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Étude de cas

En 15 ans : 3 installations, + 950 000 l de lait et + 300 000 € d’EBE


TNC le 04/07/2023 à 14:56
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En 30 ans, la structure est passée de 2 à 5 UTAF, de 250 000 l à 1,2 Ml de lait et de 150 à 400 ha.

Dans le cadre du programme Cap’lait en Bourgogne-Franche-Comté, une étude de cas a été réalisée dans une exploitation en lait de plaine (standard). Production laitière, investissements, EBE, endettement… ont été analysés. Résultat : l’élevage s’est fortement développé et a permis plusieurs installations, dont celle de deux jeunes éleveurs de moins de 30 ans.

Mieux connaître l’installation en lait de plaine, ses caractéristiques, ses facteurs de réussite et ses freins : tel est l’un des objectif du programme Cap’lait mené en Bourgogne-Franche-Comté(1). Plusieurs actions ont été conduites dans la région (et présentées lors d’un webinaire diffusé sur la chaîne Youtube Cap’lait) :

– un état des lieux général par la chambre d’agriculture (profil des candidats, type de transmission, montant des reprises, etc.),

– une analyse des résultats économiques des jeunes installés par le CER France,

– une enquête sur leurs parcours à l’installation, leur vision du métier et son avenir

– des témoignages comme celui de Rémy Chaudey

– une étude de cas détaillée ci-après par Frédéric Démarest, de la chambre d’agriculture du Jura.

(1) Synthèse d’une enquête régionale dans des exploitations de polyculture-élevage laitier de grande dimension, intégrant la présentation des résultats de celle effectuée annuellement sur le temps de travail dans le cadre du dispositif Inosys, avec quelques outils méthodologiques pour approcher la notion de travail dans les fermes bovines laitières.

L’exploitation en quelques chiffres

Gaec à 5 associés (2 générations : plus de 50 ans, 25-30 ans)

– 3 chefs d’exploitation : Laurent, 55 ans + 2 JA, Benjamin et Antoine, 28 et 27 ans

– autres associés : sa femme Marielle, 53 ans + un tiers, Pascal, 57 ans)

4 sites d’exploitation (pas toujours simple à gérer, à faire évoluer) dans le Jura (190 m d’altitude, 600 mm de précipitations par an)

 112 VL Prim’holstein

 1,2 Ml de lait (livrés à la coopérative régionale Ermitage)

 1 robot de traite double (100 places)

 43 VA Charolaises

 Atelier broutards + génisses grasses en vente directe (bouchers locaux)

 374 animaux au total

 405 ha de SAU : 255 ha de SFP (dont maïs ensilage : 60 ha, orge : 10 ha) + 150 ha de cultures de vente

Une ferme en développement continu

Laurent a rejoint ses parents en 1991 sur une structure de 180 000 l de lait, 95 ha et 25 vaches allaitantes. Aujourd’hui, le Gaec à 5 associés produit 1,2 Ml de lait et élève 43 VA sur 405 ha. Un développement important en plusieurs étapes :

1- Jusqu’en 2006, date où Marielle s’est installée : léger agrandissement (+ 70 000 l, + 57 ha).

« Avec les quotas laitiers, il y était en effet difficile d’augmenter la production laitière », pointe Frédéric Démarest.

Passage à 250 000 l de lait, 147 ha, mais baisse des VA (24).

2- 2006-2013 : 1ère phase de développement (+ 110 000 l).

« Avec l’arrêt des quotas, les producteurs ont pu acheter du litrage supplémentaire via le TSST (système des transferts spécifiques de quota sans terre) », explique le conseiller. Autre évolution : création du Gaec, autorisé entre époux par la loi de modernisation de l’agriculture de 2010.

Nouvelle référence : 360 000 l de lait.

3- De 2014 à 2023 : période de croissance importante avec l’installation des 2 fils.

– 2014, à celle de Benjamin : reprise d’une ferme de 113 ha + 240 000 l de lait.

Lait x 2 quasiment : 600 000 l de lait ; le troupeau allaitant reste stable.

D’où, en 2015 : investissement dans une stabulation (110 places) + un robot de traite double (100 places) pour 650 000 €.

– 2016, à celle d’Antoine : pas de reprise, mais + 240 000 l de lait en 3 ans.

Atteinte d’un volume de 750 000 l et dépassement « de la barre symbolique » des 100 VL.

– 2019 : changement de race de Montbéliarde à Holstein. La production atteint 800 000 l.

– 2020, autre tournant : entrée dans la société d’un voisin, en fin de carrière, avec sa ferme.

La structure a presque sa taille actuelle.

– 2021 : nouveaux investissements (robot de traite 50 places, équipements pour le bien-être des vaches, bâtiment de stockage, projet photovoltaïque en autoconsommation en réflexion) (déjà méthanisation depuis plusieurs années).

– 2022-2023 : atteinte des 1,2 Ml actuels (quasi x 2 en 6 ans), acquisition des panneaux solaires. Les associés envisagent de ramener tous les animaux sur deux des quatre sites d’exploitation pour une gestion plus facile.

Résultat : la structure est passée de 2 à 5 UTAF, de 250 000 l à 1,2 Ml de lait et de 150 à 400 ha.

Avec, en parallèle :

– une désintensification du système (réduction du chargement de 1,5 à 1 UGB/ha), « peut-être pour être moins tendu en termes de surface fourragère avec la sécheresse », suggère Frédéric Démarest ;

– une forte capitalisation de l’exploitation (en raison des investissements) : de 500 000 € à l’actif du bilan à 1,8 M€ ;

– un prix du lait ayant peu évolué. « Avant un pic à 389 €/1 000 l en 2015, il n’était pas bien haut et dès l’année d’après, il est redescendu. Depuis 2020, il remonte. Pour 2022, les chiffres ne sont pas encore disponibles mais il a fortement augmenté. »

Modernisation et performance au rendez-vous

Les courbes annuités/EBE (en rouge) et EBE/produit brut (en bleu) permettent de visualiser l’efficacité du système.

Globalement : l’EBE a fortement progressé, de 100 000 € en 2006 à 400 000 € en 2021. « Le creux de 2009, à 55 000 €, est dû à la crise laitière, précise le conseiller. À priori, en 2022, il devrait encore augmenter. » Une progression en 3 étapes :

1- 2006-2009 : dégradation de l’EBE.

C’est la 1ère phase d’investissement. Les annuités grimpent beaucoup (courbe rouge), les résultats sont en baisse (courbe bleue). L’EBE se dégrade et arrive à un point critique de près de 75 % d’annuités/EBE, l’efficacité du système en prend un coup (EBE/produit brut) car le prix du lait est bas.

2- 2010-2015 : formation d’un plateau, les résultats peinent à s’améliorer.

3- À compter de 2016 : redressement de l’EBE.

Ce dernier connaît une amélioration sensible. Le prix du lait diminue mais, avec l’installation des jeunes, la production laitière s’accroît de manière substantielle. La première période de gros investissements se termine.

Toutefois, une deuxième se profile et va vite faire remonter les annuités et altérer l’efficacité du système. « Avec les jeunes qui s’installent, il faut se réorganiser. L’impact du changement de race doit aussi être pris en compte.

Puis, l’EBE se redresse nettement et devient important.  Même si les annuités restent élevées, le ratio annuités/EBE descend en dessous de 50 % et le ratio EBE/produit brut repasse la barre des 40 %. « Cela montre que les exploitants ont repris la maîtrise des facteurs de production », indique Frédéric Démarest. 

Étudier la durabilité du système

L’exploitation s’est fortement endettée depuis 2009. Actuellement, le taux d’endettement s’élève à 70 %, malgré les bons résultats de 2021-2022 mis en évidence sur le graphique précédent. « Cela illustre une certaine prise de risque de la part des éleveurs : l’exploitation qui a toujours misé sur l’avenir et continué d’investir en accompagnement des installations et malgré les crises et difficultés conjoncturelles », souligne Frédéric Démarest.

À noter, selon le conseiller : « Petit à petit et de façon régulière, sa dépendance aux aides de la Pac s’est réduite : le niveau de 2019 est similaire à celui de 2006. Et maintenant, ces soutiens ne représentent plus que 30 % de l’EBE. »

Il poursuit : « La progression de l’EBE permet de diminuer le nombre d’années qu’il faudrait à un repreneur pour rembourser l’actif (courbe rouge). Dans le cas présent, le temps nécessaire n’est plus que 5 ans alors que l’actif au bilan a explosé à près de 2 M€ (graphe précédent), c’est plutôt encourageant. Malgré les investissements, la rentabilité du système est là. »

Installation des jeunes : un impact positif

L’installation des deux fils a impacté positivement l’exploitation, participant à son développement, avec notamment :

– la réorganisation du travail et des responsabilités

– l’augmentation du temps libre

– la baisse de la charge de travail et mentale

– la constitution d’un grand collectif, moins fragile face aux aléas de santé

– la modernisation des équipements

– l’amélioration des performances économiques et de la rentabilité (les producteurs ont du revenu disponible malgré les investissements)

« On peut être optimiste pour l’avenir de l’exploitation, mais aussi de la filière », conclut Frédéric Démarest.

Le bémol : « la prise de risque est quand même importante au niveau des investissements avec un taux d’endettement élevé. »

Le conseiller alerte sur un point d’attention pour l’avenir, trois des membres de la société ayant plus de 55 ans. « Il faut commencer à réfléchir au renouvellement des générations car les Gaec familiaux ont parfois du mal à trouver de nouveaux associés, surtout hors de la famille », conseille-t-il.