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Ferme France

La difficulté d’installer et les appétits financiers menacent le modèle familial


TNC le 19/02/2020 à 10:12
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La superficie moyenne par exploitation agricole est passée d'une quarantaine d'hectares en 2000 à 65 hectares en moyenne en 2017, selon les dernières données disponibles de la MSA. (©Pixabay)

Si l'image d'Epinal de la petite ferme familiale a, à juste titre, du plomb dans l'aile, le modèle agricole français est toujours constitué à 90 % d'entreprises « à taille humaine ». Mais ce modèle est de plus en plus confronté à de multiples difficultés, au premier rang desquelles l'installation des jeunes et l'appétit des investisseurs.

Modèle dominant au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le modèle familial strict du couple avec enfants « ne représente plus que 20 % des exploitations », selon François Purseigle, sociologue et co-auteur du livre « Le nouveau capitalisme agricole, de la ferme à la firme » (Presses de Sciences Po). Ce modèle avait déjà commencé à muter au début des années 1960, avec la création des groupements agricoles d’exploitation en commun ( Gaec) qui permettaient aux personnes d’une même famille de s’associer, voire de faire entrer des personnes extérieures sur l’exploitation.

« Le modèle a bougé, (…) cette structure en Gaec a regroupé parfois plutôt des voisins pour une meilleure efficience dans le travail, un allègement des astreintes, notamment dans l’élevage », explique François Beaupère, éleveur de volailles et de vaches laitières dans le Maine-et-Loire et en charge du dossier de la préservation du foncier aux chambres d’agriculture. Si la structure a éclaté en diverses formes d’organisation, les modèles proches du modèle familial représentent encore 90 % des exploitations, selon François Purseigle.

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« À l’autre bout, on a une espèce d’agriculture de firme, des montages sociétaires, où on a une holding financière, dont on ne connaît pas l’origine des capitaux, (…), ça manque un peu de transparence », explique François Beaupère. Ces « firmes » ne représentent que 10 % des exploitations, mais concentrent 28 % de l’emploi et 30 % de la production brute standard du secteur agricole, selon le programme Agrifirme, financé par l’Agence nationale de la recherche. « Il y a des montages sociétaires qui permettent de défiscaliser et qui mettent une concurrence déloyale sur le marché », déplore dans un entretien à l’AFP Emmanuel Hyest, président de la fédération FNSafer, en charge de la mise en place des politiques publiques pour le foncier agricole.  « La difficulté, c’est qu’on privilégie les montages avec des niveaux de financement de ces exploitations qui sont trop chers par rapport à ce que peuvent mettre des jeunes ».

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Loi foncière, l’Arlésienne

« Il n’y a pas si longtemps, des exploitations de 500 à 1 000 hectares, il y en avait quelques unes par département. Aujourd’hui, il y en a au moins une par canton, voire plus, et le phénomène s’accentue », affirme Emmanuel Hyest. Si le phénomène était à l’origine concentré dans les régions céréalières du nord du pays, « aujourd’hui, tous les territoires français, y compris les zones d’élevage », sont concernés. « On ne peut pas nier le fait qu’il y ait des investisseurs, mais les premiers à racheter des fermes, ce sont les agriculteurs eux-mêmes », renchérit François Purseigle. Sur un million d’hectares qui se libèrent chaque année, suite à des cessations de fermes ou des départs à la retraite, « vous avez 400 000 hectares qui partent à la concentration », 500 000 hectares où s’installent de jeunes agriculteurs, et 100 000 hectares d’urbanisation, détaille-t-il. Témoin de cette tendance : la superficie moyenne par exploitation agricole est passée d’une quarantaine d’hectares en 2000 à 65 hectares en moyenne en 2017, selon les dernières données disponibles de la Mutualité sociale agricole (MSA).

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« Ce modèle à taille humaine qu’on souhaite maintenir en France (…) risque tout doucement de s’étioler, et pourquoi pas de disparaître dans 20 ans, dans 30 ans, et on ne souhaite pas ça », indique François Beaupère, appelant de ses vœux « une loi foncière » afin de « mieux contrôler, maîtriser ces montages » financiers.

L’obstacle à l’installation des descendants d’agriculteurs est parfois la famille elle-même, souligne François Purseigle : « on préfère préserver la ferme pour venir y passer des vacances qu’y voir installé quelqu’un ». Il estime que la loi foncière « ne pourra pas entraver un changement de préférence dans les familles », compte tenu de la « sacro-sainte propriété individuelle ». Emmanuel Hyest y voit pourtant un outil pour « maintenir un modèle de société, avec des agriculteurs qui sont des entrepreneurs et vivent sur les territoires ruraux ». Il espère que le président Macron, qui avait promis cette loi pour « faciliter l’accès au foncier » pour les jeunes agriculteurs, réaffirmera samedi, à l’ouverture du Salon de l’agriculture, sa volonté de concrétiser cette intention.

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