Face au « flou artistique », 62 % des agris ne comptent pas appliquer les ZNT
TNC le 17/02/2020 à 09:04
C'est ce que révèle un sondage publié sur Terre-net et Web-agri entre le 4 et le 11 février 2020 (2 279 votants) : 61,8 % des agriculteurs indiquent qu'ils ne comptent pas mettre en place de zones de non-traitement à proximité des habitations pour les semis de printemps. Ils affichent leur désaccord face à cette mesure et dénoncent un manque de précisions quant à son application.
Comme plus de la moitié des agriculteurs, David Vallée, installé à Sonchamp, près de Rambouillet dans les Yvelines, ne compte pas appliquer les zones de non-traitement ce printemps : « vu le flou artistique, je vais faire comme d’habitude pour mes semis de betteraves. J’utilise des buses anti-dérive et je n’ai jamais eu de problèmes avec mes voisins, on en discute ensemble ». Avec deux parcelles concernées par les ZNT, il précise : « bien sûr, je suis conscient que cela peut être plus compliqué dans certains secteurs, plus urbanisés notamment ».
Lire aussi : Le décret sur les distances de non traitement près des habitations est publié
Des zones supplémentaires à entretenir…
La plupart des agriculteurs s’inquiètent surtout des problèmes d’adventices et/ou de prolifération des maladies avec ces zones non-traitées. « Si ces dernières se salissent, cela salit aussi les parcelles », ajoute Nadège Petit, agricultrice dans l’Eure. Installée depuis deux ans avec son mari, elle a déjà mis en place des bandes enherbées de 3 m le long des clôtures l’année dernière, avant tout pour des raisons de praticité avec les engins agricoles. « Les zones de non-traitement, je ne suis pas totalement contre, car il faut aussi aller dans le sens des riverains, témoigne l’agricultrice de l’Eure. Mais je ne suis pas complètement pour non plus, cela représente des surfaces supplémentaires à entretenir ».
« Et si on les laisse en bandes enherbées, cela va devenir de véritables dépotoires », ajoute David Vallée. Ces ZNT « sont-elles vraiment la bonne solution ? Pourquoi ne pas aider plutôt les agriculteurs financièrement pour implanter des haies entre les parcelles et les zones d’habitations par exemple ? », suggère Nadège Petit. D’un point de vue financier, c’est « une partie de la récolte amputée avec ces ZNT », alors que « le prix de la terre (en location ou en propriété), lui, reste le même pour l’ensemble de la parcelle », précise Sébastien Delva, polyculteur-éleveur laitier dans le Nord, contre cette mesure.
Avant là, il y avait
— GUYOT Vincent (@GuyotVincent02) February 6, 2020
– les lapins,
– l’ombre des haies …
Donc pas grand chose … à récolter
Demain, il y aura
– une #ZNT , zone non traitée …
Donc, il n’y aura plus rien … à récolter !!!
Pauvre 🇫🇷🇫🇷🇫🇷, mais que fais-tu de tes #AgricultureS et à tes #AgriculteurS ??? pic.twitter.com/XyuNIUhVcb
Au 01/01/20 : Grâce aux #ZNT, 1,2% de ma surface sera improductive et me coûtera davantage en entretien… lorsque tous les employés profiterons d’une hausse de 1,2% sur leur salaire.
— GarsdH (@garsdherault) December 21, 2019
Un espoir avec les chartes ?
Ces ZNT provoquent un fort mécontentement chez les agriculteurs, ont rappelé les syndicalistes à Emmanuel Macron mardi. Ceux-ci mettent alors tous leurs espoirs dans la possibilité de négocier des dérogations via l’adoption de chartes d’engagement départementales entre agriculteurs et riverains sous l’égide des préfets. Dans les Yvelines, « des chartes ont été réalisées, mais il faut qu’on les reprenne, elles sont apparemment mal rédigées », indique David Vallée, qui reste dans l’attente d’informations supplémentaires. Il est impatient de lire le rapport de l’Anses « afin d’avoir une vraie base de discussion, aujourd’hui on parle dans le vent ! » Et ce climat ne fait que « favoriser les tensions et diviser la population », poursuit l’agriculteur.
Mi-janvier, la FNSEA et JA avaient appelé à un blocage des stations d’épuration pour appuyer leur demande de moratoire. Dans un courrier à son réseau, la FNSEA a finalement suspendu cet appel national mardi, suite à la publication d’une instruction par les pouvoirs publics aux préfets. « Si la FNSEA reconnaît quelques avancées, elle n’a pas été entendue par le Gouvernement sur l’ensemble du dossier. Rien n’est tranché sur la question de la réciprocité en matière d’urbanisme, sur les futures constructions. […] Rien non plus sur le volet de la compensation économique ».
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« Nous sommes prêts à adapter nos pratiques. Nous sommes là pour nourrir la population et produire des produits sains et de qualité, mais pas d’accord pour « se faire taper dessus » sans fondement. […] Expliquer notre métier est devenu une nécessité ». Un constat partagé par Nadège Petit : « à nous, agriculteurs, d’expliquer pourquoi nous traitons, de montrer qu’on réalise les traitements dans des conditions optimales pour utiliser le moins de produits phytosanitaires possibles, etc ». Attachée à la communication positive, l’agricultrice se donne notamment cette mission sur les réseaux sociaux.
🔔Vous aussi vous croisez des agriculteurs aux 4 coins des champs ? « #Semis, travail du sol, labour, et #désherbage ! Pourquoi tous les #pulvérisateurs sont dans les champs en ce moment 🙄? Mes explications sur ce thread ⬇️! #FrAgTw #PourquoiJeTraiteMesCultures ? pic.twitter.com/MikUbMkRkm
— Nadège PETIT 👩🌾 (@agri_zoom) October 17, 2019
Quelles règles suivre ?
Si les règles restent floues, 38,1 % des agriculteurs comptent toutefois appliquer le décret pour les semis de printemps : soit en les cultivant sans traiter (22,9 %), soit sans les cultiver (15,2 %) (sondage Terre-net et Web-agri). Quelle est alors la marche à suivre ? Afin de préciser les conditions de déploiement de ce dispositif, les ministères de la transition écologique, de la santé, de l’économie et de l’agriculture ont communiqué une instruction aux préfets. Parmi les informations apportées : « les distances de sécurité s’appliquent aux bâtiments habités ainsi qu’aux lieux hébergeant des personnes vulnérables tels que définis à l’article L 253-7-1 du CRPM ». Les bâtiments habités comprennent : locaux affectés à l’habitation, logements d’étudiants, résidences universitaires, chambres d’hôtes, gîtes ruraux, meublés de tourisme, centres de vacances… dès lors qu’ils sont régulièrement occupés ou fréquentés ». Des modalités particulières pourront être définies dans les chartes en cas « d’occupation irrégulière ou discontinue des bâtiments ».
À noter : « la zone à protéger est constituée de l’habitation et de la zone d’agrément attenante, et la distance s’établit à partir de la limite de propriété. Cependant, les chartes peuvent prévoir certains cas particuliers dans lesquels la distance ne s’établirait pas à partir de la limite de propriété, dès lors que la zone d’agrément n’est pas fréquentée régulièrement ».
Pour rappel, retrouvez les distances minimales entre les zones d’épandage et les zones d’habitation, applicables depuis le 1er janvier 2020 :
Dans quelles conditions adapter ces distances de sécurité ?
Pour cela, « l’utilisateur doit respecter toutes les dispositions prévues par la charte approuvée qui l’engagent. Il doit utiliser un matériel de réduction de la dérive au niveau d’efficacité conforme. […] La dernière version de la liste des matériels et des niveaux correspondants de réduction de la dérive a été publiée le 23 décembre 2019 (NS 2019-859) ». Une prochaine actualisation devrait permettre d’affiner la classification des matériels selon les seuils d’efficacité.
Pour le moment, aucune barrière physique n’est considérée comme moyen de réduire les distances de sécurité. « Des travaux sont toutefois engagés afin de définir les conditions dans lesquelles ces barrières pourraient être prises en compte […], après avis de l’Anses ».
Quels sont les traitements et produits concernés ?
Le respect des distances de sécurité concerne « les traitements des parties aériennes des plantes. […] Le semis de semences traitées, l’incorporation de granulés dans le sol, le badigeonnage et le trempage n’y sont pas soumis ». Tous les produits phytosanitaires sont concernés exceptés « ceux dont l’AMM ne comporte pas de distance de sécurité, les produits de biocontrôle qui figurent sur la liste établie par le ministre chargé de l’agriculture ainsi que les produits autorisés dans le cadre de l’agriculture biologique (produits listés dans le « Guide des produits de protection des cultures utilisables en Agriculture Biologique » de l’Inao). Les produits composés d’une substance de base ne sont pas des produits phytopharmaceutiques. Ils ne nécessitent pas d’AMM et il n’existe pas de liste pour ces produits ».
Ces différentes mesures nécessitent la mise en place des chartes pour lesquelles « une concertation s’effectue avec les riverains entrant dans le périmètre de la charte ou leurs représentants, ainsi que les associations de défense des intérêts collectifs des habitants dont le périmètre d’action géographique correspond à celui du projet de charte. Les maires des communes concernées et l’association des maires du département sont associés à la concertation. L’organisation à l’origine de la charte publie la charte issue de la concertation sur au moins un site internet dans un délai de 2 mois après la fin de la concertation ».
Retrouvez plus d’infos concernant les ZNT sur le site du ministère de l’agriculture.