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La ferme France, une géante défiée sur tous les fronts


AFP le 17/02/2025 à 09:42

La France reste la première puissance agricole européenne mais après une année 2024 catastrophique, y compris pour les céréales et le vin, habituels moteurs, rares sont les voyants encore au vert.

La moitié des 496 000 chefs d’exploitation et coexploitants recensés en 2020 atteindront ou dépasseront l’âge de la retraite d’ici 2030. Et au problème du non-renouvellement des générations s’ajoutent la multiplication des intempéries, des sécheresses et des épizooties, et l’instabilité géopolitique.

Le solde agricole, c’est-à-dire l’équilibre entre les exportations et les importations de produits agricoles bruts, et celui des produits agroalimentaires, sont restés excédentaires en 2024, mais ont tous deux chuté par rapport aux années précédentes, faisant craindre pour la souveraineté alimentaire française.

Le blé, roi malmené

Habituellement fleuron des exportations agricoles, le blé tendre est à la peine en 2024, après la pire récolte en 40 ans : la production de la céréale du pain a chuté à 25 millions de tonnes, contre 35 millions habituellement moissonnées, essentiellement dans les riches plaines de la Beauce et du Nord.

Alors qu’en 2022, la France avait exporté pour 11 milliards d’euros de céréales, dans un contexte de flambée des cours après l’invasion russe de l’Ukraine, l’euphorie est retombée face à la féroce concurrence de la mer Noire.

En 2024, les exportations de céréales ont baissé de plus d’un milliard (à 6,6 milliards), du fait d’une baisse tant des prix (- 17 % pour l’orge et – 16 % pour le blé) que des volumes, selon les Douanes.

Côté fruits et légumes, la France continue d’importer plus de la moitié de sa consommation.

Vins et spiritueux en crise

Les exportations de vins et autres alcools ont reculé de 4 % en valeur en 2024, après – 6 % en 2023, même si les volumes se sont stabilisés. Le troisième excédent de la balance commerciale française (après l’aéronautique et les cosmétiques) « s’érode », constate le secteur, qui souffre du repli de l’économie chinoise, de l’inflation des coûts et plus structurellement du dérèglement climatique et de nouvelles préférences de consommation.

Les eaux-de-vie de vin, comme le cognac et l’armagnac, ont pâti aussi d’une hausse des droits douaniers chinois et le secteur viticole redoute des mesures similaires du gouvernement Trump. Tandis que plusieurs milliers de demandes d’aides à l’arrachage de vignes ont été déposées pour résorber la surproduction, procédures de sauvegarde et redressements judiciaires se multiplient.

Quant à la vendange 2024, elle accuse une baisse de 23 % sur un an, proche des volumes historiquement bas de 2017 et 2021, sous l’effet des intempéries. La France est ainsi repassée au 2e rang des producteurs mondiaux, derrière l’Italie.

Déclin accéléré des cheptels

Le pays compte le premier cheptel bovin de l’Union européenne (16,3 millions de têtes au 1er janvier 2024) mais celui-ci a décliné plus vite que les ovins et les caprins ces dernières années face au manque de bras et de revenus.

En 2024, les troupeaux ont été durement touchés par une recrudescence de la maladie hémorragique épizootique (MHE) et l’émergence d’un nouveau sérotype de la fièvre catarrhale ovine (FCO). Les pertes, difficiles à chiffrer, pourraient dépasser 10 % du cheptel de brebis.

Le secteur s’inquiète des conséquences sur la fertilité des bêtes et les naissances, divisées par deux dans certains élevages, et donc sur les exportations de viande – déjà largement déficitaires sauf pour le porc – mais aussi d’animaux vivants.

La grippe aviaire a largement épargné les élevages français de volailles grâce à la vaccination des canards cette année mais la production ne satisfait toujours qu’à moitié l’appétit des Français pour cette viande bon marché et dénuée d’interdit religieux, première contributrice au déficit commercial de la France sur la viande.

La pêche toujours en apnée

La France a beau être 3e au rang européen pour la pêche de poissons et crustacés (470 000 tonnes) et 2e pour l’aquaculture (180 000 tonnes), la pêche française reste minoritaire dans l’assiette des Français et contribue pour 5,1 milliards d’euros au déficit du commerce extérieur.

Le goût des Français, 4e plus gros consommateurs européens (avec 33,7 kg par habitant en 2022), pèse : au merlu ou à la sole, ils préfèrent le saumon et la crevette, deux espèces représentant plus d’un tiers des importations de poisson.