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Le terme « agribashing » a moins la cote, vive la communication positive !


AFP le 21/02/2025 à 11:20

« L'agribashing », ce terme qui désigne les critiques perçues comme injustes de certaines pratiques agricoles, s'efface peu à peu du débat public. Pour convaincre le public et les politiques, agriculteurs et autres professionnels du monde agricole ont privilégié « la communication positive », même si c'est « la colère » qui a dominé 2024.

Un mot qui apparait à la fin des années 2010 L’« agribashing » permettait de « mettre une étiquette » sur « trois critiques principales »: « la mise en cause des modèles productivistes dans le réchauffement climatique, l’usage de pesticides et ses conséquences sur la santé humaine et sur l’environnement, et enfin la question du bien-être animal dans l’élevage », déclare à l’AFP Sylvain Brunier, sociologue au CNRS et à Sciences Po.

Le terme croît dans l’espace public numérique, avant d’être repris par le premier syndicat agricole, la FNSEA, lors de la campagne des élections aux chambres d’agriculture de 2019. Les pouvoirs publics s’en emparent ensuite, qui créent la cellule de gendarmerie Demeter, avec pour objectif la lutte contre l’agribashing, les intrusions dans les exploitations et la délinquance sur ces exploitations – la mission de prévention des « actions de nature idéologique » a été retoquée par la justice administrative.

Le terme s’efface peu à peu à partir de 2020 et n’est désormais que peu employé par les syndicats ou le monde agricoles, hors quelques résurgences notamment dans la bouche des politiques.

Passer à la « communication positive » Sylvain Brunier et Baptiste Kotras, chargé de recherche à l’Inrae, ont travaillé sur les réseaux sociaux, qui constituent « de longue date le terrain d’expression privilégié de nombreux agriculteurs ».

Ils ont étudié les tweets #FrAgTw sur plusieurs années, lancés par l’association FranceAgriTwittos créée en 2017, qui défend « une communication positive » sur les réseaux, face aux critiques jugées « mal informées, émises par des urbains coupés des réalités ».

« Une longue conversation en ligne » des agriculteurs, qui mettent en scène leur travail quotidien, et des « professionnels de l’agriculture au sens large », « du technicien de coopérative à l’ingénieur salarié d’une entreprise d’agrochimie ».

Succession de chantiers (« cochon », « lin », « blé », etc.), du cycle des saisons (« automne », « gel »), photos ou vidéos (prises à la ferme, des paysages alentours, les membres de la communauté)… Ces messages bénéficient « d’un très fort capital d’authenticité, qui peut être instrumentalisé par des responsables politiques ou des entreprises » face « à la montée des critiques sur les fronts du climat, du bien-être animal et de la santé ».

Ils proposent « une vision unitaire des filières agricoles qui tente de neutraliser les rapports de production, les inégalités et les dénonciations qui en découlent », selon les deux sociologues.

Depuis un an, le mot clé, c’est « colère »

En 2023, aiguillonné par quelques plaintes contre les meuglements de vaches ou le chant du coq, le gouvernement était prêt à légiférer pour éviter aux agriculteurs de « faux procès » quand leur activité dérange le voisinage. Un faux problème pour les syndicats, qui réclament avant tout un revenu décent.

L’année 2024 est à marquer d’une pierre noire pour nombre d’agriculteurs: flambée de maladies animales, mauvaises récoltes dans le vin et les céréales, remous politiques qui retardent des mesures attendues par les syndicats agricoles…

Le tout dans un contexte tendu avant les élections professionnelles début 2025 (elles n’ont lieu que tous les six ans), qui déterminent la gouvernance des chambres d’agriculture et le poids des syndicats. Un calendrier propice à la surenchère entre les organisations représentatives, dont l’historique FNSEA, qui a vu son hégémonie ébranlée par la Coordination rurale, porteuse d’un discours souverainiste et anti-normes.

« Je demande que soit entendue la colère agricole depuis un an », déclarait en décembre Arnaud Rousseau, dirigeant de la FNSEA. Il a qualifié les élections aux chambres d’agriculture de « vote de la colère » et précisait peu avant l’ouverture du Salon de l’Agriculture samedi: « la colère est toujours là ».