Accéder au contenu principal

Le vin désalcoolisé : un marché dynamique qui séduit les producteurs français


AFP le 20/07/2024 à 11:05

Séduits par un marché plus dynamique que celui du vin classique, des vignerons français reconnus pour leurs breuvages « acceptent désormais de les désalcooliser » et prennent le virage du vin sans alcool, en s'appuyant sur leur savoir-faire historique.

Si les procédés de fabrication de boissons sans alcool font régulièrement l’objet d’innovations, deux sont plus fréquemment utilisés dans le domaine du vin : l’un consiste à assembler un ou plusieurs cépages, à base de moût de raisins non fermentés ; l’autre, plus élaboré, suit le processus de fermentation d’un vin traditionnel, suivi ensuite d’une étape de désalcoolisation.

C’est cette seconde technique, plus onéreuse, car elle implique un processus supplémentaire, et donc plus chère pour le client final – de 6 euros la bouteille pour une boisson sans fermentation à 15 euros pour un vin désalcoolisé -, qui a encouragé de nombreux viticulteurs à se tourner vers le sans-alcool, comme l’ont démontré les rencontres professionnelles sur le « No-Lo » (pour No alcohol – Low alcohol, peu ou non alcoolisé) début juillet à Lattes (Hérault).

« Il y a ici un terroir, une belle matière. On sait faire de bons vins. C’est, indéniablement, le point de départ d’un bon vin sans alcool », souligne Jean-Philippe Braud, fondateur de l’entreprise Gueule de Joie, début juillet, auprès de l’AFP.

Ayant flairé la tendance, ce fils et petit-fils de « buveurs devenus abstinents » a fondé en 2018 l’entreprise de e-commerce Gueule de joie, spécialisée dans la distribution et la valorisation des boissons sans alcool.

A côté des bières 0 % notamment, le vin sans alcool représente désormais la moitié de son activité, avec une « nette accélération » du marché « depuis deux ou trois ans ».

Château Lacoste en Provence, la cave Ribeauvillé en Alsace, les Vignobles Raguenot en appellation blaye-côtes-de-bordeaux: la liste s’étoffe des producteurs qui prennent ce même virage.

Des vins « déconstruits »

« On est en train de vivre une révolution », observe M. Braud : « Des vignerons reconnus acceptent désormais de désalcooliser leurs vins, de les déconstruire. Loin du jus de raisin, ils font preuve d’innovation ».

Selon le cabinet américain Fact. MR, spécialisé dans les prévisions de marché, la demande mondiale de vins non alcoolisés devrait augmenter de 10 % par an jusqu’en 2033 et atteindre 5,2 milliards de dollars américains.

« C’est un marché de niche, en pleine construction, mais extrêmement enthousiasmant », explique Geoffroy de La Besnadière, au Domaine de l’Arjolle dans l’Hérault, au coeur de l’IGP côtes-de-thongue.

Depuis 2019, ce domaine propose une gamme de vins et de mousseux désalcoolisés dont les chiffres de ventes se sont envolés, atteignant 100 000 bouteilles vendues en 2023 et « probablement le double en 2024 ».

« La demande est d’abord venue d’un de nos clients », rappelle-t-il : aujourd’hui, « nous vendons 60 % de nos vins désalcoolisés à l’étranger, mais nous sommes surpris de constater que la demande en France progresse tout autant. » Selon ISWR, fournisseur mondial de données et d’informations sur les boissons, la France a enregistré en 2022 la plus forte progression de nouveaux buveurs de boissons désalcoolisées parmi les pays occidentaux (+ 25 %), majoritairement issus de la génération des « Millennial ».

Une des entreprises françaises phares dans ce domaine, la maison Pierre Chavin, implantée dans l’Hérault, s’était lancée dans le vin sans alcool il y a 14 ans, impulsée par la fondatrice et dirigeante Mathilde Boulachin lorsqu’elle était enceinte.

Depuis, la progression des ventes est constante, atteignant cette année plus de deux millions de cols vendus, majoritairement à l’étranger. Les vins sans alcool représentent 50 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, soit six millions d’euros. « Au départ, c’était une niche. Et d’ici deux ans, ça aura encore augmenté », assure Mme Boulachin, fervente porte-parole du « No Lo ».

En France, le marché des vins sans alcool est né tardivement, freiné par une culture oenologique forte.

« L’export est un enjeu majeur. Là où les consommateurs ne sont pas des connaisseurs aussi aguerris qu’en France, les vins sans alcool sont parfois un marchepied vers la gamme traditionnelle alcoolisée. Ça ouvre de nouveaux marchés », constate Mathilde Boulachin, dont l’entreprise réalise 93 % de son chiffre à l’international.

Pour elle, un vin sans alcool est comparable « à un café décaféiné ». Un choix qui n’a plus rien d’étonnant lorsqu’il est commandé dans un bar.