Accéder au contenu principal

Des agriculteurs misent sur l’habitat léger pour s’installer


AFP le 08/08/2024 à 10:05

Yourte, tiny house ou caravanes : contraints par le coût du foncier et des revenus limités, mais aussi par envie, de jeunes agriculteurs décident de vivre en habitat léger sur leurs exploitations, un choix pas toujours bien accepté.

Quand François Postel et Sandra Govin ont voulu acheter une ferme dans la Drôme avec un budget de 100 000 euros, ils se sont rendus compte que celles à vendre valaient trois ou quatre fois plus.

« Ce qui faisait beaucoup grimper le prix, c’était les maisons », explique à l’AFP l’agriculteur de 40 ans. Pour lancer leur élevage de chèvres et de poules pondeuses, ils ont choisi un terrain agricole sans habitation à Bouvières, un hameau de 150 habitants, et y ont installé une yourte.

En Bretagne, Jérôme, 33 ans (qui a requis l’anonymat), a fait un choix similaire pour se lancer en élevage et en maraîchage. Non issu du monde agricole, il considère la yourte comme « une situation transitoire pour limiter les frais » de logement et privilégier l’investissement dans l’outil agricole.

Quand près de la moitié des agriculteurs devraient partir à la retraite d’ici 2030, « le foncier agricole est devenu inaccessible pour les jeunes », avec des prix trop élevés ou des fermes à reprendre trop grandes, déplore Alice Vallet, présidente de la Fédération de l’habitat réversible (F-HR).

Vivre en yourte ou en caravane permet de limiter le coût du logement à quelques milliers d’euros, un peu plus pour une minimaison amovible (tiny house), bien loin du prix d’un logement classique.

« Si on veut vraiment aider des jeunes à s’installer, il faut trouver une solution de logement », insiste François Postel. « On est sur des activités peu rémunératrices, commencer avec des fermes à 300-400 000 euros et des prêts importants, c’est s’installer avec de fortes contraintes. » 

« Une forme de réticence » 

La Confédération paysanne défend cette « solution transitoire » le temps de l’installation, indique Vincent Delmas, porte-parole de ce syndicat agricole dans la Drôme.

Elle permet aussi aux agriculteurs de vivre sur leur exploitation. « Quand vous avez un tuyau d’irrigation qui casse ou une bête qui s’échappe, c’est un atout important d’être sur place », relève le maraîcher.

Mais vivre en habitat léger reste une gageure et les permis de construire difficiles à obtenir.

La loi Alur de 2014 reconnaît les logements légers et démontables comme habitat permanent. Leur installation est « dérogatoire » via la création de zones dites STECAL dans des zones naturelles, agricoles ou forestières et ces secteurs ne sont autorisés « qu’à titre exceptionnel », explique Béatrice Mesini, chercheuse au CNRS.

Dix ans après l’entrée en vigueur de cette loi, « la notion de STECAL n’est pas vraiment connue ni utilisée » par les élus, constate Michel Maya de l’Association des maires ruraux de France. « Il peut aussi y avoir une forme de réticence », poursuit le maire de Tremayes (Saône-et-Loire).

« Ce sont tous les stéréotypes sur les +cas sociaux+ qui vivraient de l’assistanat », abonde Béatrice Mesini.

Pourtant, « ces habitats légers et mobiles correspondent parfaitement à tous ces préceptes d’urbanisme aujourd’hui », entre la lutte contre l’artificialisation des sols et le besoin de nouveaux agriculteurs, estime la chercheuse.

« Géniale »

La F-HR et l’association Habitants de logements éphémères ou mobiles (Halem) souhaiteraient voir la loi agricole amendée pour faciliter les installations.

« La loi est très vague et les chambres d’agriculture (qui sont consultées pour les installations en agriculture) l’interprètent différemment », regrette Jérôme.

Certains agriculteurs ont ainsi vu leur habitat déclaré illégal et se sont retrouvés à ferrailler devant les tribunaux pour éviter l’expulsion. Mais dans certains cas, l’installation en habitat léger se passe bien.

Jean-Baptiste Favrichon fait partie d’un collectif qui a repris la ferme de la Tournerie (Haute-Vienne) et dont les membres ont vécu en caravanes ou yourtes quelques années.

« Nous sommes arrivés au moment où la commune se dotait d’un plan local d’urbanisme, ça a été assez simple », raconte-t-il. « Ça nous a permis de nous concentrer sur la tâche agricole » et « contribué à la solidité du groupe », poursuit l’architecte de formation.

Si l’expérience de vivre en caravane a été « géniale », il ne veut pas l’idéaliser. « La vie en habitat léger est quand même dure. Les hivers, on les sent bien. »