Les propositions de Serge Papin pour faciliter les négociations commerciales
TNC le 19/12/2020 à 11:35
Souveraineté de l'agriculture française, transition écologique, questions de santé... Les enjeux des négociations entre distributeurs, industriels agroalimentaires et producteurs agricoles nécessitent de faire l'objet de discussions « sur le temps long », a plaidé Serge Papin, ancien patron de Système U, certains insistant plutôt sur des échéances plus rapprochées, à l'issue du comité de suivi des relations commerciales qui s'est tenu le 18 décembre.
Début septembre, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie avait fait le constat que la loi Alimentation Egalim, censée assurer une meilleure rémunération des agriculteurs, n’avait « pas encore atteint » ses objectifs. Il avait nommé un mois plus tard Serge Papin pour travailler sur « la répartition de la valeur ».
Ce dernier a dévoilé ses premières recommandations vendredi soir, lors d’un Comité de suivi des relations commerciales organisé par le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie et par la ministre déléguée à l’Industrie Agnès Pannier-Runacher, en présence des différentes parties prenantes à ces fameuses négociations commerciales qui mettent aux prises chaque année les supermarchés, les industriels et les producteurs. Il s’agissait du quatrième comité de suivi depuis l’arrivée de Julien Denormandie en juillet dernier, preuve de son « implication » et de sa « fermeté » pour « faire en sorte que loi Egalim soit appliquée », a rappelé son cabinet.
Vers des accords pluriannuels ?
Principale proposition : préférer aux négociations commerciales annuelles des « accords pluriannuels ». « Si on veut conjuguer l’amélioration de la qualité avec un gain de compétitivité, seul le temps long permet de le faire », a plaidé M. Papin vendredi soir auprès de l’AFP, évoquant le « paradoxe » à tout remettre en cause de manière annuelle.
Les enseignes de la grande distribution jouent en effet sur les prix pour attirer des Français exigeants en terme de pouvoir d’achat, a fortiori en période d’inquiétude économique. Mais en offrant des prix bas, les supermarchés rognent leur marge et sont donc tentés de négocier à la baisse ce que leur fournissent les industriels de l’agroalimentaire. Lesquels, à leur tour, vont acheter à la baisse auprès des producteurs, laitiers par exemple.
Des accords pluriannuels sont d’autant plus envisageables qu’ils ne nécessitent pas de changement législatif, selon Serge Papin. Selon les cabinets des deux ministères concernés, la majorité des participants au comité de suivi se seraient montrés favorables à cette proposition. « Les différentes parties prenantes se sont prononcées clairement pour qu’on puisse commencer à organiser en 2021 des réunions autour de cette nouveauté », ajoute Serge Papin. « Un groupe de travail sera mis en place afin d’approfondir ce sujet », a ultérieurement communiqué le gouvernement.
Pour les enseignes de la grande distribution, c’est aussi une question d’image, auprès de Français qui ont montré notamment pendant le premier confinement leur attachement aux produits locaux. Le groupe Carrefour a d’ailleurs annoncé vendredi avoir signé « plus de 70 % des contrats avec ses fournisseurs locaux et régionaux à la mi-décembre ».
Mettre en place un outil de transparence
Autre proposition de Serge Papin, un « outil permettant d’apporter de la transparence », « de connaitre le prix réellement payé, de façon anonyme ». Il s’agirait de mettre en place un tiers de confiance, assurant à un distributeur qui paye plus cher son fournisseur que l’impact est véritablement effectif dans les fermes, précise par ailleurs le cabinet du ministre de l’agriculture. Cet outil pourrait être dans un premier temps testé pour certaines filières, à l’image de ce qui a déjà été expérimenté dans la filière laitière.
Il viendrait en complément des médiateurs, à savoir le médiateur des relations commerciales, et le médiateur de la coopération agricole, tout juste nommé.
En attendant, « alors que vient de s’ouvrir le cycle annuel des négociations commerciales pour 2021 », poursuivent les ministres dans un communiqué commun diffusé à l’issue de la réunion, « le constat est unanime » d’un démarrage des discussions qui reste « difficile », alors que « le secteur agricole et agro-alimentaire est fragilisé » par la crise sanitaire, que certaines filières doivent affronter d’importantes pertes de débouchés dans la restauration hors domicile et à l’export, parallèlement à une hausse des coûts des matières premières.
Renforcement des contrôles
Les ministres ont par ailleurs précisé que les contrôles de la DGCCRF seraient renforcés. En 2020, quatre amendes administratives à hauteur de 10,6 millions d’€ ont été notifiées par la DGCCRF à différentes enseignes de la grande distribution pour non-respect de la date du 1er mars pour la signature des conventions de 2019. L’effet a été dissuasif, estime Bercy, puisque qu’au 1er mars 2020, très peu de conventions n’étaient pas signées. Le contrôle sur l’encadrement des promotions en valeur et sur les avantages promotionnels sur les cartes de fidélité, qui détournent la loi Egalim, seront également renforcés.
Autre nouveauté, les ministres souhaitent également mettre en place des contrôles sur les pénalités logistiques, et mener des investigations pour identifier les abus à ce sujet.
Par ailleurs, le projet de loi sur l’accélération de la simplification de l’action publique (Asap), porté au parlement par Agnès Pannier-Runacher, comprend une mesure destinée à prolonger l’expérimentation sur le relèvement du seuil de revente à perte et l’encadrement des promotions en volumes, tout en prenant en comptes les demandes spécifiques sur l’encadrement des promotions en valeur, rappelle le cabinet de la ministre.
« Pour moi, l’urgence, c’est 2021 », avait plaidé avant la réunion Richard Girardot, président de l’Association Nationale des Industries Alimentaires (ANIA). « On sort d’une année agitée, coûteuse pour tout le monde, à un certain moment, il faut peut-être calmer le jeu pour 2021 si on veut vraiment faire en sorte qu’Egalim soit respecté ».
Quant à Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), il a évoqué une réunion « plutôt constructive, lors de laquelle nous avons fait part de négociations qui suivaient un cours assez normal, sans difficultés majeures, sachant qu’on en est au tout début puisqu’il reste deux mois et demi » avant l’échéance, le 1er mars 2021.