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Collectif et coaching pour optimiser le travail sur l’exploitation


TNC le 24/10/2024 à 05:18
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Le collectif permet de « mettre en commun des problématiques et des solutions pour les résoudre ». (© StockMediaProduction, Adobe Stock)

C’est ce que proposent les Cuma de l’Ouest et leurs partenaires, au travers du projet Acct notamment. Il s’agit, en s’appuyant sur le collectif parce qu’il permet de « mutualiser » les problèmes et les solutions, de se doter d’une méthode et d’outils pour mieux s’organiser et travailler, seul et à plusieurs, dans les exploitations agricoles.

« En 20 ans, de 2000 à 2020, le travail dans les fermes s’est fortement intensifié, en raison notamment d’une hausse de la SAU moyenne de près de 30 ha, mais également de la baisse des actifs agricoles familiaux, même si le nombre de salariés augmente de 2,2 % par an depuis 2010 », rappelle Aurélie Garcia-Velasco, chargée d’études environnement-machinisme à la Fédération régionale des Cuma de l’Ouest, en ouverture du webinaire « optimiser l’organisation du travail en s’appuyant sur le collectif », 12e « pause travail »(1) du RMT (réseau mixte technologique) « travail en agriculture », début septembre 2024.

« Et ce phénomène va même s’accélérer avec les départs en retraite d’agriculteurs, massifs d’ici 2026 : 45 % des effectifs. L’augmentation de la charge de travail, comme le développement du salariat en agriculture, modifie à la fois les tâches exercées et leur organisation, avec l’apparition de missions nouvelles liées en particulier à la gestion de la main-d’œuvre, et les complexifie. »

(1) Débutées il y a un an, ces « pauses travail » mensuelles permettent, sous forme de webinaires, « de partager des résultats de projets, de stages, de thèses, d’actions, de présenter des outils et des méthodes, de capitaliser des connaissances, d’ouvrir des perspectives », présente le RMT sur le site internet de l’idele.

Une approche souvent quantitative

Pour répondre à ces problématiques (auxquelles s’ajoutent les conditions de travail, la pénibilité, la charge mentale, les conséquences d’événements divers tel qu’un agrandissement de l’exploitation, la création d’une activité, le départ d’un associé ou employé…), les exploitants ont besoin, et tout intérêt, à se faire épauler par un organisme extérieur (chambre d’agriculture, Civam, Cuma, etc.).

Dans ce domaine, l’approche est souvent quantitative, axée entre autres sur le temps passé sur chaque tâche. « Utile pour donner des repères, se situer par rapport à des références, elle n’est pas suffisante car le travail peut se voir sous plusieurs angles (voir schémas ci-dessous) », explique Aurélie Garcia-Velasco, dont certains peuvent s’imbriquer.

Le travail en agriculture comporte plusieurs dimensions. (© Cuma Ouest)
Mais elles peuvent s’imbriquer. (© Cuma Ouest)

Se faire accompagner aussi dans ce domaine

Une vision plus qualitative est donc nécessaire, avec trois types d’objectifs détaillés dans le visuel qui suit. Le but de l’accompagnement autour du travail en agriculture peut être de simplifier, s’équiper, déléguer, etc., ou d’actionner plusieurs de ces leviers à la fois. Parce que collectif est dans son ADN, le réseau des Cuma de l’Ouest s’est demandé s’il pouvait aider à optimiser le travail dans les exploitations agricoles, en permettant aux producteurs de trouver des solutions aux difficultés qu’ils rencontrent.

Les objectifs de l’approche qualitative du travail en agriculture. (© Cuma Ouest)

De là est né le projet Acct (Accompagnement collectifs et travail)., mené en Normandie et multipartenarial (FRCuma Ouest, la FRCuma Normandie, la Chambre régionale d’agriculture de Normandie, le réseau des Civam normands et Littoral Normand, soutien de la Région Normandie et du Feader). Il vise à proposer des outils et méthodes pour accompagner les agriculteurs, pratico-pratiques, facilement utilisables, car il en manque sur le terrain.

Le collectif, un catalyseur

L’atout du collectif : « mettre en commun des problématiques et des solutions pouvant les résoudre en aidant les collègues à les mettre en place sur leur ferme », met en avant la chargée d’études. Il favorise « le partage d’expérience, la remise en question, la prise du recul sur sa propre situation ». L’intérêt du collectif s’observe également à un autre niveau, quand des actions ne peuvent être mises en œuvre qu’à plusieurs (mutualisation de gros investissements, délégation de chantiers, embauche d’un salarié à temps partagé sur plusieurs fermes par exemple).

Le travail est encore tabou.
Il faut lever les freins d’expression qui subsistent !

« Peut-il être le même catalyseur sur le travail que sur les techniques de production sur lesquelles il existe une belle dynamique de groupe (GIEE, Dephy, chambre, Civam…) ? » C’est ce qu’espèrent les partenaires du projet. « Le travail est complexe et souvent encore tabou. Il faut arriver à lever les freins d’expression qui peuvent exister. Nous nous sommes rendu compte qu’en abordant le travail de manière frontale, certains groupes n’adhéraient pas. Que les participants ne connaissent peut être autant un plus qu’un moins. Qu’ils soient dans la même production ou non également », détaille Aurélie Garcia-Velasco, avant d’ajouter : « cette dimension collective demande un accompagnement spécifique, à la fois collectif et individuel. »

Une démarche en plusieurs étapes

Plusieurs étapes ont été identifiées. La première : l’état des lieux des besoins et ressources existants, et la constitution des groupes. « Nous avons d’abord repéré des collectifs ayant déjà ou avec pour projet de réfléchir sur le travail, en agriculture et dans d’autres secteurs, certaines initiatives étant peut-être transposables. » La chargée d’études poursuit : « Nous pensions opportun d’avoir des groupes dédiés, avec plusieurs portes d’entrée : départ d’un associé, changement de système, agrandissement… Mais, en réalité, il est tout aussi judicieux de traiter de cette problématique dans ceux qui ne lui sont pas consacrés (GIEE, groupe tracteur de la Cuma, etc.). »

Les exploitants font peu le lien entre travail et difficultés sur la ferme.

Phase 2 : sensibiliser à la thématique et à ses enjeux, et montrer comment le collectif peut les relever, pour les raisons évoquées plus haut. « Ce point ne doit pas être sous-estimé », pour les exploitants mais aussi les conseillers qui « ne se sentent pas toujours légitimes à parler de ce sujet ». Autrement dit : il faut que chacun puisse identifier ses propres besoins et comprenne qu’il peut être accompagné pour trouver des solutions. « Les producteurs font rarement le lien entre le travail et les difficultés auxquelles ils sont confrontés sur leur exploitation. Nous devons les aider à en prendre conscience. »

Ensuite, des diagnostics individuels, de 1h à 1h30, sont réalisés auprès des participants volontaires, à partir d’une grille d’évaluation. Sont passées en revue les tâches effectuées, le temps mobilisé, le ressenti de l’agriculteur, l’analyse qu’il en fait, les évolutions envisageables. Les résultats sont discutés en groupe. Des modalités spécifiques de restitution facilitent leur appropriation par les agriculteurs. Après les besoins, ce sont des problématiques communes qui ressortent ici, mais également des bonnes pratiques.

Co-construction, en groupe, de plans d’actions

Cela aboutit à la co-construction (les exploitants sont parties prenantes) d’un plan d’actions, à son déploiement et à son suivi. C’est-à-dire à l’accompagnement, des participants, pour solutionner les soucis mis en évidence. Parmi les pistes qui peuvent être étudiées : la mise en place d’un premier emploi, l’amélioration de la communication entre associés et/ou salariés, de la gestion du stress, des imprévus, des aléas, de l’articulation vie pro/perso, de la corrélation entre-temps de travail et rémunération, etc. Par exemple, « les membres du groupe peuvent s’observer mutuellement en situation, dans les fermes, pour proposer des choses à tester et améliorer. »

S’observer mutuellement, se donner des conseils, entre producteurs.

Les partenaires d’Acct ont ainsi pu concevoir et tester, en conditions réelles, des méthodes et outils d’accompagnement avec plusieurs groupes d’agriculteurs : kits, boîtes à outils, formations. Ils seront diffusés, dans un premier temps dans l’Ouest, puis plus largement, via des fiches, guides, vidéos, webinaires, colloques, séminaires de restitution (un premier rendez-vous est d’ailleurs prévu à la fin du projet le 6 décembre), témoignages, articles de presse, participation à des événements, actions de sensibilisation.

Intervenir en amont de l’installation, sinon les problèmes sont trop ancrés.

« Où intervenir et comment ? Cela reste à bien définir. Pourquoi pas dans les centres de formation, avec des activités participatives ? En tout cas, le plus tôt possible, et avant l’installation, car souvent on arrive un peu tard, quand les problèmes sont bien ancrés », insiste Aurélie Garcia-Velasco. « Au départ, on peut commencer par de petits changements, par exemple un chariot pour transporter des seaux, pour aller vers de plus grands, plus structurels, comme la gestion des salariés ou l’agencement des bâtiments. »