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Témoignage

Guy-Noel Verdot vient de vivre sa dernière moisson avant la retraite


TNC le 26/07/2019 à 12:19
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Guy-Noel Verdot, polyculteur-éleveur en Côte-d'Or, vient de terminer la dernière moisson de sa carrière. (©Guy-Noel Verdot)

Pour Guy-Noel Verdot, agriculteur en Côte-d'Or, la moisson 2019 était la dernière avant la retraite à la fin de l'année, même s'il ne réalise pas trop encore. Que de souvenirs et d'anecdotes à raconter en plus de 40 ans de carrière, entre les sécheresses, les excès d'eau, la grêle, les cultures gelées, les pannes, les incendies... Et que d'évolutions, au niveau du matériel surtout mais aussi en termes d'organisation des chantiers, la main-d'oeuvre disponible dans les exploitations étant souvent suffisante là où tous les bras volontaires étaient les bienvenus il y a quelques décennies. Pour la moisson 2020, Guy-Noel passe le flambeau à son fils, mais lui prêtera volontiers main forte.

Guy-Noel Verdot est soulagé. Il vient de terminer sa moisson, la dernière, puisqu’il prend sa retraite à la fin de l’année. Et elle n’a pas été de tout repos, c’est le moins que l’on puisse dire. Si les résultats sont bons en blé et en orge, des cultures ont été grêlées et d’autres ont subi des dégâts de gibier. En plus, la qualité des orges de brasserie n’est pas terrible, les rendements non plus en colza, même s’ils sont meilleurs que la moyenne de la zone grâce au semis direct. Il a fallu faire venir les experts et batailler pour que les pertes soient indemnisées.

L’agriculteur aurait préféré vivre une dernière moisson un peu tranquille, d’autant qu’il élève aussi une centaine de vaches laitières ! Mais en un peu plus de 40 ans, elles ont été plutôt rares d’où de nombreuses anecdotes à raconter, dès sa première moisson d’ailleurs puisqu’il s’est installé en… 1976 ! La boucle est bouclée : Guy-Noel a commencé sa carrière comme il l’a termine, avec la canicule et la sécheresse. « Le rendement moyen de ma première récolte : 10 q/ha !, s’exclame-t-il. Et pour nourrir les vaches, j’ai même dû couper avec mon père des branches d’arbre et des feuilles dans le bois le long duquel elles pâturaient. » L’année d’après, c’est l’inverse, la météo pluvieuse vient réduire le potentiel au départ élevé.

De nombreux aléas climatiques

Les premières moissons n’ont donc pas été plus simples que la dernière. « En 43 ans, seules trois-quatre se sont passées sans aucun souci, avec des niveaux de production satisfaisants dans toutes les cultures, confie le producteur qui s’est installé sur 140 ha et en cultive aujourd’hui 350. La ferme est située dans le nord de la Côte-d’Or, en zone intermédiaire sur le plateau châtillonnais à la limite de celui de Langres. Le climat y est semi-continental, avec des hivers froids et des étés chauds et secs, et les sols sont superficiels. C’est très rare de ne subir aucun accident climatique. Entre le blé, l’orge, le colza, le pois et le tournesol, il y a toujours une ou deux productions qui pèchent. »

Seules 3-4 moissons sans aucun souci en 43 ans

L’une des années les plus mémorables : 2003 bien sûr, avec son été caniculaire qui a fortement pénalisé les rendements. Puis, il y a eu aussi 2012 : en février, le gel a détruit les trois quarts des cultures, qu’il a fallu ressemer et en juillet, la grêle a ravagé 100 % des colzas. « Quand la moisson, l’aboutissement de toute une année, n’est pas à la hauteur du travail fourni, c’est une vraie déception », explique le producteur. Pour autant, il a toujours aimé innover, tester de nouvelles pratiques agricoles, comme lorsqu’il a adopté le semis direct puis l’agriculture de conservation pour « redonner de la vie au sol et limiter les traitements, avec bel et bien l’objectif derrière de produire ». « On ne réussit pas forcément du premier coup mais là, je l’accepte plus facilement. »

D’importantes évolutions au niveau des machines

Néanmoins, les nombreux souvenirs accumulés autour de la moisson par Guy-Noel Verdot au cours de sa vie professionnelle ne se limitent pas aux aléas météorologiques. L’agriculteur évoque également les évolutions importantes au niveau des machines. Car s’il a presque toujours connu les moissonneuses-batteuses automotrices, la première étant arrivée sur l’exploitation de ses parents en 1960 lorsqu’il était encore tout petit, il a effectué ses premières récoltes avec un modèle sans cabine, sous la chaleur et la poussière ! En 1985, il achète une moissonneuse qui en possède une, mais non climatisée, « ce qui n’est pas mieux ». « Il faut ouvrir sans cesse la porte pour aérer et la poussière s’engouffre à l’intérieur ».

À la même période, « une véritable révolution » fait son apparition dans les champs de céréales de Guy-Noel : la presse à balles rondes, qui allège considérablement la manutention par rapport aux petites bottes qu’il fallait charger à la main. « À mes débuts, le travail était très manuel, la moisson en mobilisait des bras ! Famille, amis, voisins, saisonniers de passage… tout le monde venait aider, c’était très convivial, se souvient-il. De nos jours, avec la mécanisation et des engins de plus en plus gros, la main-d’oeuvre de l’exploitation suffit dans la plupart des cas et cette convivialité a disparu, laissant même la place à un certain individualisme. Surtout dans les régions céréalières comme ici où chaque ferme a son propre matériel. »

Deux incendies qui l’ont marqué

C’est effrayant de voir la vitesse à laquelle les flammes se propagent

Si la modernisation de la moisson a nettement amélioré l’efficacité des chantiers (Guy-Noel Verdot bat 40 à 50 ha/j contre 10 à 15 ha il y a 20 ans, il faut dire que ses parcelles sont nettement plus grandes, 30-40 ha en moyenne, même si certaines se trouvent à 35 km, « ce qui n’est pas toujours simple à gérer ») et les conditions de travail, l’agriculteur est particulièrement impressionné par les automatismes de sa dernière moissonneuse-batteuse. « Avant, bien régler la machine, pour avoir des grains propres sans trop en perdre, était très compliqué. Maintenant, elle nous propose elle-même les réglages appropriés, fait remarquer l’exploitant qui en est à son cinquième modèle depuis son installation, tout en restant fidèle à une marque alors qu’il en a eu d’autres à l’essai. « Certaines « moissbat intelligentes » sont même capables d’évaluer la propreté du grain et d’ajuster automatiquement les réglages en conséquence, mieux que le chauffeur ! »

Il poursuit : « Quel plaisir d’être au commande de tels engins, on appuie sur un bouton et la coupe descend ou monte toute seule ! Auparavant, il fallait avoir toujours l’œil dessus et maintenir ce niveau de concentration 12 h d’affilée était très fatiguant ! Désormais, on ne sent plus les longues journées de travail et je peux même tweeter au volant », plaisante l’agriculteur assez actif sur ce réseau social. Il déplore cependant que le prix de ces automatismes soit si élevé.

Et si « l’électronique » se met à dysfonctionner, l’une des premières causes de panne aujourd’hui, le mécanicien vient avec son ordi et ne met presque plus les mains dans le cambouis. « L’autre jour, j’ai eu un pépin avec ma machine et le technicien n’a même pas eu besoin de se déplacer. Il a réglé le problème depuis son bureau à une trentaine de kilomètres ! » Des pannes, des courroies qui lâchent et des crevaisons généralement, Guy-Noel en a vécu plusieurs en 43 moissons, mais ce qui l’a davantage marqué ce sont les deux incendies causés par des organes défectueux ou en surchauffe. « C’est effrayant de voir la vitesse à laquelle les flammes se propagent, le temps avant que les pompiers n’interviennent paraît interminable. Heureusement, le feu a été vite maîtrisé les deux fois. »

Au tour du fils que prendre la relève

Que d’histoires à raconter pour Guy-Noel Verdot qui nous livre, au passage, son regard sur les changements observés au fil des moissons qu’il a réalisées. En 2019, son fils prendra seul les manettes de la Claas mais il n’est pas inquiet, la transmission des savoirs et savoir-faire s’est faite en douceur depuis 11 ans qu’il a rejoint, avec son épouse, son père et sa mère dans le Gaec familial. Lui et Guy-Noel se relaient déjà depuis longtemps pour conduire la moissonneuse. Et l’agriculteur ne devrait pas décrocher totalement, enfin pas tout de suite. Il donnera volontiers un coup de main au moment de la moisson, mais également des ensilages.

Ne pas se précipiter pour moissonner, laisser les plantes arriver à maturité

Et peut-être des conseils. « Aux jeunes qui s’installent, je recommanderais de ne pas se précipiter pour moissonner, de laisser la nature faire et les plantes arriver à maturité. Mais quand le blé est mûr, il faut stopper toutes les autres cultures pour lui donner la priorité car s’il pleut, la qualité baisse très vite. Récolter au bon moment est la principale difficulté de la moisson, ensuite, il n’y a plus qu’à conduire la moissonneuse. On se focalise sur une activité alors que le reste de l’année, on doit en mener plusieurs de front. »

Ce que je vais apprécier le plus, ne plus avoir de contraintes horaires

« Je ne réalise pas que je viens de finir ma dernière moisson, en tant qu’exploitant du moins, poursuit l’exploitant. Je ne vis pas cela comme un traumatisme. La transition va s’effectuer progressivement, je ne vais pas quitter la ferme du jour au lendemain. Ce que je vais apprécier le plus, c’est de ne plus avoir de contraintes horaires, 365 j sur 365 au « cul » de mes Brunes pour parler crûment. Je vais pouvoir me vider la tête, prendre du temps pour moi, profiter de mes petits-enfants, aménager la maison que j’ai construite, voyager. Je suis un hyperactif et il n’y a pas de raison que ça change à la retraite ! »