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Au Space, l’impatience du monde agricole face à l’absence d’interlocuteur politique


TNC le 17/09/2024 à 17:47
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Le Space 2024 a été inauguré sans ministre, le 17 septembre. (© TNC)

Traditionnellement inauguré par le ministre de l’agriculture, le salon de l’élevage s’est ouvert ce mardi sans membre du gouvernement, la composition de ce dernier ne devant être connue qu’à la fin de la semaine. Une absence regrettable, estiment les syndicats agricoles, dans un contexte tendu par la mauvaise récolte historique et les crises sanitaires.

Alors que le Space constitue habituellement un temps fort de la rentrée politique agricole, de nombreux sujets restent aujourd’hui en suspens. L’absence de politique au Space, ce n’était pas arrivé depuis 1995, se remémore Marcel Denieul, président du Space. Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, déplore de son côté un « no man’s land politique » dommageable, quand les difficultés conjoncturelles sont nombreuses cette année : pire moisson depuis 40 ans, crises sanitaires multiples – FCO 3, FCO 8, grippe aviaire, MHE, peste porcine africaine…

L’agacement est d’autant plus grand que les mobilisations historiques de l’hiver avaient redonné un peu d’espoir à une partie des agriculteurs. Malheureusement, les engagements obtenus de la part du gouvernement n’ont été que très peu tenus, estiment la FNSEA et Jeunes agriculteurs.

Dans la situation actuelle, l’urgence est, selon les deux syndicats, de répondre aux besoins de trésorerie des exploitations, à travers des prêts garantis par l’État. Si les différents organismes, notamment les banques, se disent prêts à suivre et à accompagner les agriculteurs, rien ne peut cependant être acté sans un interlocuteur politique.

Une crise sanitaire mal gérée

L’absence de gouvernement de plein exercice a-t-elle joué un rôle dans la propagation rapide de la FCO sur le territoire français ? En partie, estime de son côté la Confédération paysanne, qui aurait souhaité profiter du Space pour alerter un nouveau ministre sur ces questions. Pour le syndicat, le manque d’anticipation et d’information a eu un effet catastrophique, empêchant les éleveurs d’activer certains leviers de protection. « On voudrait redire combien la situation est extrêmement dure, un grand nombre d’élevages ne s’en remettront pas s’il ne se passe rien dans les prochaines semaines », insiste Laurence Marandola, porte-parole de la Conf’, qui demande des réponses quant à l’indemnisation des pertes directes et indirectes, via le FMSE, mais aussi par des aides d’urgence.

La Confédération paysanne, comme ses homologues, Coordination rurale en tête, exige également la mise à disposition de vaccins pour tous les élevages qui en ont besoin.

« Immobilisme et marasme »

En repoussant la nomination d’un ministre, « on recule dans l’immobilisme et le marasme », estime Sophie Lenaerst, vice-présidente de la Coordination rurale. Le discours du syndicat, qui sera présenté au futur ministre, reste le même : accompagnement nécessaire de la trésorerie des agriculteurs, allègements des charges fiscales et sociales, faciliter les installations et les transmissions… Autant d’éléments que la Coordination rurale souhaiterait intégrer à la loi d’orientation agricole, qu’elle jugeait incomplète.

La FNSEA et Jeunes agriculteurs ont de leur côté rédigé une nouvelle version de la loi, renommée « Entreprendre en agriculture », mais attendent surtout des parlementaires qu’ils se saisissent du sujet pour obtenir des réponses d’ici la fin de l’année. Il s’agirait pour JA, d’une première étape dans l’accompagnement des jeunes, dans un contexte de ralentissement de la dynamique d’installation en 2024.

Pour Laurence Marandola, la question du prix payé au producteur reste centrale. « On ne pourra pas garder des éleveurs nombreux si on n’a pas des prix rémunérateurs, il faut interdire les transactions à perte, c’est la base », explique-t-elle, inquiète des signaux contradictoires envoyés à l’agriculture, notamment avec la reprise des négociations entre l’UE et le Mercosur. Et après trois lois différentes, l’hypothèse d’un Egalim 4 n’allume plus d’étoiles dans les yeux des agriculteurs, tous syndicats confondus.

S’il est possible que l’absence de ministre constitue un manque d’ordre plutôt symbolique, dans les faits, « on aimerait bien que la loi finisse par être validée pour certaines avancées : simplification administrative, Egalim », estime de son côté Marcel Denieul. Sinon, « on va commencer à sentir une certaine frustration de tous ceux qui ont passé du temps sur les barrages », juge-t-il.

Côté FNSEA, « on fera le bilan fin octobre, début novembre ». « Ça ne nous fait pas peur de retourner sur le terrain, mais ça n’est pas une fin en soi », précise Arnaud Rousseau. Pour Sophie Lenaerts, en tout cas, « la base envoie des signaux de détresse », déçue notamment par le manque de résultats après les manifestations de l’hiver dernier.