Idele veut « renforcer l’attractivité du métier pour pérenniser l’installation »
TNC le 09/01/2020 à 06:22
À l'heure où le renouvellement des générations en élevage devient de plus en plus difficile et où ce secteur, plus globalement, peine à trouver de la main-d'oeuvre, l'Institut de l'élevage Idele se penche sur ce qui semble expliquer principalement le manque d'attractivité du métier et le déficit d'image dont il souffre : la charge de travail et les contraintes liées aux productions animales. Objectif : mieux les prendre en compte dans les projets d'installation et même avant, dès la formation, afin d'optimiser un facteur de production aussi important que le cheptel ou le matériel : le bien-être au travail des éleveurs. Ne mérite-t-il pas en effet autant d'attention que celui des animaux ?
Dur physiquement, chronophage, répétitif, soumis aux aléas (sanitaires, climatiques, économiques…), peu rémunérateur, mal aimé de la société, pas moderne… avec une telle image, auprès du grand public et même souvent du monde agricole, le métier d’éleveur (ou de salarié en productions animales) peine à attirer des jeunes, qu’ils soient ou non du milieu. Certes celle-ci n’est pas totalement erronée, mais la réalité n’est pas si noire. Des leviers d’action existent pour limiter la pénibilité de certaines tâches et améliorer leur organisation (collectifs de travail, nouvelles technologies telles que la robotisation, le numérique…), d’autres sont en réflexion ou encore à inventer.
De nombreux organismes « travaillent » en effet sur cet enjeu majeur du travail en élevage, en général insuffisamment pris en compte dans l’élaboration des projets, d’installation notamment, pour répondre à celui tout aussi crucial du renouvellement des générations dans ce secteur. D’ailleurs, même si cette notion paraît parfois un peu abstraite et difficile à appréhender, les éleveurs eux-mêmes se soucient davantage du bien-être au travail, en particulier les jeunes. Ce, afin d’être en phase avec le reste de la population et parce qu’ils sont de plus en plus nombreux à ne pas être d’origine agricole et/ou à avoir exercé une autre profession auparavant.
Le saviez-vous ?Les agricultrices cherchent plus que les agriculteurs à :- améliorer l’ergonomie des outils pour diminuer la pénibilité des tâches,- faire appel à des collectifs de travail pour un meilleur équilibre vie pro/vie perso.Source : Gambino et al., 2012.
Le saviez-vous ?
Les agricultrices cherchent plus que les agriculteurs à :
– améliorer l’ergonomie des outils pour diminuer la pénibilité des tâches,
– faire appel à des collectifs de travail pour un meilleur équilibre vie pro/vie perso.
Source : Gambino et al., 2012.
« Beaucoup de jeunes ont la tête dans le guidon »
L’Institut de l’élevage Idele se penche sur ce sujet depuis de nombreuses années déjà comme l’explique Sandie Boudet, chargée de mission au service « approches sociales et travail en élevage ». Derrière ce titre générique, l’institut s’intéresse à la fois « à la charge, aux conditions et à l’organisation du travail ». Et, par conséquent, « à la délégation, à la simplification et à la rationalisation des tâches à travers par exemple les collectifs de travail (association, salariat, service de remplacement, apprentissage) ». « Même si l’automatisation se développe de plus en plus, insiste-t-elle, elle ne remplacera jamais complètement l’homme. »
Cet article fait partie d’une série sur le travail en élevage, clé de réussite pour l’installation des jeunes éleveurs comme pour l’ensemble de leur carrière, à paraître au fil des semaines qui viennent sur Agri Mutuel.
« Les conditions de travail sont l’un des principaux facteurs d’attractivité du métier d’éleveur, poursuit la chargée de mission. Beaucoup de jeunes qui se lancent ont la tête dans le guidon et se sentent invincibles. À plus ou moins brève échéance, certains se rendent compte que l’équilibre vie pro/vie perso n’est pas simple, d’autres rencontrent des problèmes de santé. Quelques-uns décident même de changer de profession. Travailler sur cette thématique, c’est donc faire en sorte que les installations en élevage soient plus pérennes. »
Se poser les bonnes questions
D’autant que plusieurs moments sont propices pour l’aborder, avant de s’installer et même après : pendant la formation initiale, le montage du projet (le travail intervient dans le choix des productions, du système, de la taille de la structure, des équipements…), en particulier lors du stage préparatoire à l’installation et du stage six mois ; puis durant les premières années d’activité, voire tout au long de la carrière lorsque par exemple on investit dans un nouveau bâtiment ou matériel, fait évoluer le collectif de travail ou en cas de dysfonctionnement observé au sein de l’exploitation.
En amont de la reprise/création d’une ferme, l’Idele propose la méthode Épi travail qui permet, aux candidats « de se poser les bonnes questions et d’anticiper, à l’aide de calendriers, les travaux à effectuer à l’échelle de l’année et/ou en périodes de pointe ». Et comme « il n’est jamais trop tard pour s’interroger sur sa manière de travailler », l’organisme est en train de concevoir un outil, Déclic travail, « d’auto-diagnostic en ligne grâce auquel les éleveurs pourraient identifier en quelques clics les facteurs de risque sur leur ferme et consulter ensuite des fiches proposant des pistes d’amélioration ».
Lire aussi : Damien, éleveur : « Tester le métier, le projet et l’entente avec les associés »
L’importance de la communication
L’Institut de l’élevage n’est pas le seul à se préoccuper du travail en élevage, constate avec satisfaction Sandie Boudet, d’où une meilleure prise en compte de cette problématique sur le terrain, par les éleveurs et futurs éleveurs entre autres. « Via une communication efficace, ce sujet devient de moins en moins tabou. » La jeune femme fait référence, en particulier, à la plateforme internet www.devenir-eleveur.com lancée il y a bientôt trois ans par la Confédération nationale de l’élevage (CNE) avec, pour objectif, de diffuser des messages positifs sur le métier auprès des candidats potentiels, en mettant en avant son côté moderne, la liberté d’entreprendre, etc. Ainsi, sur le site web, un onglet entier, intitulé « S’épanouir », est dédié aux solutions pour « bien vivre le métier d’éleveur ».
Sandie met également en avant le rôle des réseaux sociaux, très appréciés des jeunes, où de plus en plus de producteurs parlent de leurs pratiques, de leurs équipements et de leurs astuces pour faciliter leur quotidien, avec photos et vidéos à l’appui. Une « excellente façon de démocratiser le sujet », notamment auprès des citadins, selon elle.
Cette dernière rappelle cependant que plusieurs paramètres jouent sur l’attractivité du métier d’éleveur comme l’image, les conditions d’exercice de cette profession autre que le travail évoqué ici (tel que le revenu par exemple) ou encore les modalités d’accès (foncier, financement, etc.). « Trois piliers » tout aussi essentiels pour « favoriser le renouvellement des générations » en élevage et plus largement en agriculture. Soulignons enfin que ces questions de travail en élevage et d’attractivité du métier ne concernent pas que les éleveurs et les organismes de recherche et de conseil, mais doivent mobiliser l’ensemble de la filière jusqu’aux transformateurs, distributeurs et même consommateurs, et les pouvoirs publics également. C’est pourquoi elles ont fait l’objet de débats lors des États généraux de l’alimentation.