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La Cour des comptes juge insuffisant le déploiement de l’innovation agricole


TNC le 24/02/2025 à 17:22
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Pour la Cour des comptes, les politiques publiques de soutien à l'innovation agricoles n'ont que partiellement atteint leurs objectifs. (© Adobe Stock, @MrAshi)

Si l’État a mis en œuvre des moyens conséquents pour soutenir l’innovation dans les exploitations agricoles, les politiques publiques ne répondent qu’en partie à la diversité des besoins en matière de conseil et de formation, et ne permettent pas une appropriation suffisamment massive des nouvelles techniques favorables à la transition agroécologique, estime un rapport de la Cour des comptes, publié ce 24 février.

Entre 2018-2023, environ 6,7 Md€ ont été engagés par l’État pour soutenir l’innovation en agriculture, soit plus de 1 Md€ par an, estime la Cour des comptes dans son rapport sur l’innovation en matière agricole. Si l’innovation a toujours constitué un moteur du développement agricole et rural, et qu’elle reste un des leviers prioritaires de la troisième révolution agricole, les politiques publiques en la matière sont aujourd’hui incomplètes et ne permettent pas d’accélérer suffisamment la transition agroécologique.

Une adoption des innovations limitée par des freins financiers et structurels

Si la Cour des comptes conclut que l’écrasante majorité des agriculteurs – 86 % — intègre régulièrement des innovations, aucune de ces dernières n’est adoptée de façon massive. Par exemple, « les méthodes de substitution aux produits phytosanitaires sont les plus adoptées, mais ne dépassent pas 50 % des répondants », souligne le résumé du rapport.

Ces chiffres s’expliquent notamment parce que l’exploitant doit supporter seul l’essentiel du risque de l’innovation, avec « un retour sur investissement long et incertain ». « C’est pourquoi, plus une innovation s’écarte des standards, moins elle a de chance d’être adoptée », estime la Cour des comptes, qui indique que pour 71 % des agriculteurs qu’elle a interrogés, les principaux freins au changement sont financiers.

Au-delà de l’aspect individuel, les filières ne favorisent pas non plus l’innovation. « En effet, l’adoption des innovations qui rompent avec les modèles productifs dominants se heurte aux stratégies économiques des acteurs des filières, dont dépendent les exploitants. Leurs choix sont ainsi contraints par les fournisseurs d’intrants ou d’agroéquipements en amont et par la préservation de leurs débouchés commerciaux à l’aval », rappelle la Cour des comptes.

Face à cela, les agriculteurs ont des difficultés à accéder aux aides publiques qui s’insèrent dans un dispositif complexe « d’appels à projets, de guichets et de conditions d’éligibilité disparates ». La faible articulation de ces derniers, ajoutée aux freins structurels au sein des filières, rend nécessaire une stratégie d’ensemble « sur le segment de l’appropriation ». En attendant, « les résultats de la politique publique sont en deçà des objectifs », note la Cour des comptes.

Une réponse trop partielle aux besoins de formation

La diffusion de l’innovation souffre également de certaines faiblesses : les offres de formation n’intègrent pas suffisamment la part croissante d’agriculteurs non issus du milieu agricole, aux besoins différents, le conseil stratégique ou global s’avère trop peu développé, et les agriculteurs ne savent pas toujours où trouver les sources d’information fiables sur les innovations les plus récentes.

En parallèle, « bien que les acteurs du conseil jouent un rôle essentiel dans le processus de diffusion de l’innovation, la politique publique n’incite pas assez les agriculteurs à recourir régulièrement à leurs services, par exemple au moment de l’installation des agriculteurs », souligne la Cour des comptes. Ceux qui ont recours à ce conseil montrent en revanche un taux de satisfaction élevé (90 % des sondés).

Un soutien efficace à l’Agritech française

En revanche, les financements de l’État, à hauteur de 2,4 milliards d’euros sur la période, pour soutenir l’Agritech française ont permis au secteur de maintenir son rang au niveau international, souligne la Cour des comptes. « Les solutions développées sont en phase avec les objectifs de la politique d’innovation agricole », indique le rapport, tout en constatant que « trop peu de nouvelles grandes entreprises émergent ». Plusieurs freins subsistent en effet, comme la faible valorisation économique des innovations, accès compliqué des entreprises innovantes à l’expérimentation, ou encore les difficultés d’accès aux marchés cibles.

Sept recommandations pour améliorer le soutien public à l’innovation

Suite à ces constats, la Cour des comptes propose plusieurs leviers d’amélioration. Tout d’abord, adapter le crédit impôt recherche, le crédit d’impôt innovation et le statut de jeune entreprise innovante aux spécificités du secteur agricole.

Le rapport propose aussi de privilégier les mesures de type « système » sur le modèle des mesures agroenvironnementales et climatiques, avec une obligation de résultats, de définir les missions du réseau des chambres d’agriculture en matière de conseil à l’occasion du bilan du contrat d’objectifs et de performance.

Plusieurs mesures visent également à renforcer les entreprises innovantes (intégration dans les unités et réseaux mixtes technologiques, accès à l’expérimentation agricole des instituts techniques, des chambres d’agriculture et de l’Inrae, accompagnement sur les procédures de mise en marché).