Dernière ligne droite au Parlement pour la loi d’orientation agricole
AFP le 18/02/2025 à 09:10
Le gouvernement est engagé dans une course contre la montre au Parlement pour faire adopter rapidement son projet de loi d'orientation agricole. Brandi comme réponse à la grogne du secteur, mais fustigé par la gauche, il doit être voté mardi au Sénat.
Une loi d’orientation bouclée juste avant le Salon de l’agriculture ? C’est l’objectif affiché par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, déterminée à aller vite avant le coup d’envoi de l’événement annuel phare du monde paysan, samedi à Paris.
Cela passe d’abord par un vote solennel au Sénat, prévu mardi en début d’après-midi. La chambre haute, dominée par une alliance droite-centristes qui soutient le gouvernement, devrait adopter confortablement ce texte.
Présenté il y a environ un an sous le gouvernement Attal en réaction à une crise agricole qui avait enflammé les ronds-points, les autoroutes et l’édition 2024 du Salon, adopté par l’Assemblée nationale au printemps, le projet de loi d’orientation agricole n’a pas pu être examiné plus tôt au Sénat.
En cause, la dissolution puis la censure du gouvernement Barnier, qui ont reporté par deux fois les travaux des sénateurs.
« Année difficile »
« Les agriculteurs viennent de vivre une année difficile. Ils ont été entravés dans leur volonté d’entreprendre. Il faut les encourager à s’installer, mais aussi à rester dans la profession », appuie la sénatrice Les Républicains Dominique Estrosi-Sassone.
Après le vote de la chambre haute, une commission mixte paritaire (CMP) réunissant sept sénateurs et sept députés se tiendra à partir de 18h30 au Sénat pour tenter de dégager, au pas de charge et à huis clos, un texte de compromis entre les deux chambres.
Si les parlementaires y parviennent, leur version commune pourrait être soumise aux deux chambres avant samedi – voire dès mercredi – pour deux ultimes votes qui vaudront adoption définitive. Dans le cas contraire, la « navette » parlementaire reprendrait et l’agenda s’allongerait de plusieurs semaines.
Des sources parlementaires n’excluent cependant pas un report du vote après les congés parlementaires.
L’issue des tractions reste incertaine : Assemblée et Sénat ont toujours d’importantes divergences de vues sur plusieurs points irritants, même si le camp gouvernemental sera majoritaire en CMP.
Le texte balaye en effet des sujets très divers, de la transmission d’exploitations pour faire face au vieillissement du métier aux objectifs de l’enseignement agricole en passant par le statut des haies ou la répression des atteintes environnementales.
Il entend surtout ériger l’agriculture au rang « d’intérêt général majeur » et fait de la souveraineté alimentaire un « intérêt fondamental de la Nation ».
Les sénateurs lui ont associé un principe décrié de « non-régression de la souveraineté alimentaire », mesure miroir de la « non-régression environnementale » déjà consacrée dans la loi.
« Coup de force »
A l’initiative du sénateur LR Laurent Duplomb et dans un climat parfois tendu dans l’hémicycle, la chambre haute a aussi nettement allégé les contraintes des agriculteurs en matière d’atteintes environnementales – largement dépénalisées -, d’installations agricoles ou de destruction de haies.
Dans le même temps, elle a écarté la plupart des références à la « transition » écologique au profit de la notion plus neutre « d’adaptation ».
Ces évolutions, votées souvent contre l’avis du gouvernement, ont inquiété la gauche. « C’est un texte ultralibéral, à la limite de l’obscurantisme », a regretté le sénateur socialiste Jean-Claude Tissot.
« Le Sénat a transformé le projet de loi en machine de guerre contre l’agriculture familiale et contre l’environnement », s’est indignée la présidente LFI de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale Aurélie Trouvé.
« Un signal alarmant de la montée en puissance des idées d’extrême droite », a renchéri l’ONG Greenpeace dans un communiqué.
Les parlementaires écologistes ont eux aussi dénoncé un « coup de force » destiné à « permettre quelques effets d’annonces d’Emmanuel Macron au Salon de l’agriculture ». Dénonçant un agenda « intenable », ils ont demandé que le projet de loi puisse être examiné « dans des conditions normales », « jusqu’à mi-mars ».
Même le camp présidentiel s’oppose à certains ajouts sénatoriaux : « il est hors de question qu’on se laisse faire » lors de la CMP, lance un cadre macroniste, prêt à engager le rapport de force avec la droite.