La filière entière menacée face à l’absence de solution
TNC le 08/07/2020 à 17:10
Alors que les planteurs de betteraves doivent faire face cette année à une pression pucerons inédite, les solutions alternatives aux néonicotinoïdes ont finalement prouvé leur inefficacité et les pertes de rendements s’annoncent colossales. La CGB alerte face à cette situation qui menace, à très court terme, la pérennité de la filière betteravière française.
« Oui, j’ai peur pour la filière betteravière française toute entière », a reconnu Franck Sander, président de la CGB, lors d’une conférence de presse organisée le 8 juillet pour faire le point sur les conséquences dramatiques de la jaunisse qui se propage sur le territoire. « La situation agronomique de nos champs se détériore très rapidement et est hors de contrôle, malgré tous les efforts appliqués par les agriculteurs pour lutter contre ce virus véhiculé par les pucerons », explique-t-il.
Dans les parcelles qui ont été touchées le plus tôt, au sud de l’Ile-de-France, l’atteinte est déjà supérieure à 60 %, et la situation empire de jour en jour. À terme, les territoires encore peu touchés, comme l’Alsace, risquent fort de connaître la même situation, prévient la CGB, désemparée par l’évolution rapide de la situation.
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Au minimum 100 M€ perdus par les planteurs
La jaunisse entraîne une incapacité de la plante à générer de la photosynthèse, avec au final des betteraves plus petites. « Aujourd’hui, on constate déjà – 30 % de poids sur les betteraves malades par rapport aux betteraves saines, et il reste trois mois avant la récolte, c’est très inquiétant », explique Pierre Rayé, directeur de la CGB. « Certaines situations individuelles seront dramatiques », ajoute-t-il, évoquant des pertes de rendement attendues jusqu’à 50 % et plus de 1 000 euros perdus à l’hectare pour certaines exploitations.
On s’achemine vers les plus faibles rendements depuis 15 ans, avec une prévision, pour le moment, à moins de 80 tonnes à 16°S par hectare, indique la CGB. Pour les 26 000 planteurs, la perte est chiffrée à 100 millions d’euros, soit 10 % du chiffre d’affaires des betteraviers. « Mais il est extrêmement probable que les prévisions se dégradent encore », prévient le directeur de la CGB. Pour l’aval de la filière, des pertes sont également à prévoir du fait d’une moindre quantité de betteraves à transformer, avec un risque de fermetures d’usines (après plusieurs fermetures l’année dernière) et des restructurations.
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Un « non-sens environnemental »
Pour la CGB, la situation est d’autant plus préoccupante qu’il n’existe, à ce jour, aucune solution efficace pour lutter contre les pucerons depuis l’interdiction en 2018 des néonicotinoïdes. Les planteurs ont réalisé deux à quatre traitements par parcelle, « à contrecœur », précise Pierre Rayé, ce qui a entraîné un surcoût de 80 € par hectare, dans un contexte économique déjà peu favorable. « Pour nous, c’est un non-sens environnemental », regrette Franck Sander, puisque si les néonicotinoïdes avaient été interdits en raison, notamment, de leurs effets négatifs sur les abeilles, la culture de la betterave ne produit ni fleurs, ni pollen. Les planteurs s’étaient de plus engagés à ne pas faire suivre la culture de la betterave par une culture mellifère.
« Il existe des solutions, la génétique est devant nous, mais il nous faut du temps, au minimum cinq ans », explique le président de la CGB, qui demande « une solution efficace de protection des cultures pour les semis 2021, en enrobage, car la société demande une réduction des passages en plein champ ». L’accélération de la recherche, via un soutien public renforcé, apparaît donc primordiale.
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La CGB demande également la mise en place d’un système d’indemnisation. « On nous avait promis qu’il n’y aurait pas d’interdiction sans solutions, or aujourd’hui nous n’avons aucune solution. Qui va payer ? » demande Franck Sander, qui regrette un débat trop politisé, rendant aujourd’hui difficile, pour les pouvoirs publics, de prendre une décision plus favorable aux betteraviers. Dans ce contexte, la nomination, promise, d’un délégué interministériel serait donc particulièrement bienvenue.
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