La tension risque de perdurer jusqu’au mois d’avril
TNC le 02/12/2021 à 18:00
Pour Adrian Urban, de la société chimique Yara, la demande en fertilisants azotés s’annonce excédentaire pour encore quelques mois, jouant sur les prix et les disponibilités.
« Au niveau international, le premier trimestre 2022 risque encore d’être dominé par une demande en urée excédentaire par rapport à l’offre, mais cela pourrait changer à partir du mois d’avril ». Ce sont les prévisions d’Adrian Urban, prestataire de services agricoles et responsable du développement commercial pour la société Yara. Le 1 er décembre, il était invité à répondre à la question « Où vont les marchés des engrais ? » au séminaire Live Horsch.
L’expert est revenu sur la baisse des disponibilités en engrais azotés sur le marché européen depuis plusieurs mois, responsable de la flambée des cours.
Une semaine de hausse constante des engrais azotés avec peut être + 25% du coût /u. Les prix ont doublé en un an et cela va peser sur les charges des agriculteurs. Prix Uree: record historique battu pic.twitter.com/yfPHloVGOF
— Sacré (@SacreCyril_laur) September 22, 2021
Les causes sont multiples. Il évoque la hausse des prix de l’énergie sur le marché européen. Le gaz naturel, nécessaire à la production de l’ammoniac utilisé pour fabriquer les engrais azotés, a vu « ses prix flamber depuis début 2021, en l’absence d’un marché régulé de l’énergie en Europe ». Pour autant, il nuance : « il n’y a pas toujours de corrélation entre coût du gaz et coût des engrais ; ce sont essentiellement l’offre et la demande qui influencent les prix ».
Les prix des céréales boostent la demande en engrais
Et la demande est bien là, boostée par la hausse des cours des céréales : « les niveaux de prix élevés rendent la production de céréales très intéressante pour les agriculteurs au niveau mondial. Cela a mené à une explosion des cotations de l’urée depuis janvier ».
En face, l’offre est limitée, avec notamment de faibles stocks chez les pays producteurs, des restrictions à l’export par les pays exportateurs (Chine, Russie) et une réduction des capacités de production en Europe.
Adrian Urban ajoute à ces facteurs la hausse des coût du fret, sachant que « 30 % de la demande de l’Union en européenne en engrais azotés doit être importée ». Sans oublier la faiblesse actuelle de l’euro par rapport au dollar : « si on veut acheter de l’engrais minéral sur le marché international, c’est plus cher », résume le spécialiste.
« Cela vaut-il le coup de fertiliser ? »
D’après les données du mois de novembre, il s’attend à une demande encore importante à court terme en engrais azotés, surtout en urée, et à des prix élevés. Dès lors, « cela vaut-il le coup de fertiliser ? C’est une question qu’on nous pose beaucoup en ce moment », note le consultant.
Pour y répondre, il s’appuie sur un essai mené chaque année par Yara depuis 2010 pour comparer les coûts de fertilisation et prix de revient entre une parcelle de blé dont les besoins en azote sont couverts à 100 %, et une parcelle où ils sont couverts à seulement 80 %.
« Sur l’hypothèse d’un blé d’hiver à 220 €/t et d’un apport en ammonitrates à 700 €/t, la fertilisation azotée vaut le coup » : réduire l’apport de 20 % fait économiser 90,7 €/ha mais rabote le prix de vente du blé de 103,4 €/ha. Par contre, prévient l’expert, réduire la fertilisation pourra devenir intéressant si l’ammonitrate dépasse les 800 €/t.
Quelle stratégie adopter cette année ?
Pour répartir le risque, Adrian Urban préconise de fractionner les achats d’engrais minéraux : « trois, voire quatre achats pendant la campagne ».
C’est évidemment mieux si la première tranche d’achat a déjà eu lieu cet l’été, avant récolte : « acheter en amont et stocker à la ferme permet de réagir rapidement ». À ceux qui ne sont pas encore couverts, il suggère de commander maintenant malgré les prix élevés, de façon à être livrés avant février.
Il recommande aux agriculteurs d’évaluer précisément dans quelle mesure il est possible de réduire les apports en engrais minéraux sur leurs cultures, tout en restant efficace : « Certaines cultures ont besoin de moins d’azote et peuvent permettre de faire des économies, comme le maïs et la betterave. Pour d’autres, comme le blé, c’est plus compliqué de s’en passer ».
Pour suivre les évolutions des cours des matières premières agricoles, rendez-vous sur les cotations Agri Mutuel.