Apprentissage rime avec avantages
TNC le 06/03/2019 à 11:18
Au salon de l'agriculture, en amont de la nouvelle édition des Rendez-vous de l'apprentissage organisés du 1er au 8 mars 2019 dans le Nord-Pas-de-Calais, Fabrice Cossart, conseiller à la chambre d'agriculture, est venu promouvoir l'intérêt de ce système pour les employeurs comme les apprentis. Un dispositif en pleine réforme avec de nombreuses évolutions réglementaires mais aussi au niveau des aides et des salaires.
L’ apprentissage a le vent en poupe dans le Nord-Pas-de-Calais. Pour la deuxième année consécutive, la chambre d’agriculture reconduit du 1er au 8 mars, en lien avec la MSA et les FDSEA, les Rendez-vous de l’apprentissage. Organisés sur des exploitations agricoles, ils proposent à chaque fois le témoignage d’un binôme employeur/apprenti. Ils offrent la possibilité d’échanger avec eux, ainsi qu’avec des experts de l’apprentissage, et d’avoir des conseils de recrutement. L’occasion de promouvoir ce dispositif auprès des agriculteurs à la recherche de main-d’oeuvre, mais surtout des jeunes en formation agricole ou qui veulent travailler dans ce secteur. L’apprentissage connaît une réforme importante avec des changements concernant la réglementation, les aides et les salaires, détaillés au cours de ces journées.
Beaucoup plus de demandes que d’offres
« Il y a beaucoup plus de demandes que d’offres, souligne Fabrice Cossart, conseiller développeur de l’apprentissage à la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais, venu en faire la promotion lors d’une conférence au Salon de l’agriculture sur le stand de l’APCA (Assemblée permanente des chambres d’agriculture), le 1er mars, jour du top départ de l’opération de communication régionale. Presque quotidiennement, je reçois l’appel d’un exploitant désirant embaucher un apprenti. Le manque de main-d’œuvre est un réel problème dans les exploitations agricoles avec le départ à la retraite des parents et le nombre croissant de conjointes employées à l’extérieur. Or, il est de plus en plus difficile de trouver des salariés agricoles motivés et qualifiés. Depuis janvier, 80 employeurs potentiels m’ont contacté et je n’ai que 6-7 candidats à leur proposer. »
Au-delà de la faible mobilité des apprentis, qui peut expliquer cet écart, le principal frein à l’apprentissage est qu’il est méconnu. D’où l’intérêt des Rendez-vous de l’apprentissage, qui pourraient être étendus à d’autres régions, et des campagnes de communication dans les collèges et lycées, et plus largement auprès de l’enseignement agricole et général, qui mériteraient d’être plus fréquentes. Ce qui éviterait que les enseignants et conseillers d’orientation oublient d’en parler, ou qu’ils croient que l’apprentissage est réservé aux élèves en échec scolaire.
Transmission des savoirs et savoir-faire
L’apprentissage présente en effet plusieurs atouts pour les agriculteurs, financiers bien évidemment puisque l’embauche d’un apprenti coûte moins cher que celle d’un salarié et qu’il y a peu de charges, mais pas seulement. Certes, les exploitants doivent avoir conscience qu’ils devront consacrer du temps à la formation des jeunes, qui ont moins d’expérience au départ que des salariés. Or, ils ont déjà une charge de travail importante sur l’exploitation et ils ne pourront compter sur leur apprenti qu’un certain nombre de semaines par an. « Mais ils pourront les former selon leurs besoins, leurs attentes et les particularités de la ferme, alors qu’un salarié a déjà travaillé ailleurs et arrive avec des idées et des desiderata en tête. » Une transmission des savoirs et savoir-faire qui fait que « les apprentis apprennent les petits « trucs » » qui font la différence en termes de performances technico-économiques.
En savoir plus sur l’apprentissage en agriculture, grâce à la vidéo ci-dessous :
Pour les apprentis, les intérêts sont également nombreux. Le premier sans doute est de pouvoir allier la théorie à la pratique, quand très peu de place lui est accordée dans la voie classique, pour préparer les mêmes diplômes d’État (CAP, Bac, BTS, licence, master, etc.). « Travailler en entreprise, c’est concret, pas comme à l’école et je peux me perfectionner plus vite, témoigne Baptiste en seconde professionnelle agroéquipement par apprentissage et non issu du milieu agricole. Avec ce système, je pense avoir plus de chances de réussir. » « Les jeunes intègrent plus facilement les spécificités du métier d’agriculteur, comme la saisonnalité des productions et des travaux, les contraintes au niveau des horaires, des week-ends, des congés, la pénibilité de certaines tâches, car ils y sont confrontés dès le début de leur formation alors qu’ils n’ont que 15 à 18 ans (une grande partie des apprentis ont cet âge alors qu’il est possible de bénéficier d’un contrat d’apprentissage jusqu’à 30 ans, NDLR) », ajoute Fabrice Cossart.
Une passerelle vers l’emploi
De plus, l’apprentissage est une excellente passerelle vers l’emploi. Les apprentis deviennent souvent salariés de l’exploitation qui les a accueillis, à laquelle ils sont généralement bien adaptés. C’est pourquoi les patrons d’apprentissage, qui se sont aussi pas mal investis dans leur formation, choisissent souvent de les garder. Parfois, ils s’associent même avec eux, voire décident de leur transmettre leur ferme s’ils n’ont pas de successeurs familiaux. Et si jamais ce n’était pas le cas, l’expérience professionnelle de ces jeunes ne manquera pas d’intéresser les groupements d’employeurs ou les services de remplacement. « Le taux d’accès à l’emploi des apprentis atteint 80-85 % », précise le conseiller.
Mathieu Devienne, agriculteur dans la Somme, et Lancelot Thorignac, apprenti, témoignent sur les atouts de l’apprentissage dans une vidéo réalisée dans le cadre de la Quinzaine de la transmission/reprise en agriculture, organisée en novembre 2018 à l’initiative des chambres d’agriculture et ayant pour thème l’apprentissage :
Toutefois, si l’apprentissage est une voie de réussite, « il ne convient pas à tout le monde ». « Il faut être vraiment motivé par le travail en exploitation agricole et avoir un projet professionnel assez précis car il va falloir tenir le rythme sur la ferme et acquérir les connaissances théoriques plus rapidement qu’en cursus classique où il y a davantage de semaines de cours ». Mieux vaut donc être bon élève comme Baptiste auquel les professeurs avaient d’ailleurs conseillé, en fin de troisième, un Bac scientifique. « Mais moi, je suis passionné de machines agricoles, alors j’ai préféré m’orienter vers une filière professionnelle en agroéquipement, notamment pour pouvoir travailler dans une entreprise où il y en a plein », se réjouit celui qui s’occupe désormais de la mécanique pour le compte de son patron d’apprentissage.
Un accompagnement humain des employeurs
Si le travail de terrain lui plait davantage que l’école, Baptiste envisage malgré tout de poursuivre ses études après le Bac par un BTS, en apprentissage bien sûr. « Il faut aller le plus loin possible pour avoir davantage de chances d’être embauché à la fin du contrat », insiste-t-il. « Les chefs d’exploitation recherchent de plus en plus d’apprentis dans ce type de formation car ils comprennent vite », poursuit Fabrice Cossart. Les relations entre Baptiste et son patron sont bonnes et celui-ci s’efforce de bien lui expliquer le métier. Toutefois, même si c’est rare, le courant peut ne pas bien passer entre l’apprenti et son employeur. Mieux vaut alors arrêter tout de suite et ne pas attendre le terme du contrat. En cas de souci, la chambre d’agriculture joue d’ailleurs un rôle de médiateur entre les deux parties.
Elle remplit de nombreuses autres missions, axées sur « l’accompagnement humain », complète Dominique Bouvier, responsable du service entreprises et installations à l’APCA. L’organisme a fait du développement de l’apprentissage l’une de ses priorités pour les années à venir. « Avec la loi Pénicaud, nous allons pouvoir y consacrer plus de temps car la signature des contrats n’est plus de notre ressort. » Dans tous les départements, des salariés sont chargés de ce dossier, mais très peu à temps plein pour pouvoir mener l’ensemble des actions nécessaires. Or, il existe de réels attentes et besoins sur le terrain. Il s’agit d’abord de repérer les agriculteurs qui manquent de main-d’oeuvre, de les rencontrer et de leur expliquer ce qu’est l’apprentissage et les avantages qu’ils peuvent en retirer.
« Nous sommes des facilitateurs de démarches »
Il faut ensuite les accompagner dans le processus d’embauche (définir le poste à pourvoir et le profil recherché, étudier la faisabilité économique, fixer les conditions de travail et veiller à ce qu’elles soient satisfaisantes) et être disponible pour répondre à leurs nombreuses interrogations. Ensuite, vient le moment de les aider à prospecter dans les bonnes filières, à réaliser les entretiens d’embauche et à sélectionner l’apprenti correspondant le mieux à l’entreprise et à ce qu’ils recherchent. « Parfois, cela peut durer un à deux ans, mais mieux vaut attendre ou renoncer à prendre une personne que d’engager quelqu’un qui ne conviendra pas, met en garde Fabrice Cossart qui suit de près toutes ces étapes débouchant sur la mise en relation des employeurs et apprentis, et la rédaction de la déclaration d’embauche, préalable à la signature du contrat.
« Nous sommes des facilitateurs de démarches, en amont mais aussi pendant la période d’apprentissage, car le patron doit effectuer un suivi et remplir plusieurs documents pour l’établissement scolaire. L’apprentissage, c’est beaucoup de formalités et ça peut faire peur. Nous devons également amener les chefs d’exploitation à se poser un certain nombre de questions : pourquoi ils veulent embaucher, pour quelles tâches, dans quel but par la suite… » Même s’il reste pas mal de travail au niveau communication et orientation des jeunes, le nombre de contrats signés dans le Nord-Pas-de-Calais a augmenté de 20 % en quatre ans pour atteindre 1 200 sur la seule année 2018.
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