Fermeture de la sucrerie de Souppes-sur-Loing : un « coup de massue » pour les planteurs
TNC le 17/01/2025 à 18:30
C’est par un courrier adressé aux planteurs le 10 janvier que Julien Ouvré, président-directeur général de la sucrerie de Souppes-sur-Loing a annoncé que son usine ne reprendrait pas son activité.
« La sucrerie Ouvré fils a fait face, en début de campagne 2024, à une panne entraînant son arrêt complet pendant 8 jours et une remise en route compliquée. Dans cette course contre la montre, son président-directeur général Julien Ouvré a dû prendre la décision de solliciter Cristal Union pour gérer la production de 6 000 ha de betteraves, répartis sur les sites de Corbeilles-en-Gâtinais, Pithiviers (Loiret) et Arcis-sur-Aube (Aube) », explique Jean-Philippe Garnot, secrétaire général de la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB).
Dans le même temps, la sucrerie a également été mise en cause après la détection d’une pollution au saccharose dans le canal de Loing. « Compte tenu de la situation de la trésorerie, de l’ampleur des coûts à engager pour les actions correctives liées à l’enquête administrative encore en cours et remettre en état de fonctionnement les installations, Julien Ouvré a dû se résoudre à jeter l’éponge. »
« On reste dans l’attente »
Cette décision est un « coup de massue » pour Bruno Lanneau, planteur installé à 10 km de la sucrerie. « On avait espoir que l’usine reprenne son activité. » Se définissant comme « un betteravier dans l’âme », il ne compte pas arrêter de produire de la betterave sur son exploitation.
Un accord de partenariat a d’ailleurs été conclu entre Ouvré fils et Cristal Union pour accompagner les 300 planteurs concernés vers cette coopérative en 2025. Des réunions d’informations ont été organisées cette semaine pour présenter les modalités du contrat de la prochaine campagne. « Nous avons la possibilité de nous engager en tant que coopérateur ou bien en tiers non associé (engagement annuel) », précise Bruno Lanneau.
« Tereos a également organisé des réunions locales auprès des planteurs. Chacun est à même de prendre sa décision, mais ce n’est pas anodin ! Ce sont deux structures coopératives, avec des fonctionnements différents de celui dont on avait l’habitude avec la structure familiale Ouvré. À l’heure qu’il est, on reste dans l’attente et à l’écoute de ce qu’on peut nous proposer », ajoute le producteur. « Nous attendons aussi le règlement de nos betteraves 2024, avec des échéances prévues au 31 janvier et au 28 février, ainsi que des compléments de prix qui doivent arriver en mars. »
Sur ce plan, la CGB a assuré son « extrême vigilance sur le respect des engagements pris par la sucrerie Ouvré quant au règlement des betteraves, qu’il s’agisse du solde de la récolte 2023 ou de la récolte 2024 ».
« Conséquence de crises successives de la filière »
Au-delà des raisons évoquées par la sucrerie Ouvré, le syndicat perçoit cette nouvelle fermeture de sucrerie « comme la conséquence des crises successives qu’a connues notre filière ces dernières années », comme il l’explique dans un communiqué du 16 janvier :
– « crise économique avec la fin des quotas sucriers de 2017 et l’effondrement des prix du sucre et des betteraves » ;
– « crise sanitaire de la jaunisse en 2020, conséquence de l’interdiction franco-française des néonicotinoïdes, avec près de 70 % de la récolte betteravière perdue en Ile-de-France et une très forte baisse de production pour cette entreprise, pénalisant lourdement sa capacité d’investissement » ;
– « afflux massif d’importations de sucre ukrainien sur le marché européen dont le prix a été divisé par deux depuis fin 2023 ».
« C’est la sixième fermeture de sucrerie en France depuis 2019 (Cagny (14), Eppeville (80), Bourdon (63), Toury (28) et Escaudœuvres (59)) — soit quasiment une sur quatre – avec à chaque fois des conséquences sur l’emploi et l’activité économique des territoires concernés. »
« L’arrêt définitif de la sucrerie de Souppes-sur-Loing est également un très mauvais signal dans le schéma de la concurrence, note Jean-Philippe Garnot. Ouvré faisait partie des meilleures rémunérations de France pour les betteraves sucrières et les pulpes, et avait donc tendance à pousser tout le secteur vers le haut. »
Les surfaces de betteraves sont passées de 480 000 ha en 2017 sur le territoire hexagonal après la disparition des quotas, à 411 800 ha en 2024.