Être acteur de son projet pour réussir
TNC le 19/09/2019 à 21:39
Les chambres d'agriculture, le syndicat Jeunes Agriculteurs, les banques, les centres de gestion... les différentes structures, qui s'occupent de l'installation dans le secteur agricole, veulent placer les jeunes au centre de leur projet. En être acteur est, selon elles, l'une des principales clés de réussite. Cela permet, en effet, d'avoir plus conscience de ses atouts et limites, et de mieux de concilier avec sa vie personnelle.
Plan de financement et d’entreprise, capacité de remboursement et d’endettement, EBE, fonds de roulement et trésorerie prévisionnels, viabilité de l’activité à quatre ans, diagnostic de l’exploitation reprise, étude de marché en cas de vente directe… Et si le facteur humain était aussi important voire plus, dans la réussite d’un projet d’installation agricole, que tous ces critères économiques demandés aux futurs agriculteurs afin de valider ou non leur dossier ? Depuis pas mal d’année déjà, le parcours à l’installation et l’accompagnement qu’il propose pour les candidats au métier d’agriculteur a été recentré sur les porteurs de projet.
Suivre toutes les étapes, même se cela paraît de prime abord complexe et un peu contraignant, permet « de se former, de rencontrer et d’échanger avec des conseillers et d’autres jeunes, donc de mûrir et faire évoluer son projet », a rappelé Thomas Guégan, président des Jeunes Agriculteurs de Bretagne lors de la conférence « Réussir son installation en agriculture » organisé au Space 2019 par le cabinet d’expertise comptable et de conseils breton Icoopa. Toutes les remarques faites aux futurs installés ne doivent pas être prises comme « des jugements ». Elles visent à « leur faire prendre conscience des limites de leur projet, qui se sont pas qu’économiques ». Il faut en effet que celui-ci soit compatible avec « leurs attentes en termes de vie personnelle car « il ne suffit pas que le métier plaise pour qu’il soit vivable ».
Un esprit ouvert, essentiel pour de futurs chefs d’entreprise
Même les partenaires de l’installation comme les banques, qui interviennent dans le domaine purement économique, s’intéressent de plus en plus aux aspects humains. « Nous ne regardons pas seulement la motivation des porteurs de projet qui, dans la majorité des cas, n’en manquent pas, nous évaluons aussi leur degré d’expérience, par exemple nous leur demandons quelle est leur formation initiale, s’ils ont effectué des stages ou été salariés en fermes, a précisé Olivier Morvan, responsable adjoint du marché de l’agriculture au Crédit Mutuel de Bretagne. Des éléments qui renseignent sur les compétences techniques et le savoir-faire des futurs installés.
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Ce ne sont cependant pas les seuls paramètres pris en compte. Le Crédit Mutuel de Bretagne les questionne sur les formations continues qu’ils ont pu réaliser car cela illustre leur envie de se perfectionner et d’élargir leurs compétences. Il évalue leur connaissance de la filière dans laquelle ils vont s’installer et de ses différents acteurs. La prise de responsabilités professionnelles antérieure et l’implication dans la vie sociale sont aussi essentielles car elles montrent que « le jeune n’est replié ni sur lui-même, ni sur le monde agricole, une ouverture essentielle pour de futurs chefs d’entreprise », a insisté Olivier Morvan.
« Ne pas foncer tête baissée »
Et ce n’est pas Damien Le Studer, éleveur à Plescop dans le Morbihan, qui va le contredire. Avant de reprendre l’élevage de volailles de chair de son père en 2016, il a été technicien avicole dans un groupement. « J’ai pu voir ce qu’il fallait faire et ne pas faire », a-t-il souligné. Également conseiller municipal de sa commune, il a insisté sur la nécessite « d’aller voir ailleurs et de ne pas foncer tête baissée ». « Anticiper et bien s’organiser sont deux choses primordiales pour dégager du temps pour soi et sa famille. Je voulais continuer à sortir le week-end et prendre des vacances comme avant, même si c’est moins souvent et moins longtemps », fait remarquer le jeune producteur. Double actif pendant trois ans, il vante les mérites de l’installation progressive. « Arrêter son activité salariée du jour au lendemain et se retrouver seul sur l’exploitation, ça peut être brutal et difficile à vivre au début. » Des arguments valables aussi pour le cédant, qui peut apprécier une transmission progressive.
L’humain, le futur cher d’entreprise, est davantage pris en considération également par les centres de gestion et comptables lorsqu’ils étudient les dossiers d’installation agricole. Le cabinet d’expertise et de conseils breton Icoopa s’attarde sur la formation des futurs installés, l’activité (production seule, ou avec transformation voire vente directe) et la main-d’oeuvre disponible (reprise en individuel, en société, avec ou non des salariés), le manque de compétences et surtout une charge de travail trop lourde étant des facteurs d’échec aussi fréquents que l’absence de rentabilité économique. Le premier rendez-vous est d’ailleurs axé sur le porteur de projet, son expérience, sa situation familiale, ses envies et objectifs en termes de production et système d’exploitation, de circuit de commercialisation, d’organisation et outil de travail.
« Accompagner, ce n’est pas dire comment faire »
Mais attention « accompagner ne signifie pas dire comment faire, c’est vérifier la cohérence entre les aspirations du jeune et la réalité du projet », a mis en garde Ludovic Juin, responsable de groupe chez Icoopa. L’entreprise dispose d’un service juridique, économique, foncier, employeur, environnement, où les futurs agriculteurs bénéficient ensuite d’un conseil ciblé et personnalisé. « Il importe de prendre le temps de la réflexion, de ne pas se précipiter, et de bien écouter les conseils de tous les partenaires. Ils ont de l’expérience et leur seul intérêt est que l’installation réussisse, puis que l’exploitation soit pérenne pour continuer à l’accompagner par la suite. »
« Il n’y a pas deux projets identiques mais tout le monde peut avoir sa place. L’important est de donner leurs chances à tous les candidats » en les aiguillant le mieux possible, a fait remarquer Olivier Morvan du Crédit Mutuel de Bretagne. « C’est dans notre intérêt car ils s’engagent pour des durées de financement de 10, 15 voire 25 ans », a insisté le banquier, appuyant ses propos avec la présentation du système de portage du foncier mis en place en partenariat avec la Safer et la Région Bretagne, « le problème des terres restant le principal frein à l’installation ».