Concilier continuité et évolution, la clé d’une transmission/reprise réussie
TNC le 10/01/2019 à 16:04
Alors que les profils et les attentes des repreneurs potentiels d'exploitations agricoles changent, l'objectif principal des cédants reste, lui, le même : voir perdurer ce qu'ils ont construit tout au long de leur carrière. Un décalage dans la façon de voir les choses qui peut constituer un frein supplémentaire à la transmission des fermes. La FDCivam d'Ille-et-Vilaine mène actuellement plusieurs études pour mieux cerner ce phénomène et faire émerger d'autres façons de transmettre plus en adéquation avec ces nouveaux contextes et enjeux.
Transmettre et reprendre une ferme, c’est bien sûr poursuivre ce que le cédant a bâti depuis qu’il s’est installé et aussi ce qu’ont construit les autres générations avant lui. Mais cela ne signifie pas nécessairement tout conserver à l’identique. D’autant que les candidats à l’installation en agriculture, déjà beaucoup moins nombreux que les agriculteurs en âge de céder leur exploitation, sont de plus en plus extérieurs au monde agricole et ont des projets un peu différents en termes de productions, de mode de commercialisation et/ou d’approvisionnement (recherche d’autonomie et de valeur ajoutée), d’organisation du travail (besoin de temps libre, davantage de mutualisation), etc. Or, les futurs retraités sont souvent réticents à ce que le repreneur change trop le système, qu’ils ont mis des années à mettre en place, souvent à la sueur de leur front.
Les objectifs des cédants et des porteurs de projets ne sont donc pas toujours compatibles, un frein qui vient s’ajouter à tous ceux pénalisant déjà la transmission, des élevages notamment. « En Bretagne, un agriculteur sur deux a plus de 50 ans et il y a une reprise pour trois cessations d’activité, note la fédération départementale des Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural (Civam) d’Ille-et-Vilaine. En 2016, 37 % des installations aidées ont été réalisées hors cadre familial et 27 % concernaient des personnes non issues du milieu agricole (Nima). Et en 2017, 64 % des gens venus se renseigner dans les Points accueil installation (PAI) de la région n’étaient pas du monde agricole. » Des chiffres qui illustrent parfaitement la problématique évoquée.
Envisager la ferme autrement que dans ses productions et configurations initiales…
« Pour favoriser la transmission, nous pensons qu’il faut envisager la ferme autrement que dans ses productions et configurations initiales, ajoute l’organisme. La diversification des ateliers et des modes de commercialisation permettra de maintenir les exploitations et les paysans sur les territoires. » Pour mieux faire coïncider les attentes des cédants et des repreneurs, la FDCivam 35 mène conjointement plusieurs études, dont les résultats seront dévoilés dans quelques mois. La première − Analyse des facteurs facilitant la transmission des petites à moyennes fermes en production laitière − vise au-delà de la compréhension de ces critères à inciter les agriculteurs proches de la retraite à changer leur manière d’envisager la cession de leur structure.
Pour cela, il faut aussi mieux cerner les besoins et souhaits des porteurs de projet et intégrer le fait qu’un certain nombre est en reconversion professionnelle. Tel est le but du diagnostic « Analyse des facteurs facilitant l’installation en production laitière en agriculture durable des Nima. Et parce que ce public est attiré par le bio, la Fédération régionale de l’agriculture biologique (Frab) de Bretagne est en train d’effectuer un état des lieux des transmissions dans ce mode de production à travers une typologie des exploitations, un inventaire du type d’accompagnement proposé, et également des atouts et difficultés observés…
… pour trouver le plus de points d’entente possibles
« Il s’agit de faciliter la rencontre entre cédants et repreneurs, pour trouver le plus de points d’entente possibles, rappelle pour sa part le cabinet de formation et consulting Autrement dit. Il faut aider chacun à accorder sa vision sur la ferme, selon son projet et son histoire, et à nouer une relation de qualité, ce qui permettra ensuite de se mettre plus facilement d’accord sur la valeur de reprise de l’exploitation. » Et si des évolutions sont prévues au niveau du système, celles-ci peuvent très bien se faire rapidement ou au contraire progressivement en fonction des situations, des envies et des contraintes respectives.
« Sans repreneur dans le cadre familial, Marie-France et Jean-Louis André cherchaient une personne extérieure pour reprendre leur élevage de vaches allaitantes et porcs conventionnels sur une cinquantaine d’hectares, raconte la FDCivam 35. Après avoir rencontré plusieurs candidats potentiels, ils se sont rendus compte que beaucoup étaient intéressés par la production de lait de chèvre biologique. Un technicien a fini par les convaincre de l’intérêt d’un changement d’atelier. Le couple a même démarré la conversion, vendu les Limousines, acheté les chevrettes et implanté de la luzerne. » Un exemple parmi d’autres montrant qu’il n’y a pas qu’une mais des transmissions possibles pour une même exploitation, et que cela ne peut qu’être bénéfique au renouvellement des générations en agriculture et au maintien des fermes partout en France.
Source : actes de la conférence « Réussir sa transmission », organisée au salon agricole de l’agriculture biologique La terre est notre métier.