Le foncier français reste bon marché à l’échelle européenne
TNC le 30/11/2023 à 05:09
Le projet Résilience for dairy s’est penché sur les modèles de transmission du foncier à l’échelle européenne. Prix abyssaux, inégalités de partage entre héritiers, division des exploitations… Au regard des transactions effectuées chez nos voisins, le système français apparaît presque résilient, voire bon marché.
« Le prix des terres en France reste abordable en comparaison à nos voisins européens », lance Valérie Brocard, chargée d’expérimentation à la ferme de Trévarez. Si cette affirmation peut surprendre tant les problématiques foncières animent les passions dans l’Hexagone, la France n’en demeure pas moins dans le bas du classement. Compter dans les 6 000 €/ha en 2018, contre 13 000 €/ha en Espagne, 23 000 €/ha au Royaume-Uni ou encore près de 70 000 €/ha aux Pays-Bas en 2018.
Et si d’aucuns objectent que les données Eurostat n’intègrent pas les dessous-de-table, pas-de-porte et autres bakchichs qui animent les transactions, Valérie Brocard répond que « ces magouilles existent dans tous les pays. L’essentiel, c’est de regarder la hiérarchie ». D’autant que le prix des terres connaît une grande variabilité selon les régions. Avec 10 000 €, vous pourrez acheter 0,8 ha dans le Nord, 2 ha dans le Morbihan ou encore 3 ha dans la Nièvre.
« Nos voisins nous voient comme un pays où la terre n’est pas chère », poursuit Valérie Brocard. Pourtant, le portage du foncier reste une problématique importante pour la transmission des exploitations. Dans ce contexte, le projet européen Résilience for dairy s’est intéressé aux modalités de transmission du capital chez nos voisins européens. Les disparités culturelles, comme réglementaires sont grandes.
Parmi les systèmes les plus proches du nôtre se trouve peut-être le système danois. Le partage est égalitaire entre héritiers et contrôlé par l’État. Le maintien de l’unité des l’exploitation est généralement assuré. Le transfert du capital se fait sous forme d’achat-vente avant succession (pour éviter les taxations) via crédits hypothécaires. La Belgique connaît également un système similaire.
Ailleurs en Europe, la valeur des terres, comme la culture, joue sur les modalités de transmissions. Dans les pays où le prix du foncier s’envole, le repreneur se voit généralement favorisé au détriment des cohéritiers.
Partage non-égalitaire
En Irlande, l’exploitation revient généralement à l’aîné. « Il obtient gratuitement la ferme. Ses frères et sœurs n’ont aucune compensation. Seule contrepartie : prendre en charge les parents durant leurs vieux jours », détaille Valérie Brocard. Même système au Royaume-Uni, où les libertés du donateur sont très grandes.
Si les systèmes allemands et néerlandais sont moins inégalitaires, les compensations sont souvent anecdotiques. Compter entre 30 et 75 % de la valeur de l’exploitation outre-Rhin. Les Hollandais ont quant à eux mis en place des montages juridiques pour contourner les obligations d’égalité entre cohéritiers, tant les niveaux de prix sont élevés.
Les monarchies font également bande à part. Au Royaume-Uni, un tiers des terres est encore aux mains des aristocrates. « Certains sont locataires de la famille royale depuis des générations », sourit Valérie Brocard. Le foncier y est certes peu morcelé, mais les échanges se font rares. Moins de 0,5 % de la SAU est sur le marché chaque année.
Division de l’exploitation
L’Europe du Sud semble davantage attachée à la notion d’égalité entre héritier. Pour répondre à cette problématique, les agriculteurs divisent généralement leurs exploitations, comme c’est le cas en Grèce, Italie, Espagne ou Portugal.