Les agriculteurs restent mobilisés avant de nouvelles annonces
AFP le 30/01/2024 à 09:14
Les agriculteurs bloquent mardi pour le deuxième jour des axes stratégiques autour de Paris, déterminés à montrer qu'ils peuvent tenir si les « nouvelles mesures » dévoilées dans la journée par le gouvernement déçoivent, mais la menace du blocage du marché de Rungis fait débat au sein du mouvement. (Article mis à jour à 11h30)
Un convoi de 200 tracteurs, parti d’Agen en direction du marché d’intérêt national (MIN) de Rungis, est retourné sur l’A20 après avoir été bloqué plus tôt sur cette même autoroute par les gendarmes, selon la préfecture de l’Indre. Des blindés de la gendarmerie ont été déployés à Rungis pour que le tentaculaire marché de gros, poumon alimentaire de l’Ile-de-France, puisse fonctionner, à la demande du gouvernement.
« Notre objectif ce n’est pas d’affamer les Français, c’est de les nourrir », a déclaré Arnaud Rousseau, président du premier syndicat agricole, la FNSEA, sur Europe 1 mardi.
Bloquer Rungis n’est selon lui « pas une bonne idée » : « Si on ne veut plus de dialogue, et si on veut juste la violence, et bien ce ne sera pas chez nous », a-t-il ajouté au lendemain d’une réunion de plus de trois heures avec le Premier ministre Gabriel Attal, qu’il a appelé à aller « plus loin » que les premières mesures d’urgence annoncées vendredi.
Sur l’A1, l’A4, l’A6, l’A13…. des agriculteurs ont passé la nuit dans leur tracteur après avoir entamé lundi après-midi le blocage d’autoroutes à proximité de la capitale. « La nuit a été courte, il va falloir rebondir mais on est d’attaque », assure Samuel Vandaele, secrétaire général de la FDSEA 77 d’une voix enrouée, sous un pont de l’autoroute A4, à une trentaine de kilomètres à l’est de Paris.
Barnum, braseros, groupes électrogènes, tireuses à bières et café au petit matin : de quoi attendre une centaine de tracteurs « qui nous rejoignent, en provenance de Moselle, de la Meuse et de l’Aisne », ajoute-t-il.
« Rester tant qu’on n’a pas de réponse »
Plus d’une semaine après le premier blocage d’axes routiers en Occitanie, qui avait lancé le mouvement le 26 janvier, d’autres actions diverses sont prévues un peu partout en France. Et de nouvelles mesures agricoles doivent être dévoilées dans la journée, le premier syndicat agricole, la FNSEA, ayant jugé après les premières annonces d’urgence du Premier ministre Gabriel Attal vendredi qu’il fallait « aller plus loin ».
Le chef du gouvernement a reçu de nouveau lundi soir, pendant 3 h 30, Arnaud Rousseau et son homologue du syndicat Jeunes agriculteurs (JA) Arnaud Gaillot, sans déclarations à l’issue. Non convié, le syndicat minoritaire Confédération paysanne, de gauche, appelle les autres organisations à se concentrer sur « l’arrêt des accords de libre-échange » et « l’interdiction formelle de l’achat des produits agricoles en dessous de leur prix de revient ».
« Le mot d’ordre, c’est de rester tant qu’on n’a pas de réponse aux principaux points », a déclaré mardi matin depuis le péage de Buchelay (Yvelines) sur l’A13 dans les Yvelines Thomas Robin, céréalier à Tilly et secrétaire général adjoint de la FDSEA Île-de-France, joint par l’AFP. « Nous sommes déterminés à bloquer le péage 24h, peut-être trois jours », a confié à l’AFP Thierry Bonnamour, maraîcher en Savoie, sur un barrage à une trentaine de kilomètres de l’est lyonnais. « Nous demandons une meilleure considération évidemment mais surtout une réduction des accords de libre-échange », affirme-t-il.
Les organisations écologistes s’inquiètent d’un éventuel retour en arrière sur les normes environnementales, les syndicats majoritaires tentant de pousser leur avantage. Ils demandent notamment de revenir sur des restrictions d’usage des pesticides.
« Nous attendons autre chose que des mesurettes »
Selon une source policière, les blocages autour de Paris ont impliqué lundi un millier d’agriculteurs et « un peu plus de 500 engins agricoles ». « L’objectif de tenir jusqu’à vendredi est manifeste », selon cette source. Sur les points de blocage, les agriculteurs ont ramené ravitaillement, groupes électrogènes, citernes d’eau, toilettes de chantiers. Et organisé des rotations.
« On a tous envie de retourner auprès de nos cultures et de nos animaux », avait assuré Samuel Vandaele, secrétaire général de la FDSEA 77 et ex-président des JA. « On n’a pas envie d’embêter nos concitoyens », avait-il ajouté en organisant le campement lundi.
Gabriel Attal, qui fera sa déclaration de politique générale mardi, a notamment annoncé vendredi des indemnités gonflées pour les éleveurs dont les bovins ont été touchés par la maladie hémorragique épizootique (MHE) et l’abandon de la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR). Les manifestants disent attendre autre chose que des « mesurettes » dans une France qui a perdu les trois quarts de ses exploitants en 50 ans et recourt de plus en plus aux importations : un poulet consommé en France sur deux vient d’ailleurs, comme 60 % des fruits.
Le syndicat minoritaire Confédération paysanne, de gauche, porte, d’ailleurs, « l’arrêt des accords de libre-échange » et « l’interdiction formelle de l’achat des produits agricoles en dessous de leur prix de revient ». « On va voir le discours général du Premier ministre mais il y a peu de chance que quelque chose en ressorte », a déclaré de son côté à l’AFP Yohan François, membre du bureau de la FDSEA dans la Meuse, sur le chemin de Paris, se réjouissant de voir des agriculteurs manifester « pour la première fois » et prêts à tenir sur la durée.
Baisse de 30 à 40 % du trafic autoroutier
À Marmande, dans le Lot-et-Garonne, des agriculteurs se relaient depuis lundi matin à proximité de deux supermarchés (Biocoop et Leclerc), sur un rond-point où ils contrôlent les cargaisons de camions étrangers et français.
Quelque 150 agriculteurs avec leurs tracteurs, venus de Haute-Garonne, du Gers, du Tarn et de l’Ariège prévoient de bloquer mardi matin les accès à l’aéroport de Toulouse dans la matinée, selon le secrétaire général de la FDSEA Haute-Garonne, Luc Mesbah.
Signe d’une certaine fébrilité, la préfecture de la Drôme a demandé aux habitants du département « de ne pas constituer de stocks alimentaires », assurant que « les principales grandes surfaces » étaient suffisamment approvisionnées.
Arnaud Quémard, directeur général de la Sanef (autoroutes du Nord et de l’Est) a estimé mardi matin sur RMC que les blocages entraînaient une baisse de 30 à 40 % du trafic, avec des pertes de revenus conséquentes et « des coûts importants », notamment pour nettoyer les « énormes quantités de déchets ».