Les grèves n’ont pas fait flancher les exports, mais terni l’image de la France
TNC le 13/02/2020 à 06:08
Pour la cinquième fois consécutive, FranceAgriMer a relevé ses prévisions d'exportations sur les pays tiers pour le blé français. L'anticipation des opérateurs a certes permis de limiter l'impact de la grève en termes de volume exporté, mais les acteurs de la filière encaissent les surcoûts engendrés, et l'image de "filière d'excellence" française a pris un coup auprès de ses clients.
Les opérateurs français sont confiants. La récolte 2019 a été excellente, la production tricolore reste très compétitive sur la scène internationale et s’exporte bien depuis le début de la campagne. Les grèves qui perturbent les activités logistiques françaises depuis le mois de décembre n’auront pas eu raison du volume d’export, puisque FranceAgriMer a de nouveau décidé d’augmenter ses perspectives d’exportations vers les pays tiers, désormais estimées à 12,6 Mt contre 12,4 Mt en janvier. C’est la cinquième fois consécutive que FranceAgriMer augmente ses prévisions. Depuis le mois d’octobre, l’organisme a ajouté chaque mois 200 kt à ses prévisions d’exportations.
Mais Benoît Piètrement, président du conseil spécialisé grandes cultures de FranceAgriMer continue de souligner la « position conservative » de l’organisme, alors que certains opérateurs sont bien plus optimistes. Pour Marion Duval, adjointe du chef de l’unité grains et sucre au sein de la direction « Marchés, études et prospective » de FranceAgriMer, « on ne va pas pouvoir monter indéfiniment, les disponibilités ne sont pas inépuisables ». À un moment donné, le stock de fin de campagne risque d’être sérieusement entamé.
Les prévisions d’exportation vers les autres pays de l’Union européenne ont cependant été diminuées de 180 kt, à 8,02 Mt. « La demande est moins dynamique et l’export vers les pays tiers draine les disponibilités », explique FranceAgriMer. Le regain de compétitivité du maïs a entraîné une « baisse des incorporations de blé tendre au profit des orges et du maïs », ce qui a fait baisser de 100 kt l’utilisation de blé par les fabricants d’aliments du bétail, à 5 200 kt.
Au 10 février, 6,4 Mt de blé français ont déjà été embarquées, contre 4,8 Mt l’an dernier. Le mois de janvier a très soutenu, avec 1,385 kt expédiées. « La filière s’est organisée pour répondre à la demande des clients. Sur février, 500 kt ont déjà été chargées ».
FranceAgriMer a réalisé un panorama des exportations françaises à six mois de campagne, donc à fin décembre 2019. La France avait exporté 8,9 Mt de blé, dont 5,2 Mt vers les pays tiers et 3,7 Mt vers l’Union européenne.
Comme les années précédentes, l’Algérie reste le principal client du blé français, mais ses importations sont en recul comparé à la campagne 2018/19. « Ils ont sauté un appel d’offres à l’automne, c’est ce qui explique cette baisse ». Mais les opérateurs se montrent confiants et attendent un rattrapage. Alors que les volumes restent plutôt stables sur la Belgique et les Pays-Bas, les deux principaux débouchés de la céréale française en Europe, des destinations telles que l’Afrique Subsaharienne, l’Afrique de l’Ouest, la Chine ou encore le Maroc, achètent beaucoup plus de blé français cette année.
Qualité et disponibilité : le combo gagnant
Concernant le Maroc, à sept mois de campagne, les exports à destination du pays ont été multipliés par cinq. Le marché marocain donne la priorité à sa production nationale via un système de taxation. Mais cette année, la récolte du pays a été mauvaise, alors l’ouverture du marché s’est faite rapidement. La qualité et la disponibilité du blé français expliquent le fait que les volumes soient plus importants cette année. « L’effet « qualité + disponibilité » a fait que les meuniers marocains se sont plus vite intéressés à l’origine française.
Quant à l’empire du Milieu, il se fournit habituellement auprès de l’Australie, des États-Unis ou encore du Canada. Mais ces pays sont moins présents cette année, dans un contexte de tensions politiques, et le blé français arrive à se faire une place plus conséquente. D’après FranceAgriMer, entre 1 et 1,2 Mt de blé français pourraient au total être envoyées en Chine sur la campagne.
Les prévisions sont également assez optimistes vers l’Égypte, destination sur laquelle les exports de blé français pourraient atteindre 900 kt voire 1 Mt. En Algérie, les quantités exportées pourraient être un peu meilleures, entre 5 et 5,2 Mt. En Afrique subsaharienne, les parts de marchés perdues à la suite de la récolte 2016 sont progressivement regagnées. « La demande semble donc toujours être dynamique. Une même question va se poser pour la deuxième partie de campagne : le coût du fret. Au départ mer Noire, il faut compter entre 13 et 15 $/t pour expédier du blé vers l’Égypte ou le Maghreb, tandis qu’à partir de l’Europe, on est à 16-18$/t. Les coûts sont bien évidemment très variables mais sont de cet ordre de grandeur ».
Alors même si les grèves ne sont, fort heureusement, pas parvenues à faire baisser le niveau des exportations grâce à une anticipation des opérateurs, la filière a pris un coup dur. De nombreux trains ont dû être transformés en camions, ce qui a entraîné des « surcoûts importants pour les vendeurs, à hauteur de 4 à 6 €/t ». Concernant la perte de clients, FranceAgriMer ne s’est pas estimé en mesure de se prononcer.
L’image de la France auprès de ses principaux clients, elle, a été considérablement ternie. Or, c’est un élément particulièrement important pour les clients, auprès desquels la France prône son savoir-faire, sa qualité et sa fiabilité. « Aujourd’hui, tout le monde a entendu parler des grèves en France », se désole FranceAgriMer. « Il est important que les clients connaissent la fiabilité de la logistique française. Sur des pays qui fonctionnent souvent presque en flux tendu, afficher des problèmes logistiques, ce n’est pas l’idéal ».
Une convention avec le Maroc
Fin 2019, l’Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses du Maroc (ONICL), FranceAgriMer et France Export Céréales ont renouvelé l’accord de coopération qui les lie depuis 2010. Cet accord tripartite consacre la bonne coopération qui existe entre les deux filières françaises et marocaines. Tous les trois ans, les termes de l’accord sont revisités, ce qui est utile pour « réchauffer les relations », mais également sur la partie formation, puisque « les équipes changent et le besoin se renouvelle. Ça permet de faire une mise à jour ».
La France et le Maroc, c’est une longue histoire, au niveau céréalier aussi. Le Maroc est structurellement importateur de céréales et notamment françaises, avec des acteurs très dynamiques, très professionnels, et qui demandent finalement à l’être encore plus.
La convention porte sur des sujets assez techniques, et depuis sa mise en œuvre il y a près de dix ans, de nombreuses actions ont été menées pour « renforcer des compétences du laboratoire d’analyse des céréales de l’ONICL, renforcer la connaissance et le suivi des marché ». « Pour des pays importateurs comme le Maroc, avoir une bonne connaissance des ressorts du marché mondial c’est fondamental », explique France Export Céréales. Des « échanges techniques et des formations liées à la manutention, au stockage et à la conservation des céréales, ainsi qu’aux infrastructures de transformation, portuaires et de logistiques » sont également réalisées.
Il est primordial de garder des liens privilégiés avec un grand pays importateur tel que le Maroc.
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