Les employés de l’ONF réclament des bras et une vision
AFP le 26/11/2021 à 06:05
« La forêt peut nous sauver si on la préserve » : des centaines d'employés de l'Office national des forêts (ONF) ont manifesté jeudi pour demander la « renégociation du contrat avec l'État » qui prévoit 500 suppressions de postes, et une vision d'avenir pour affronter le changement climatique.
« Des bras pour planter des arbres », « des moyens et une nouvelle gouvernance » : vêtus de l’uniforme vert bouteille de forestier, ils étaient réunis devant le siège de l’Office à Paris à l’appel d’une intersyndicale, pour dire leur colère face à « un modèle économique à bout de souffle » et « incapable de répondre à l’urgence climatique », a constaté une journaliste de l’AFP.
« On a perdu 5 000 emplois en vingt ans : aujourd’hui, nous ne sommes plus que 8 000 à assurer la gestion des forêts publiques. La baisse des effectifs a conduit à un recentrage sur les activités commerciales au détriment de nos missions de service public », explique Patrice Martin, secrétaire général du Snupfen-Solidaires, premier syndicat du secteur public à l’ONF.
« Nous demandons la renégociation du contrat ONF-Etat 2021-2025, qui a été adopté de justesse par le conseil d’administration en juillet : tous les syndicats, mais aussi les représentants des 11 000 communes forestières, les associations ont voté contre », a-t-il déclaré.
Gobelet de café chaud à la main, les ouvriers forestiers ne comprennent pas qu’on supprime 500 postes « tout en injectant des millions pour planter des arbres : qui va les planter, les entretenir ? », demande David Druesne, venu d’Annecy.
« L’État étrangle financièrement l’ONF au lieu d’assurer ses missions : ce qu’on demande, c’est un modèle économique viable, qui permette de faire face aux enjeux climatiques », martèle Patrice Martin.
Le nouveau contrat d’objectifs et de performance a fait l’objet d’âpres batailles, tant au sein de l’ONF que parmi les élus.
« On voit déjà les dégâts »
Parallèlement aux suppressions de postes – qui visent des ouvriers forestiers qui seront remplacés par des prestataires extérieurs -, le contrat prévoit une rallonge budgétaire de l’État, afin de permettre à l’ONF, lourdement endetté, de retrouver l’équilibre budgétaire d’ici 2025.
Il envisageait aussi une contribution supplémentaire des communes forestières de près de 30 millions d’euros, à laquelle le gouvernement vient de renoncer face à la levée de boucliers des communes. Ces dernières se sont engagées en retour à accroître la contractualisation qui assure une meilleure garantie d’approvisionnement et de prix aux scieries.
Parmi les ouvriers, la colère le disputait au dégoût : « Les prestataires qu’on embauche n’ont pas de formation de forestier. On voit déjà les dégâts : sur une parcelle où du dégagement (enlèvement de bois morts, arrachage pour favoriser les essences adaptées ou précieuses) a été fait dans l’Allier, ils n’ont laissé que du chêne, au détriment des cerisiers ou des cormiers », témoigne Julien Odrat, ouvrier forestier à l’ONF depuis treize ans.
Les syndicats pointent eux un modèle économique à bout de force. « Notre modèle reste basé les ventes de bois, qui ne cessent de baisser depuis 40 ans. On le sait tous, le bois ne paye plus la forêt », affirme Philippe Canal, de Snupfen-Solidaires.
« Il faut se rendre compte que la forêt, qui couvre 30 % du territoire, rend d’immenses services économiques à la société : elle protège les sols, préserve les ressources en eau, abrite la biodiversité et stocke le carbone », détaille-t-il.
Il plaide pour un « vrai débat, à l’Assemblée » sur ce que représente la forêt, « notre premier rempart face au changement climatique », rappelant qu’un tiers des communes forestières est désormais concerné par le risque d’incendie.
Les manifestants, réunis devant le siège de l’ONF où devait se tenir un conseil d’administration, ont entamé en fin de matinée une marche vers Bercy, « là où tout se décide ».
Initialement prévu ce jeudi, le conseil d’administration n’a finalement pas été convoqué, dans l’attente de la nomination d’un nouveau président. Le précédent conseil est arrivé en fin de mandat en septembre.
« Encore un exemple du désintérêt de l’État », commentaient plusieurs représentants syndicaux, alors qu’il faut voter le budget avant la fin de l’année.