Le contrôle des chambres d’agriculture, autre enjeu des mobilisations agricoles
AFP le 17/12/2024 à 10:23
Les agriculteurs sont appelés à élire fin janvier leurs représentants aux chambres d'agriculture, un enjeu tant politique que financier pour les syndicats, entrés en campagne précoce.
Le syndicat historique FNSEA qui, avec son allié Jeunes agriculteurs (JA), détient aujourd’hui 97 chambres sur 101, voit son hégémonie vigoureusement contestée, en particulier par la Coordination rurale (CR).
Les chambres, rouage essentiel
Tous les six ans, les élections recomposent la direction des 88 chambres d’agriculture départementales et interdépartementales, auxquelles s’ajoutent 13 chambres régionales.
Créés en 1924, ces établissements publics ont participé à la transformation de l’agriculture au long du siècle, œuvrant à l’application des réformes, du remembrement des terres acté dès 1919 à la révolution mécanique et chimique en passant par les aides de la Pac. Leur rôle, « améliorer la performance économique, sociale et environnementale » des exploitations, selon le Code rural.
Concrètement, elles conseillent les exploitants, les informent des évolutions règlementaires, leur proposent des prestations rémunérées de formation et conseil. Elles assurent aussi des missions de service public comme la gestion de l’identification animale ou l’enregistrement des entreprises. En parallèle, les chambres régionales suivent les marchés agricoles, pilotent des programmes d’innovation. Au niveau national, Chambres d’agriculture France représente les intérêts agricoles auprès des pouvoirs publics.
L’ensemble dispose de 8 400 collaborateurs, pour un budget en 2023 de 950 millions d’euros tiré de la taxe sur le foncier non bâti, de prestations facturées et de contrats avec les pouvoirs publics.
Hégémonique FNSEA
En 2019, l’alliance FNSEA-JA avait obtenu 55,55 % des voix, lui permettant de diriger 97 chambres. La Coordination rurale (CR), née en 1991 d’une scission de la FNSEA, préside trois chambres (avec 21,5 % des voix en 2019) : Lot-et-Garonne depuis 2001, et depuis 2019 Vienne et Haute-Vienne. Avec 20 % des voix en 2019, la Confédération paysanne a une chambre, Mayotte.
En 2021, la Cour des comptes avait appelé à une « évolution » de la gouvernance des chambres d’agriculture afin de « favoriser la pluralité syndicale ». Le mode de scrutin favorise de fait le premier arrivé : la liste en tête obtient 9 sièges sur 18, l’autre moitié étant répartie à la proportionnelle entre toutes.
Cette domination s’inscrit dans un contexte général de prééminence de la FNSEA, l’ancien syndicat unique né en 1946 et resté l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics, lui valant d’être taxé de pratiquer la « cogestion ».
Dix jours de vote, un an de campagne
En 2025, les 2,2 millions d’inscrits (agriculteurs actifs ou retraités, salariés, propriétaires fonciers) auront du 15 au 31 janvier pour voter, en ligne ou par voie postale.
La campagne, elle, a démarré début 2024, en parallèle du mouvement de protestation du secteur. A l’approche du scrutin, elle se fait de plus en plus tendue sur le terrain entre CR et FNSEA.
La Confédération paysanne de son côté a appelé début décembre à instaurer la proportionnelle aux élections pour les chambres, « pour faire vivre la démocratie agricole ». En 2019, moins d’un agriculteur sur deux avait participé au scrutin.
Enjeu financier
Ce scrutin porte aussi un enjeu financier. À l’heure actuelle, 75 % des 14 millions d’euros du fonds alloué au financement des syndicats agricoles sont répartis en fonction du nombre de voix et 25 % selon le nombre de sièges.
Le gouvernement de Gabriel Attal avait envisagé de revoir cette clé de répartition, avec 50 % au nombre de voix et 50 % au nombre de sièges. Un projet vivement dénoncé par les syndicats minoritaires : la CR y aurait perdu 300 000 euros par an et la Confédération paysanne 500 000 euros, selon leurs estimations. Le projet a finalement été suspendu, au grand dam des FNSEA-JA.