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Bien-être animal, substances chimiques

Le silence de Bruxelles inquiète


AFP le 25/09/2023 à 17:37

La Commission européenne présentera-t-elle cette année ses propositions sur le bien-être animal et l'encadrement des substances chimiques ? Des États, eurodéputés et ONG s'alarment de son extrême discrétion sur ces dossiers emblématiques à l'heure où s'intensifient les pressions sur le Pacte vert de l'UE.

Dans son « discours sur l’état de l’Union » mi-septembre à Strasbourg, véritable feuille de route des mois à venir, la présidente de l’exécutif européen Ursula von der Leyen n’a évoqué ni l’un ni l’autre de ces textes, alimentant les spéculations sur leur disparition de l’agenda législatif.

Le règlement « Reach », qui encadre dans l’UE les substances chimiques dangereuses, est en attente d’une révision susceptible de le durcir drastiquement : initialement programmée pour 2022, la proposition de Bruxelles avait été repoussée à l’automne 2023 –au grand dam des associations environnementales, qui pointaient les pressions d’industriels.

Trois Etats membres (Suède, Danemark, Pays-Bas) et la Norvège expriment désormais leurs « vives inquiétudes » d’avoir vu Mme von der Leyen faire l’impasse sur cette « pierre angulaire » du verdissement de l’industrie, selon une lettre adressée à la Commission le 21 septembre et consultée par l’AFP.

« Nous comptons sur vous pour prouver que l’incertitude considérable suscitée par le discours (…) sur les intentions de la Commission s’avère sans fondement », indiquent les ministres de l’Environnement des quatre pays. Des signataires cependant moins nombreux qu’en octobre 2022, lorsque huit Etats, dont la France et l’Allemagne, avaient appelé Bruxelles à « ne pas reculer ».

« Aucun calendrier »

La Commission assure n’avoir arrêté « aucun calendrier » : « une révision nécessite une préparation et une consultation approfondies, afin de garantir une protection élevée pour la santé et l’environnement — en soutenant la compétitivité de l’UE », explique un porte-parole.

La « compétitivité » des entreprises était érigée en priorité par Mme von der Leyen à Strasbourg –à l’heure où des États et eurodéputés de son propre camp, le PPE (droite), réclament une « pause » dans les législations vertes et dénoncent le « fardeau » réglementaire pour industriels et agriculteurs, à huit mois des élections européennes.

Autre dossier sensible : après une initiative citoyenne (environ 1,4 million de signatures) appelant à interdire l’élevage en cage, Bruxelles avait promis de proposer d’ici fin 2023 une révision des règles sur le « bien-être animal ».

Cette perspective, qui hérisse la fédération des syndicats agricoles majoritaires (Copa-Cogeca), était également absente du discours de Ursula von der Leyen, où elle promettait en revanche « moins de polarisation » avec les agriculteurs.

« Peur que ce soit enterré »

« C’est une grosse déception. J’ai très peur que ce soit enterré totalement, avec une coquille vide, voire qu’on ne présente pas du tout ce texte », redoute l’eurodéputée belge Verte Caroline Roose, dénonçant « un coup politique » en vue des futures élections.

« Les lois sur le bien-être animal sont absurdement obsolètes. La Commission s’est très fermement engagée en réponse à l’initiative citoyenne: qu’elle envisage d’abandonner témoigne d’un mépris scandaleux pour la démocratie », abonde Olga Kikou, de l’ONG Compassion in World Farming.

Brigitte Bardot, au nom de sa fondation, a fustigé « un signal extrêmement négatif sur le manque d’ambition de la Commission », redoutant « un déni de démocratie ».

« Le bien-être animal restera une priorité (…) Les travaux préparatoires sont en cours », même si aucun calendrier n’est fixé « à ce stade », tempère une porte-parole de l’exécutif européen.

« La Commission avait promis que cela viendrait, mais je ne vois rien à l’ordre du jour », déplorait le ministre allemand de l’Agriculture Cem Özdemir la semaine dernière à Bruxelles, en contraste avec l’attentisme d’une partie de ses homologues.

Même si Bruxelles soumettait ses propositions d’ici fin décembre, eurodéputés et États n’auraient pas le temps de les examiner d’ici les élections, étant déjà accaparés par de nombreux textes en négociation –dont celui, controversé, sur la « restauration de la nature ».

« C’est une décision politique », résumait le commissaire à l’Environnement, Virginijus Sinkevicius devant des eurodéputés début septembre. « Est-ce qu’on présente des initiatives supplémentaires, qui ne pourront malheureusement pas être finalisées sous cette mandature, ou est-ce qu’on se concentre sur celles déjà sur la table (…) avec des ambitions élevées? »…