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L’AGPB alerte sur une « véritable liquidation de l’agriculture française »


TNC le 05/09/2024 à 14:55
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Eric Thirouin (au centre), président de l'AGPB, demande un cap politique fort pour stopper le déclin de la production céréalière française. (© TNC)

Après la moisson catastrophique de l’été, il manquerait, selon les céréaliers, entre 50 000 et 100 000 euros par exploitation. Si les pouvoirs publics sont appelés à contribution pour apporter des solutions urgentes, l’AGPB dénonce également une chute structurelle de la production, liée à des réglementations, des restrictions et des interdictions qui pèsent de plus en plus sur la profession et fragilisent les moyens de production.

La France n’avait plus connu d’aussi mauvaise récolte de blé tendre depuis 1983, avec 25,98 Mt estimées aujourd’hui, et un rendement de 62 q/ha (contre 74 q/ha l’année dernière). Si les mauvaises années sont partie intégrante du métier d’agriculteur, 2024 vient cependant conforter « une tendance plus qu’inquiétante depuis 10 ans », alerte Eric Thirouin, président de l’AGPB, ce 5 septembre.

Depuis 2015, les volumes sont en effet globalement en diminution, signe d’une chute plus structurelle et, pour le céréalier, résultat « d’une véritable liquidation planifiée de l’agriculture française ». « De plus en plus de réglementations, de restrictions, d’interdictions pleuvent sans arrêt sur nous tous depuis plus de vingt ans et fragilisent nos moyens de production », dénonce-t-il, citant également « des injonctions ubuesques » et contradictoires qui pèsent sur la profession agricole. Les interdictions de produits phytosanitaires sans alternatives, les freins sur le stockage de l’eau ou sur les NBT contribuent ainsi à un décrochage qui se poursuit, en volume et en surfaces. « En 10 ans, on a perdu 1 million d’hectares de céréales », ajoute Eric Thirouin.

Des trésoreries exsangues

La situation est d’autant plus critique que les céréaliers font face à des coûts de production en hausse constante, que les prix bas ne compensent pas. Un « effet ciseau » qui s’observe pour la deuxième année consécutive, rappelle Eric Thirouin.  

Selon l’AGPB, il manquerait aujourd’hui entre 50 000 et 100 000 euros par exploitation : avec un coût de production de 264 €/t (une fois enlevées les aides Pac), et un prix payé à l’agriculteur de 175 €/t, le déficit est ainsi de 550 €/ha, pour des fermes céréalières moyennes de 130-150 ha.

L’assurance récolte, qui sera activée pour la première fois depuis la réforme entrée en vigueur en 2023, ne devrait pas compenser grand-chose puisque compte tenu de la franchise (20 ou 25 %), « on est juste au niveau où l’assurance MRC commence à jouer », explique Philippe Heusèle, secrétaire général de l’AGPB.

Face à cela, « on demande très clairement l’activation d’un PGE (prêt garanti par l’Etat) en urgence pour l’ensemble des exploitations agricoles qui en ont besoin », rappelle le président du syndicat. Des demandes de mesures fiscales et d’allègement des charges sont également en cours, mais nécessitent des fonds d’Etat et donc un gouvernement. « Plus les jours passent, plus la pérennité des exploitations et de notre filière est menacée », ajoute-t-il, insistant sur l’urgence d’une vision politique renouvelée pour le secteur agricole.

Des céréaliers qui pourraient bien « jeter l’éponge »

Face à ces difficultés croissantes, les producteurs de céréales interrogés dans le cadre du baromètre réalisé par l’AGPB se disent, à 47,90 %, « préoccupés par les impasses techniques et agronomiques liées aux réglementations », inquiets, pour 40,10 %, de l’évolution des cours, et pour 31,50 %, du salissement des parcelles. « On a pu surmonter dans le passé des périodes difficiles, mais la situation n’est pas la même », explique Eric Thirouin pour qui beaucoup de collègues pourraient aujourd’hui avoir « envie de jeter l’éponge ». Et ce, d’autant plus que la mobilisation importante de l’hiver dernier est restée, dans les faits, sans réponse concrète.

« Avec l’agriculture française, c’est la stabilité de la France et de son rayonnement dans le monde dont il est question », rappelle Eric Thirouin. Un argument que l’AGPB saura rappeler au nouveau gouvernement, dont la vision pour l’agriculture sera, dans ce contexte, extrêmement attendue.