et transformation », raconte-t-il. Pas d’investissement possible donc dans d’autres engins et outils.
Quant à Alexandre Bonneville, 43 ans, polyculteur et éleveur laitier (Nord), il n’aurait « pas créé un atelier pomme de terre », une diversification nécessaire pour rejoindre en 2016, à 36 ans, l’exploitation familiale. « La Cuma a sécurisé mon installation. En m’équipant moi-même, j’aurais opté pour l’occasion, précise-t-il. La Cuma de Clary (54 membres), à laquelle nous adhérons depuis trois générations, a acheté une planteuse et une fraise bien plus adaptées, pour un total de 75 000 €. Un montant que je n’aurais pas pu assumer. »
Écouter son témoignage vidéo, publié sur la chaîne Youtube de la FNCuma :
Ainsi que celui d’Adrien Martel, 31 ans, installé depuis 2019 (Drôme) :
Meilleures technicité et productivité
La FNCuma évoque « les gains de productivité » réalisés avec le matériel en Cuma et le moindre risque de panne, qui apportent une « sérénité » appréciable aux jeunes installés.
Benoît Gautier a ainsi « pu partir du bon pied », disposant des outils adéquats pour la gestion du pâturage et les semis des cultures.
Séverine Brun, qui a la mélangeuse en Cuma avec chauffeur, optimise l’alimentation du troupeau. « En 20 min, l’élevage est nourri quoi qu’il arrive », se réjouit-elle.
Tester de nouvelles pratiques, dans un cadre sécurisant.
La Cuma des 3 sols dans les Landes (27 adhérents), se félicite de l’acquisition d’un semoir à maïs monograine Väderstad Tempo T, qui sème à 15 km/h. « Que de temps gagné ! Aujourd’hui, en 6 rangs, on fait le même travail qu’en 8 rangs il y a quelques années, voire plus, avec une meilleure qualité de semis ». Doté de la coupure de tronçon, ce semoir fait de la modulation, et gère la fertilisation et l’épandage d’herbicide.
La FNCuma confirme : « L’innovation est stimulée dans un cadre sécurisant, qui permet de tester et diffuser de nouvelles pratiques. »
La Cuma des 3 solsappuie : « L’utilisation des nouvelles technologies nécessite certaines compétences, donc un accompagnement, et prend du temps. Se lancer dans la modulation, par exemple, était un défi au départ. »
Charge de travail allégée
Pour la FNCuma, les coopératives de son réseau fournissent « des solutions humaines autant que matérielles et techniques ». « Elles simplifient l’organisation collective du travail, à travers la délégation des travaux et l’emploi partagé notamment, et améliorent la qualité de vie des agriculteurs et des éleveurs », détaille-t-elle.
Yves Carpentier, polyculteur-éleveur (Nord), peut ainsi faire face aux besoins plus importants en main-d’œuvre en AB.
Délégation de travaux, emploi partagé…
Léo Girard enchaîne : « La Cuma pousse aussi à mieux s’organiser. Pour un bon fonctionnement en groupe, il est nécessaire que cela fonctionne déjà bien chez soi. »
La Cuma de l’Arche, dont Benoît Gautier est le trésorier, emploie deux salariés (l’un travaillant pour plusieurs adhérents) et réfléchit à la création d’un groupement d’employeurs. La Cuma fournit « de la main-d’œuvre et des compétences », souligne-t-il, avant de poursuivre : pour que le collectif fonctionne, il faut pas mal de « conviction et de temps, mais on en récupère après ! »
20 ha ensilés en un jour !
La Cuma des Quatre Saisons en Vendée (34 membres) a recruté quelqu’un pour la maintenance des machines, voyant le coût de l’entretien augmenter avec le parc matériel. « On a fait les calculs, une heure en atelier nous coûte de 40 à 60 € selon le travail à effectuer, note son président Amaury Moinard, polyculteur et éleveur bovin de 33 ans. Alors qu’avec un salarié, l’entretien nous revient à 27 € de l’heure. En plus, le risque était mesuré : moins de 1,5 % du chiffre d’affaires de chaque adhérent. »
Alexandre Bonneville apprécie « l’efficacité dans les chantiers, d’ensilage de maïs particulièrement. 12 personnes (le chauffeur de l’ensileuse, 8 à 9 tracteurs-bennes, deux « tasseurs » de silo) y participent et « les 20 ha sont récoltés en un jour ! », s’exclame l’éleveur tout en insistant sur la rigueur indispensable dans les plannings. « Une journée intense mais une vraie sécurité pour la qualité de la récolte. Avec une ETA, il en faudrait plutôt deux, d’où un risque accru pour la conservation du maïs. ».
Partage d’expériences, entraide, convivialité
La FNCuma et nombre de jeunes agriculteurs, comme Benoît Gautier, et Adrien Martel, considèrent que « l’échange au sein de la Cuma permet d’avancer plus vite même si travailler à plusieurs peut parfois être contraignant. »
Léo Girard constate que « la Cuma apporte aussi de la contradiction et de nouvelles idées », citant « l’assolement en commun ».
Yves Carpentier, quant à lui, est conscient du soutien de sa Cuma lorsqu’il a voulu convertir la ferme parentale en bio à son installation en 2015. « Cela encourage à prendre plus de risques, fait-il remarquer. Rencontrer d’autres producteurs enrichit aussi la réflexion et on peut s’appuyer sur eux en cas de besoin. »
De nouvelles idées et de la contradiction.
La FNCuma met aussi l’accent sur « l’entraide au quotidien, la solidarité en cas de coups durs et les moments conviviaux ».
Alexandre Bonneville est entièrement d’accord : « En cas de problème météo, de panne, de souci de santé ou autre, le collectif permet de trouver, en un coup de fil, le coup de main qui sauvera la récolte. »
Avoir des collègues de travail et être solidaires en cas de coup dur.
Benoît Gautier est content d’avoir « des collègues de travail » qui, pour Alexandre Bonneville, sont même « des amis » grâce à la « convivialité du collectif ». Selon ce dernier, l’organisation du travail, le côté « partage », « solidaire », « chaleureux », qu’il appelle « qualité du service », est « le critère essentiel » devant « le prix du matériel ». « Si le prix peut inciter à l’adhésion, c’est la qualité de service qui fidélise. On ne peut pas vraiment compter sur l’entraide d’un adhérent, qui est là pour le prix sans avoir la fibre collective », observe-t-il.
Fabrice Casteraa, président de la Cuma des 3 sols, la cinquantaine, prône pour sa part « le mélange les générations qui amène davantage d’ouverture d’esprit ». Quant à Benoît Gautier, il sensibilise « la relève », les lycéens et étudiants en agriculture, aux atouts des Cuma pour s’installer lors d’une journée porte ouverte annuelle sur son exploitation. « Le M dans Cuma, c’est le M de matériel, de main-d’œuvre mais aussi matière grise », résume-t-il.
Source : campagne de communication de la FNCuma « Changez votre point de vue sur les Cuma », et notamment les témoignages de jeunes agriculteurs et éleveurs publiés dans ce cadre sur Youtube, sur https://campagne-cuma-fr.webnode.fr/ et fournis par l’Agence Mlle Pitch.