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Comment les différents pays européens régulent-ils le foncier agricole ?


TNC le 25/02/2025 à 14:04
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Les prix du foncier agricole, tout comme les mécanismes de régulation, varient beaucoup entre pays européens. (© Adobe Stock)

La législation autour des terres agricoles n’est pas du ressort de l’Europe, mais de ses États membres, qui mettent en place leur propre stratégie de régulation du foncier. Si les enjeux diffèrent entre les pays, certains mécanismes de contrôle peuvent être communs, pour répondre par exemple à l’objectif partagé du renouvellement des générations.

Au niveau européen, le marché des terres reste une compétence des États membres. « L’échange, la mise à disposition, l’utilisation des terres agricoles répondent au principe européen de libre circulation du capital », explique Sophie Helaine, directrice générale de l’agriculture et du développement rural à la Commission européenne. L’Europe peut néanmoins agir pour augmenter la transparence sur les transactions foncières, ou les échanges entre les pays. Organisée au Salon de l’agriculture par la FNSafer le 24 février, la table-ronde sur la régulation du foncier en Europe a également permis un tour d’horizon des mécanismes mis en place en la matière par les États.

En moyenne, l’hectare de terre européen est vendu 11 000 €, mais des disparités importantes s’observent entre pays, et même entre régions. En Espagne, les prix peuvent ainsi varier de 6 000 €/ha à 150 000 €/ha. Logiquement, ils sont les plus élevés là où la disponibilité des terres est moindre, dans les petits pays comme le Luxembourg ou Malte notamment. La France, où ils sont parmi les moins hauts d’Europe, dispose de la plus grande SAU, avec 28 millions d’hectares. La taille des exploitations joue également un rôle important dans le marché foncier: quand les exploitations sont grandes, les opportunités foncières se font plus rares et le marché s’avère plus concurrentiel.

Les prix sont également liés à la rentabilité du foncier. En moyenne, la location des terres s’élève, en Europe, à 173 €/ha, mais on observe là aussi d’importantes disparités. Aux Pays-Bas, les prix des fermages atteignaient 923 €/ha en 2023. En Italie, en 2020, ils étaient à 840 €/ha.

Les mécanismes de régulation du marché foncier en Europe

Alors que 33 % des chefs d’exploitation ont plus de 65 ans dans l’UE, et 12 % seulement ont moins de 40 ans, l’enjeu du renouvellement des générations est globalement partagé par l’ensemble des pays, tout comme la lutte contre la concentration excessive des terres. Ce sont ainsi deux des objectifs principaux de la régulation du marché foncier, qui peut prendre différentes formes en fonction des États membres, comme l’a détaillé Julie Veyssère, du service Études, veille et prospective de la FNSafer.

Ainsi, la protection du fermier en place est importante, notamment au sud de l’Europe. En France, en Belgique, en Espagne, au Portugal, en Grèce et en Italie, le fermage relève d’un statut légal d’ordre public. En revanche, au nord de l’Europe, le statut est beaucoup plus souple, et la liberté contractuelle importante permet de négocier et d’adapter les conditions du bail rural, notamment en Irlande, Suède, Finlande ou au Danemark.

Les États peuvent également mettre en place des dispositifs pour assurer la transparence du marché foncier agricole. La mise en publicité systématique des ventes est notamment fréquente à l’est de l’Europe. En France, en Italie ou aux Pays-Bas, les prix des terres agricoles sont publiés régulièrement. En parallèle, des mesures existent pour contrôler les prix de vente du foncier. On distingue deux types d’intervention : une régulation des tarifs excessifs (refus de l’autorisation de vente pour des opérations évaluées à plus de 50 % de la valeur comparable du bien dans certains Länder allemands, par exemple), ou la mise en place d’un prix maximum de vente, en Hongrie notamment.

Par ailleurs, certains pays ont mis en place des restrictions sur les acquéreurs, afin de contrôler l’achat de foncier agricole : obligation de détenir une capacité ou une expérience agricole, restrictions sur le statut juridique des acquéreurs… Le contrôle du marché sociétaire reste en revanche peu régulé, même si la France, avec la loi Sempastous, ou la Hongrie qui interdit les achats par des personnes morales, ont travaillé en ce sens.

Certains pays essayent également de contrôler l’orientation du foncier agricole et ont instauré des dispositions réglementaires pour contenir la taille des fermes, avec une taille maximale en Hongrie par exemple, ou une propriété foncière limitée à 2 000 ha en Lettonie. Le morcellement du foncier est aussi un sujet qui fait l’objet de dispositifs spécifiques : droit de préemption au bénéfice de l’exploitant limitrophe dans de nombreux pays, interdiction sous conditions de la vente de surfaces trop petites (Allemagne, Espagne, Bulgarie, Slovaquie).

Si elle ne légifère pas, la Commission européenne peut en revanche travailler à une « harmonisation des méthodes », en favorisant la coordination entre États membres, explique Sophie Helaine. Et un projet pilote d’observatoire foncier européen va également être lancé cette année, ajoute-t-elle.