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Elections agricoles : une percée non sans défis pour la Coordination rurale


AFP le 08/02/2025 à 07:00
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La Coordination rurale (en jaune) a remporté 14 chambres aux élections professionnelles agricoles de 2025, contre trois en 2019. (© TNC)

La percée de la Coordination rurale aux élections pour les chambres d'agriculture, après une campagne axée sur le « dégagisme » de l'alliance majoritaire FNSEA-JA, accusée de cogestion avec l'Etat, n'est pas une surprise vu son positionnement et le contexte, affirme le sociologue François Purseigle.

Interrogé par l’AFP, le professeur à l’Ecole nationale supérieure agronomique de Toulouse (INP-ENSAT) souligne qu’en passant de trois à 14 chambres départementales, voire 15 avec la chambre régionale de Nouvelle-Aquitaine, la CR sera elle aussi confrontée « d’une certaine manière » à la cogestion.

Acteurs clés, les chambres d’agriculture sont des établissements publics, missionnés par l’Etat, qui conseillent et offrent des prestations aux exploitants, tout en représentant les intérêts agricoles auprès des pouvoirs publics.

Question : D’où vient la Coordination rurale et quel est son positionnement ?

Elle est née dans les années 1990, dans le Gers, dans les Landes, où un certain nombre de céréaliers, qui étaient à l’époque plutôt proches de la FNSEA, se sont sentis floués par l’Europe, en pleine réforme de la Pac. Ce n’est pas étonnant que les scores de la Coordination rurale soient importants aujourd’hui dans le Sud-Ouest.

Progressivement, elle s’est ouverte à d’autres territoires et elle s’est affirmée autour d’une ligne qui conduit à dire que si l’agriculture en est là où elle est, c’est la faute de l’Etat, c’est la faute de la cogestion et aux rapports entre l’Etat et la FNSEA.

Un certain nombre de ses fondateurs étaient proches de la droite souverainiste. Elle oscille donc entre des postures idéologiques qui sont à la fois libérales et souverainistes.

Pendant très longtemps, la CR a refusé d’être taxée comme une organisation proche de l’extrême droite. Ces derniers mois, on a quand même vu certains de ses leaders, pas forcément sa présidente, mais certains dans le Tarn-et-Garonne, dans le Lot-et-Garonne, qui n’ont pas hésité à s’afficher avec des personnels de l’extrême droite.

Comment expliquer sa percée ?

Malgré tout, la CR a pu rassembler depuis sa fondation des gens qui ont des profils beaucoup plus variés, même sur le plan idéologique.

Elle a fait de la disparition du paysan un thème assez récurrent. C’est l’une des premières organisations syndicales à avoir fait du suicide des agriculteurs une thématique forte de son discours.

Ce qui est sûr, c’est qu’elle marque des points dans des zones qui ont été fortement impliquées lors des récentes mobilisations et tire son épingle du jeu dans des zones de crise et notamment dans les zones intermédiaires dans lesquelles non seulement les exploitations agricoles sont en difficulté, mais où toute une économie agricole est en difficulté avec la disparition d’outils industriels, d’abattoirs, de laiterie…

Quel est son programme et quel va être son rôle dans les chambres d’agriculture qu’elle dirigera ?

Elle va devenir l’interlocutrice de l’Etat à l’échelle de ces départements, puisque l’Etat se tourne vers les chambres d’agriculture pour prendre le pouls de la situation agricole. Mais il leur confie surtout les missions de développement agricole.

La cogestion qu’elle dénonce, il va donc falloir qu’elle y participe aussi, d’une certaine manière.

Son projet de développement agricole est masqué par des revendications qui portent essentiellement sur une rupture en termes de cogestion. On ne voit pas forcément une rupture en termes de modèle productif, ce qui est plus le cas de la Confédération paysanne qui appelle à changer de modèle.

La Coordination rurale appelle à limiter l’effacement démographique. La question qui se pose c’est comment va-t-elle faire pour enrayer une tendance lourde et les mutations profondes ? L’effacement de la population agricole, ce n’est pas la faute uniquement de la FNSEA, ce sont des familles agricoles qui ont de plus en plus de mal à trouver des repreneurs.

La CR porte un projet plus axé sur l’autonomie des agriculteurs, un discours sur le souverainisme, la régulation des marchés, la fermeture des frontières parfois et la limitation des contrôles. Mais les chambres d’agriculture ne gèrent pas les contrôles.

Elles sont censées accompagner techniquement les agriculteurs pour qu’ils trouvent des solutions en matière de développement, d’amélioration des conditions de production et des conditions de travail.