En 2025, les marchés agricoles face aux aléas météo et Trump
AFP le 01/01/2025 à 04:55
Après une année 2024 « déprimante » pour les prix du blé, maïs ou soja, 2025 s'annonce incertaine, soumise aux aléas climatiques et aux orientations de la politique douanière américaine que choisira d'imposer Donald Trump.
Après l’invasion russe de l’Ukraine et la flambée consécutive des cours des engrais, du blé ou du tournesol, les prix mondiaux ont reflué. Fin 2024, l’enjeu géopolitique s’est largement effacé au profit d’un « retour des fondamentaux » animant les marchés agricoles: la météo et les taxes, relève Gautier Le Molgat, PDG d’Argus Media France.
Position dominante du blé mer Noire
« Le marché s’est habitué au conflit russo-ukrainien, les primes de risque se sont dégonflées » et le prix de la céréale du pain « s’est détendu », souligne l’analyste.
On a vu, parallèlement, s’amorcer le retour de l’angoisse climatique comme facteur déterminant du marché : le pic des prix du blé en mai, la plus forte variation de l’année, « était essentiellement lié à des craintes pour la future récolte russe », après des épisodes de gels et de sécheresse dans les plaines de la Volga et du sud, pour Gautier Le Molgat.
La récolte 2024 de blé a marqué le repli de la production en Europe de l’Ouest et notamment en France, où la moisson a chuté de près de 30 % du fait de l’excès d’eau et du manque l’ensoleillement.
Cette baisse de la production française « a contribué au renforcement de la position dominante des blés originaires de la mer Noire (russes, ukrainiens, roumains), qui ont largement compensé la baisse de l’offre ouest-européenne sur la scène internationale », rappelle Gautier Le Molgat.
2025 va donc s’ouvrir sur une « note un peu tendue » estime-t-il, avec « des stocks de blé plus faibles chez les grands exportateurs », Russie en tête.
Le cabinet spécialiste de la Russie SovEcon voit les exportations russes de blé largement baisser dans les prochains mois, pour atteindre environ 43 millions de tonnes en 2024-25, contre plus de 55 millions de tonnes lors de la campagne précédente.
En attendant les récoltes, prometteuses, d’Australie et d’Argentine, le prix mondiaux du blé sont lestés par l’offre russe, abondante et peu chère.
C’est aussi l’abondance de la production de maïs et de soja aux Etats-Unis et celle attendue au Brésil, qui a pesé sur les prix, faisant dire à Arlan Suderman, de la plateforme de courtage StoneX, que 2024 « a été une année plutôt déprimante » pour les céréales comme pour les oléagineux.
La baisse des prix est notamment nourrie par une demande restée relativement modeste. Or, concernant le maïs et surtout le soja, « nous nous trouvons face à des stocks mondiaux records », ce qui devrait peser sur les prix, selon Dewey Strickler d’Ag Watch Market Advisors.
Demande incertaine de soja américain
Au-delà des conditions de culture et des aléas climatiques, les marchés seront particulièrement attentifs à l’arrivée de l’administration Trump en janvier.
Le républicain a fait des droits de douane la pierre angulaire de sa politique commerciale, évoquant l’imposition d’une surtaxe allant de 10 à 20 % sur l’ensemble des produits étrangers entrant aux Etats-Unis et promettant d’aller jusque 60 % pour ceux provenant de Chine – premier acheteur du soja américain.
Les opérateurs ont tous en mémoire la guerre commerciale entre Chine et Etats-Unis en 2018-19: en représailles à la hausse des taxes douanières américaines sur les importations chinoises (sur les panneaux solaires, l’acier, l’aluminium etc…), les Chinois s’étaient un temps détournés du soja américain.
Si le maïs américain pourrait être affecté par une hausse des droits douanes – et délaissé au profit du grain jaune brésilien -, c’est pour Arlan Suderman « le soja qui suscite le plus d’inquiétudes ».
Il voit notamment la Chine continuer à réduire ses achats de soja américain et juge la demande pour la graine américaine « très incertaine » en 2025.
L’enjeu majeur pour le maïs, dont plus d’un tiers de production américaine est convertie en bioéthanol, sera la politique choisie par la nouvelle administration concernant les agrocarburants. Les prix du grain sont notamment soutenus par le demande en éthanol.