L’ensemble des syndicats agricoles du même « avis » que le Cese sauf…
TNC le 16/06/2020 à 09:36
Les syndicats agricoles ont accueilli favorablement, dans l'ensemble, les propositions du Cese présentées la semaine dernière pour faire évoluer les dispositifs d'accompagnement financiers et humains de l'installation et de la transmission en agriculture. Certains points cependant ne font pas l'unanimité, en particulier l'accès à la dotation jeune agriculteur jusqu'à 50 ans auprès notamment de Jeunes agriculteurs, de la FNSEA et des chambres d'agriculture.
« Un avis positif » pour la Coordination rurale (CR), que sa section « jeunes » « accueille avec satisfaction et dont elle partage une large majorité des propositions formulées ». Tout comme la Confédération paysanne (CP), qui « salue son adoption » parce que, elle aussi, « partage les constats et les principales préconisations ». Un travail « dont nous saluons l’ambition et qui tombe à point nommé en faisant de l’enjeu de la souveraineté alimentaire, mis en lumière par la crise sanitaire du Covid-19, un impératif » mais qui contient « de fausses bonnes solutions inquiétantes » : la FNSEA, Jeunes Agriculteurs et les chambres d’agriculture sont, quant à eux, plus critiques face aux recommandations du Conseil économique, social et environnement, adoptées le 9 juin en séance plénière, pour favoriser le renouvellement des générations en agriculture.
Pour en savoir plus sur ces préconisations, lire : DJA, aides Pac, fiscalité : les propositions du Cese pour stopper l’hémorragie
« Des producteurs nombreux sur nos territoires, des exploitations résilientes et des politiques qui facilitent la transmission et l’installation des jeunes sont des conditions incontournables » à la sécurité alimentaire de la France, soulignent-ils. La CP, elle, insiste sur les chiffres « vertigineux » égrainés en introduction : « Les 56 000 paysan.ne.s disparu.e.s ces 10 dernières années, les 200 000 autres qui vont partir à la retraite d’ici 2026, dont les 2/3 tiers pensent ne pas pouvoir transmettre leur ferme, d’où 1/4 des exploitations menacées de disparition dans les cinq ans qui viennent. » « Une tendance qui perdurera, selon le syndicat, tant que le problème du revenu paysan ne sera pas traité concrètement par une réorientation massive des aides Pac, la fin des accords de libre-échange, la maîtrise et la répartition des volumes de production. »
Foncier et formation : deux points d’accord majeurs
Le foncier est, sans doute, le principal point de consensus entre les différentes structures syndicales. La FNSEA, JA et les chambres d’agriculture prônent, comme le rapport, « un renforcement de sa régulation pour simplifier l’accès aux jeunes avec un objectif de zéro artificialisation nette des terres agricoles ». Et la CP appelle de ses vœux « l’adoption d’une loi foncière ambitieuse pour mettre fin au verrouillage des terres agricoles ». Autre élément suscitant une large adhésion : placer la formation le plus « en amont » possible de l’installation, dès l’initiation du projet. « Trop de candidats jettent l’éponge faute d’un accompagnement adapté, estime notamment la Conf’. Le désengagement de Vivea et la réforme de la formation professionnelle aggravent ce phénomène en multipliant les obstacles » qui les empêchent de se former précocement.
« Adapter les formations agricoles aux besoins des futurs installés, renforcer l’apprentissage ou encore les stages de terrain » sont, pour la CR, des « axes stratégiques ». Grâce à « l’augmentation du nombre d’espaces-tests » et au déploiement à plus grande échelle du parrainage et du droit à l’essai pour les Gaec, les futurs agriculteurs vont pouvoir « tester » leur projet et leur envie d’exercer cette profession. Cela leur permettra également de « prouver » la viabilité de leur installation et la solidité de leur motivation, d’autant plus si à l’avenir, ils sont autorisés à défendre leur dossier en CDOA. Toutefois, la FNSEA, JA et les chambres d’agriculture regrettent l’absence de préconisation en matière de « promotion des métiers de production agricole, nécessaire pour susciter des vocations, relever le défi démographique à venir et assurer la dynamique des territoires » alors que « pourtant à ce jour, une campagne nationale existe ».
La DJA à 50 ans fait débat
À propos de la dotation jeune agriculteur : Le respect d’un niveau de revenus pour bénéficier de la DJA est supprimé
Par ailleurs, la Coordination rurale met en avant « la déclinaison, à l’échelle départementale, des comités régionaux installation transmission (CRIT) » qui, espère-t-elle, rapprochera les politiques d’installation et de transmission des préoccupations locales et « créera une dynamique multi-acteurs donnant au candidat une vision à 360° de son environnement professionnel pour qu’il fasse ses choix en pleine conscience ». Fini, ainsi, « le monopole injustifié de certaines organisations », lance-t-elle. Sur le volet transmission en particulier, la CP se réjouit de « la revalorisation des retraites agricoles à au moins 85 % du Smic » proposée par le Cese et ajoute que celle-ci doit être « immédiate ».
Au-delà de ces nombreux sujets sur lesquels les syndicats agricoles se rejoignent, l’extension de la dotation jeune agriculteur jusqu’à 50 ans a fait débat. La CP et CR y sont favorables, car cette mesure améliorerait « l’équité entre les installés aidés et non aidés et simplifierait le parcours à l’installation ». « Même si nous aurions préféré la suppression pure et simple de ce critère d’âge », nuance Joris Miachon, responsable de la section « jeunes » de la Coordination rurale. Du côté de JA, de la FNSEA et des chambres d’agriculture, les oppositions sont vives. « Non seulement, cela risque de profondément diluer l’enveloppe dédiée, mais en plus, de faire perdre toute considération générationnelle, à l’origine de cette aide. »
« Évitons de complexifier davantage »
« La DJA a pour objectif d’accompagner économiquement les jeunes qui s’installent sur des exploitations viables, vivables et transmissibles avec un vrai projet pour fournir une alimentation de qualité. Attention aux dérives auxquelles une telle modification pourrait amener », mettent-ils en garde, jugeant « plus pertinent de distinguer le « jeune installé » du « nouvel agriculteur »». La CR estime, pour sa part, que « s’appuyer sur le modèle coopératif pour faciliter les installations » est une erreur plus préjudiciable, craignant une forme « d’intégration » qui « porte atteinte à la capacité de réflexion et à la liberté d’entreprendre » des futurs installés.
Retrouvez encore l’interview de Vincent Elissondo, Primotera: « Un accompagnement sur-mesure des cédants et repreneurs »
« Il faut stopper l’hémorragie et inverser la courbe tout de suite ! », conclut la Conf’ considérant que « les candidats sont là et qu’il faut se donner les moyens de les soutenir et les accompagner ». « Faisons du renouvellement des générations une priorité politique » mais les dispositifs d’accompagnement doivent « rester cohérents et lisibles, à tous les échelons administratifs, évitons donc de les complexifier », recommandent la FNSEA, JA et les chambres d’agriculture. L’un des dangers de ce rapport qui pourtant comporte des suggestions intéressantes, complètent-ils. « Toutes, néanmoins ne doivent pas être prises à la lettre. »